mercredi 31 octobre 2018

Littérature 2018/2019 : La Princesse de Montpensier : La guerre dans la nouvelle et le film


Question 1 (8 points)
Quelle place occupe la guerre dans les deux œuvres ?

(Comme vous l’avez très bien vu, la guerre est à la fois celle des guerres de religion, et une guerre plus symbolique celle de l’amour qui comme le dit si bien Mme de Lafayette au début de la nouvelle, « ne laissait pas » de causer beaucoup de « désordres ».)

«  Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l’amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres, et d’en causer beaucoup dans son Empire. » Dès le départ, madame de Lafayette annonce son intention de mêler amour et guerre. La nouvelle de madame de Lafayette, Histoire de la Princesse de Montpensier, et l’adaptation filmique de Bertrand Tavernier, La Princesse de Montpensier, se déroulent sous le règne de Charles IX pendant la période de guerres de religion que madame de Lafayette appelle guerre civile. Peut-on considérer la guerre sous toutes ses formes comme susceptibles d’influencer le cours du récit ? Les guerres civiles permettent de situer les événements narratifs mais elles ne sont pas qu’un cadre, elles influent sur la vie des personnages qui eux-mêmes dans les conflits amoureux peuvent devenir sujets de l’Histoire.

I La dimension historique des guerres civiles

a) Plus qu’un arrière-plan historique, les guerres civiles règlent la vie des personnages.

La guerre, ni les combats ne sont décrits dans la nouvelle, ils sont simplement mentionnés permettant le déplacement, réunion ou désunion des personnages. Dans l’adaptation cinématographique la guerre apparaît à trois reprises : à l’ouverture, puis pour décrire le duc de Guise et le prince de Montpensier au combat et enfin à la fin du film pour une scène décrivant le massacre de la Saint-Barthélémy. La première guerre de religion commence après le massacre de Wassy le 1er mars 1562 et dont est responsable François de Guise, le père du duc de Guise et se termine en 1563 par l’édit d’Amboise. Pendant cette guerre le père du duc de Guise est tué lors du siège d’Orléans par le protestant Poltrot de Méré, peut-être à l’instigation de Coligny. La nouvelle de Mme de Lafayette commence en 1563 lorsqu’à l’âge de treize ans Mlle de Mézières s’éprend du duc de Guise. Profitant de cette paix, le mariage entre Mlle de Mézières et le prince de Montpensier est conclu en 1566 dans la nouvelle. Tavernier le place beaucoup plus tard en 1568. Effectivement la deuxième guerre civile commence en septembre 1567 « automne de l’année 1567 » et se termine le 23 mars 1568 par la paix de Longjumeau. Donc pour résumer, le mariage de Mlle de Mézières a lieu en 1566 pour Madame de Lafayette et 1568 pour Bertrand Tavernier après la deuxième guerre civile. Dans les deux cas, le Prince de Montpensier ne peut rester longtemps avec son nouvelle épouse. Il doit, dans la nouvelle, devant les menaces sur Paris, exiler la princesse à Champigny. « Après deux années d’absence, la paix étant faite, le prince de Montpensier » retrouve la princesse sa femme. C’est la période choisie par Tavernier pour que Chabannes instruise la princesse. Ce sont les consignes qu’il donne à Chabannes avant de partir : « profitez-en pour l’instruire ». Chabannes étant un proscrit, et son changement de camp trop récent, il ne peut accompagner le prince de Montpensier. Vers la fin de cette période, dans le film, Chabannes quitte la princesse et part rejoindre Montpensier qui va le présenter au duc d’Anjou. Alors que dans la nouvelle, c’est après le retour de Montpensier qui profite de la paix à partir du 23 mars 1568 pour renter à Champigny. Malheureusement cette « paix ne fit que paraître » (p.47). Donc le prince de Montpensier repart à la cour, mais cette fois accompagné de Chabannes, toujours chez Lafayette. C’est la troisième guerre de religion qui commence dès septembre 1568 et se termine le 11 août 1570 par la paix de Saint-Germain. Au cours d’une trève, Montpensier et Chabannes rentrent à Champigny et y retrouvent la princesse. C’est là que se place la scène de la barque dans la nouvelle. La deuxième scène de combat au cours de laquelle Montpensier et le duc de Guise s’illustrent se place dans le film au cours de cette 3e guerre civile. Dans la nouvelle, la guerre reprend après la scène de la rivière. Alors qu’au contraire, dans le film la scène de la rivière se situe à la fin de la 3e guerre civile, après la paix de Saint-Germain le 11 août 1570. Et vers la fin du film, se situe la nuit de la Saint-Barthélémy, le24 août 1572, au cours de laquelle Chabannes est tué. Il en va de même de la nouvelle suivi de la mort de la princesse quelques jours plus tard.

b) Une dénonciation de la guerre plus subtile chez Mme de Lafayette.

la guerre demeure très abstraite dans la nouvelle. Bienséance oblige, les combats ne sont pas décrits. Ils permettent cependant aux personnages de se couvrir de gloire. Ainsi le prince de Montpensier revient « tout couvert de la gloire qu’il avait acquise au siège de Paris et à la bataille de Saint-Denis ». De même, le duc de Guise acquiert « des emplois considérables » (p.48) au cours de la troisième guerre civile. Madame de Lafayette n’emploie jamais les expressions « guerre de religion » mais préfère celle de « guerre civile ». La condamnation de cette violence s’est faite dés la première phrase : « la guerre civile déchirait la France ». Sans prendre parti, peut-être pour ne pas heurter ses contemporains, souligne cependant que la guerre permet au duc de Guise de réparer la mort de son père et d’être « joyeux de l’avoir vengée ». Mais c’est surtout le massacre de la Saint-Barthélémy qui permet à Mme de Lafayette de sortir de sa neutralité en le qualifiant d’ « horrible massacre » (p.78) et de plaindre le « pauvre comte de Chabannes » qui est massacré lors de « cette même nuit qui fut si funeste à tant de gens ». Les scènes de bataille permettent à Tavernier de dénoncer encore plus vivement cette violence par l’intermédiaire essentiellement de Chabannes. C’est en effet Chabannes après ce crime abominable qu’est le meurtre d’une femme enceinte qui décide de ne plus se battre, de devenir pacifiste. Il s’en explique à la princesse de Montpensier sur le chemin du château de Champigny : « Comment des êtres du même sang, issus de la même foi, pouvaient-ils s’entretuer au nom d’un même Dieu ? J’ai jeté les armes. » . Plus tard lors du repas à Champigny, interrogé sur son revirement, il s’explique encore, renvoyant huguenots et catholiques dos à dos : « J’avoue être sans complaisance pour le spectacle de ces batailles. Je n’y vois que le sang et l’horreur. Je n’y entends que les cris de la souffrance. » Enfin, le comte de Chabannes trouve le moyen se racheter en sauvant d’une mort certaine une femme enceinte. A cela Tavernier ajoute des scènes de bataille très confuses où l’on remarque le plaisir des protagonistes, notamment le duc de Guise, à tuer.

Cette guerre est aussi symbolique. C’est celle des cœurs, de l’apprentissage de l’amour et des rivalités mortelles.

II Une guerre symbolique 

a) L’amour est décrit comme une bataille.
Dés la première phrase de la nouvelle, la guerre et l’amour sont liés et l’un comme l’autre créent des ravages, « des désordres ». Le Duc d’Anjou parle dans son renoncement à la « conquête d’un coeur qu’un autre possède ». Le comte de Chabannes, décrit comme « doux » et « sage », s’abandonne sous l ‘effet de l’amour « à un désespoir et à une rage qui le pouss[e] mille fois à donner de son épée au travers du corps de son rival. » L ‘amour oblige à des rivalités, à des stratégies de conquête. Et également à des renoncement, à des sacrifices. Chabannes sert son rival honni auprès de la princesse dans l’espoir qu’elle se rende compte de son amour véritable. Ainsi, c’est lui qui permet au duc de Guise sa visite nocturne à la princesse de Montpensier. Le passage par le pont-levis pour entrer dans la chambre de la princesse renforce la métaphore de l’amour comme un champ de bataille.

b) L’amour crée des rivalités mortelles qui parfois vont faire l’Histoire.
Le renoncement du duc de Guise au mariage avec Marguerite, la sœur du roi, par amour pour la princesse de Montpensier, permet le mariage de Marguerite avec le futur Henri IV et la réconciliation des deux partis, huguenots et catholiques.
Le duc d’Anjou tombe amoureux de la princesse de Montpensier. Le duc de Guise essaye mais sans y parvenir de cacher la passion qu’il entretient auprès de la princesse. D’où une haine mortelle qui s’achèvera des années plus tard par l’assassinat de duc de Guise par le duc d’Anjou devenu Henri III. Lorsque le duc de Guise est humilié par le duc d’Anjou et le roi Charles IX, il décide de créer la ligue en 1576 dont il prend la tête pour s’opposer à la politique d’Henri III. C’est en cela que l’amour crée des « désordres » aussi nombreux que la guerre.

c) L’amour tue autant que la guerre.
Le comte de Chabannes meurt massacré lors de la nuit de la Saint Barthélémy. Cette mort est causée indirectement par la passion qu’il avait pour la princesse et qui l’a poussée à trahir son ami, le prince de Montpensier. De même dans la nouvelle, la princesse de Montpensier est emportée « dans la fleur de son âge » parce qu’elle a suivi sa passion. Certes, elle ne meurt pas dans le film. Mais les dernières images laissent entendre que sa fin est proche : « Comme François de Chabannes s’était retiré de la guerre, je m’étais retiré de l’amour. La vie ne serait plus pour moi que la succession des jours. Et je souhaitais qu’elle fût brève puisque les secrètes folies de la passion m’étaient devenues étrangères »

Non seulement la guerre sous toutes ses formes, c’est à dire de la bataille sanglante à la passion, crée de multiples désordres mais également sous sa forme symbolique explique une partie de l’Histoire. « la guerre civile est l’image de l’amour, comme la passion est le ressort de la guerre ».



Littérature 2018/2019 : La Princesse de Montpensier : Le comte de Chabannes


Question 2 (12 points)
Comparez le statut et le rôle du comte de Chabannes dans la nouvelle de Mme de Lafayette, Histoire de la princesse de Montpensier et dans le film de Bertrand Tavernier, La Princesse de Montpensier.
Le comte de Chabannes est le seul personnage fictif de la nouvelle de Mme de Lafayette, Histoire de la princesse de Montpensier. La libre adaptation de Bertrand Tavernier nous permet de retrouver les mêmes caractéristiques du personnage avec cependant une plus grande importance, due à son caractère fictionnel, moins rigide qu’un personnage historique. L’adaptation filmique donne-t-elle une place particulière au comte de Chabannes ? Si les convergences sont majoritaires, l’importance du personnage est accentué tout au long du film et surtout dans l’avant générique et dans l’épilogue. Chabannes reste par certains côté un personnage complexe dont le côté tragique n’a pas échappé aux deux créateurs.

I Des caractéristiques similaires :( à rédiger)
a) un statut identique : petite noblesse. Il doit céder la préséance aux autres personnages. La princesse de Montpensier ne manque pas de le lui rappeler : «  Elle lui représenta en peu de mots la différence de leurs qualités et de leur âge ». De plus, Chabannes est «  d’un âge beaucoup plus avancé » que les amants de la princesse. Tavernier a choisi un comédien plus âgé en la personne de Lambert Wilson qui avait 52 ans au moment du tournage. Son statut de petite noblesse explique son intérêt pour les travaux manuels : bouchonner un cheval ou fourbir une arme ou bien encore cueillir des simples. Enfin son habit noir dont il ne se départ jamais ainsi que ses propos à la fin du film : « le bonheur est une éventualité peu probable dans cette dure aventure qu’est la vie » en font un personnage austère voire janséniste.

b) Un triangle amoureux identique : la princesse de Montpensier reste au centre de ce triangle amoureux. Aimée d’une passion « extraordinaire » par Chabannes, elle reste à son égard indifférente. Quand il lui avoue son amour, elle lui répond avec un grand dédain que ce soit dans la nouvelle ou dans le film. Il va continuer à l’aimer en silence et se condamner à une vie de souffrance. Dans le même temps il devient son confident et intermédiaire. Dans le livre, il transmet les lettres de Guise à la princesse et dans le film si cet aspect est gommé, il sert la visite nocturne du duc de Guise, espérant peut-être quelque reconnaissance en retour.

c) C’est un humaniste chez Tavernier qui raisonne sur la nocivité de la guerre. « un esprit sage et doux ». C’est ainsi qu’il est décrit dans la nouvelle. Mais aussi est tout empreint de l’esprit de sacrifice. Chabannes n’hésite pas pour sauver la princesse «  par une générosité sans exemple, [à]s’exposer pour sauver une maîtresse ingrate ». Même action dans le film où il refuse de prendre l’épée pour se battre contre le prince de Montpensier.

II Une place plus importante dans le film : (à rédiger)

a) dans le prologue : le film s’ouvre par Chabannes à cheval en embuscade et nous le suivons jusqu’au château de Mézières. C’est le premier personnage du film. Alors que dans la nouvelle, Chabannes n’est présenté qu’après le mariage de Mlle de Mézières, et après un certains nombre d’autres personnages dont le duc de Guise. Egalement dans le prologue, alors que la nouvelle se contente d’un « pauvre comte de Chabannes » qui est « massacr[é] ». Le film lui accorde une très longue scène au cours de laquelle après s’être battu avec ardeur et après avoir sauvé une femme enceinte, il succombe sous les coups des assaillants.
b) Un homme cultivé : un humaniste. Alors que Mme de Lafayette ne précise pas quel est son rôle de précepteur, simplement qu’il transforme la princesse en « une des personnes du monde la plus achevée ». Le cinéaste nous montre plusieurs scènes au cours desquelles Chabanne enseigne le latin, la poésie, l’astronomie, les doctrines catholiques et protestantes, également à reconnaître le chant des oiseaux ainsi que la botanique.
c) Un ami loyal , Chabannes lors de la visite nocturne de Guise ne se bat contre le prince de Montpensier. Dans la nouvelle, c’est parce que le prince n’a pas d’arme mais dans le film, c’est pour ne pas tuer le prince. Il s’offre même en victime expiatoire.

III Un personnage complexe. (à rédiger)

C’est d’être un personnage complètement fictif qui permet à Mme de Lafayette et à Tavernier de creuser un peu le personnage.
a) Un personnage tragique. La passion qu’il éprouve pour la princesse de Montpensier que ce soit dans le film ou dans la nouvelle, le conduit irrémédiablement à sa perte. Complice des barbaries de son époque en y ayant participé activement, il se rachète par une mort héroïque.
b) Isolé des autres personnages par son refus de la violence, par son refus d’adhérer à l’une ou l’autre religion, allant même dénoncer le fanatisme religieux qui tue pour « le même Dieu », Chabannes est isolé physiquement comme dans le repas du mariage où il semble si seul chez Tavernier. Son langage et ses réflexion montrent un esprit libre capable de prendre du recul et de condamner ses propres actes de violence.
c) L’ultime hommage. Il restera chez Tavernier la lettre écrite par Chabannes lue en voix off et qui s’adresse à la princesse et qui lui dit « où qu’[il] soi[t], [elle] l’accompagner[a] », et restera son « meilleur ami. » C’est d’ailleurs pour ça que dans un ultime hommage, Tavernier emmène la princesse sur la tombe de Chabannes un matin d’hiver. Marie, sur la tombe de Chabannes, décide de « se retirer de l’amour comme Chabannes s’était retiré de la guerre », donc se réfère à lui jusqu’au bout.

Pour conclure, les richesses de ce personnage qu’a su exploiter Tavernier proviennent du caractère fictif du personnage et de l’écriture lacunaire mais riche de questionnements de Mme Lafayette. Il apparaît comme le pivot central du livre et du film, celui qui fait avancer l’action et que l’on suit du début à la fin en s’interrogeant sur les motifs de ses actions.

lundi 29 octobre 2018

2e séquence Rencontre amoureuse : Fiche de présentation

Séquence II / Groupement de textes N°2





Objet d'étude
Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Age à nos jours
Problématique


Comment le poète met-il en scène la rencontre amoureuse ?
Objectifs de connaissances
-Le Symbolisme
-Le Romantisme


Trois Lectures analytiques pour l’exposé
-Victor Hugo, « Elle était déchaussée », Les Contemplations (1856)

-Charles Baudelaire, « À une passante », Les Fleurs du Mal (1857)

-Racine, «  Mon mal vient de plus loin. … Un reste de chaleur tout prêt à s'exhaler. », Acte I, scène 3, Phèdre (1677)


Trois textes complémentaires pour l’entretien
-Joachim Du Bellay, « Déjà la nuit en son parc... », L’Olive (1550)

-Pierre de Ronsard, «Comme un chevreuil », Amours de Cassandre (1552)

-Gérard de Nerval, «Une allée du Luxembourg», écrit en 1832 et paru dans le recueil Odelettes en 1853
Outils d'analyse littéraire
Les règles de la prosodie






Activités de classe

-Réalisation d'une anthologie poétique en binôme et couvrant au moins quatre siècles de poésie de langue française.

-Réécriture de « A une passante » : du poème à une rencontre romanesque

-Récitation de « Elle était déchaussée » et d'  « À une passante »

2e séquence Rencontre amoureuse texte complémentaire : Nerval, "Une allée du Luxembourg"


Gérard de Nerval, «Une allée du Luxembourg»,
écrit en 1832 et paru dans le recueil Odelettes en 1853




1    Elle a passé, la jeune fille
      Vive et preste comme un oiseau
      À la main une fleur qui brille,
4    À la bouche un refrain nouveau.

     C’est peut-être la seule au monde
     Dont le cœur au mien répondrait,
     Qui venant dans ma nuit profonde
8   D’un seul regard l’éclaircirait !

     Mais non, – ma jeunesse est finie …
     Adieu, doux rayon qui m’as lui, –
     Parfum, jeune fille, harmonie…
12 Le bonheur passait, – il a fui !

2e séquence Rencontre amoureuse en poésie : texte complémentaire : Du Bellay, "Déjà la nuit en son parc ..."


Texte complémentaire destiné à l’entretien

Joachim Du Bellay, « Déjà la nuit en son parc... »,

L’Olive (1550)
1      Déjà la nuit en son parc amassait
           Un grand troupeau d'étoiles vagabondes,
           Et, pour entrer aux cavernes profondes,
4         Fuyant le jour, ses noirs chevaux chassait.
 
           Déjà le ciel aux Indes rougissait,
           Et l'aube encor de ses tresses tant blondes
           Faisant grêler mille perlettes rondes,
8         De ses trésors les prés enrichissait :

           Quand d'occident, comme une étoile vive,
           Je vis sortir dessus ta verte rive,
           O fleuve mien ! une Nymphe en riant.

12      Alors, voyant cette nouvelle Aurore,
          Le jour honteux d'un double teint colore
          Et l'Angevin et l'Indique orient.

2e séquence Rencontre amoureuse en poésie : textes complémentaire Ronsard, "Comme un chevreuil"


Texte complémentaire destiné à l’entretien

Pierre de Ronsard, « Comme un Chevreuil »,
Amours de Cassandre (1552)


1      Comme un Chevreuil, quand le printemps détruit
        Du froid hiver la poignante gelée,
        Pour mieux brouter l
a feuille emmiellée
4      Hors de son bois avec l’Aube s’enfuit,

        Et seul, et sûr, loin de chiens et de bruit,
        Or, sur un mont, or dans une vallée,
        Or près d’une onde à l’écart recelée,
8      Libre, folâtre, où son pied le conduit,

        De rets ni d’arc sa liberté n’a crainte,
        Sinon alors que sa vie est atteinte
        D’un trait meurtrier empourpré de son sang.

12   Ainsi j’allais sans espoir de dommage,
       Le jour qu’un œil sur l’avril de mon âge
       Tira d’un coup mille traits dans mon flanc.



2e séquence : La rencontre amoureuse en poésie : Texte 3 : Racine, Phèdre - Acte I, scène 3 - Extrait (fin de la scène)


Texte 3 : Racine, Phèdre - Acte I, scène 3 - Extrait (fin de la scène)



PHÈDRE
269 Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Égée
Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi ;
Athènes me montra mon superbe ennemi :
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler :
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables !
Par des vœux assidus je crus les détourner :
280 Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :
D’un incurable amour remèdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brûlait l’encens !
Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer,
J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer.
Je l’évitais partout. Ô comble de misère !
290 Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.
Contre moi-même enfin j’osai me révolter :
J’excitai mon courage à le persécuter.
Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre,
J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ;
Je pressai son exil ; et mes cris éternels
L’arrachèrent du sein et des bras paternels.
Je respirais, ŒNONE ; et, depuis son absence,
Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence :
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
300 De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon époux lui-même à Trézène amenée,
J’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné :
Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.
Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :
C’est Vénus tout entière à sa proie attachée.
J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ;
J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ;
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,
310 Et dérober au jour une flamme si noire :
Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats :
Je t’ai tout avoué ; je ne m’en repens pas. 
Pourvu que, de ma mort respectant les approches,
Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches,
Et que tes vains secours cessent de rappeler
Un reste de chaleur tout prêt à s’exhaler.



2e séquence La rencontre amoureuse en poésie : texte 2 Baudelaire, "A une passante"


Texte 2 : Charles Baudelaire, « À une passante » (15 octobre1860)

Les Fleurs du Mal (1861)




La rue assourdissante autour de moi hurlait.

Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

Une femme passa, d'une main fastueuse

Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;




Agile et noble, avec sa jambe de statue.

Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,

Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,

La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.




Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté

Dont le regard m'a fait soudainement renaître,

Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?


Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !

Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,

Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !



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Questions d'oral :





 En quoi l’expression de l’alternance rend-elle compte du sens du poème ? 

 Ce poème permet-il de comprendre pourquoi Baudelaire a été 

nommé "poète de la modernité" ?

 De quelle manière et dans quel but le poète retranscrit-il cette 

rencontre ?

 Qu’est-ce qui fait l’originalité de ce poème de rencontre ?

 En quoi la forme poétique sert-elle le dessein de l’auteur ?

 Comment Baudelaire métamorphose-t-il un instant tout à fait 

banal ?

 Peut-on dire qu’il s’agit d’une véritable rencontre ?
 
 Que représente "la passante" pour le poète ?



Introduction Texte 2 (poésie) « A une passante »
Y-a-t-il pour chacun de nous un être qui nous est destiné et avec lequel nous pourrions connaître cette fusion des corps et des âmes qui est le véritable amour ? De cet espoir dont Baudelaire fait sa quête et qui ne peut être que déçu, le poète écrivit ce poème dont le vers liminaire lui donne son titre : « A une passante ». Ce poème se trouve dans le recueil des Fleurs du Mal publié en 1861. Baudelaire y évoque une rencontre de hasard, qu'il fit en pleine rue, d'une passante. Cette rencontre éphémère qui fait « renaître » le poète le laisse dans le désespoir par ce qu'elle lui a permis d'entrevoir et qui ne sera jamais. Ce sonnet oppose les deux quatrains qui font le récit de la rencontre aux deux tercets qui décrivent les réflexions suscitées par cette rencontre. En quoi cette rencontre amoureuse telle qu'elle est relatée par le poète est-elle symptomatique de sa souffrance ? Nous examinerons dans une première partie le récit d'une rencontre et dans une deuxième partie comment sont présentés le poète et la passante et nous terminerons en décrivant l'incapacité du poète à échapper au spleen.

mouvement : Le Symbolisme (XIXème)
Surtout en poésie, le symbolisme considère le monde comme une « représentation », le reflet d'un idéal.
Seuls les symboles peuvent réussir à déchiffrer les signes de cet ailleurs spirituel. Le monde devient un mystère qu'il faut déchiffrer et le poète est une sorte de mage.
– Les caractéristiques :
– Rôle central du symbole et de l'analogie (sons, couleurs, parfums, musicalité de la langue
évoquent et créent des visions – comme dans « Correspondances » - Baudelaire)
– Le poète devient voyant ; il invente des formes poétiques
  • Exploration du langage et des signes ; expérimentations poétiques, formes inédites (poème en prose, vers impair, vers libre)
Baudelaire est entre le romantisme et le symbolisme, sans adhérer à aucun de ces deux mouvements littéraires.

Le spleen : mot anglais qui signifie rate, lieu où l'on plaçait jadis les « humeurs noires ». Mélancolie, ennui profond, neurasthénie, mal de vivre, dégoût de tout, désespoir, angoisse atroce, etc. .

GENRE : sonnet en alexandrins
Registre : tragique; les deux inconnus se perdent de vue à la fin du sonnet. C'est une rencontre sans avenir.
Enonciation : 
Dans les deux quatrains, le poète parle au lecteur, dans les deux tercets, il parle à la femme inconnue.
Temps dominants : dans les quatrains, le temps dominants sont ceux du passé simple :"passa" et de l'imparfait "buvais". Dans les deux quatrains, le poète raconte un événement du passé. Dans les tercets, il s'adresse à l'inconnue pour lui dire d'abord son regret puis son désir.

Questions possibles à l'oral :

De quelle manière et dans quel but le poète retranscrit-il cette rencontre ?
Comment Baudelaire métamorphose-t-il un instant tout à fait banal ?
Peut-on dire qu'il s'agit d'une véritable rencontre ?
Que représente "la passante" pour le poète ?
En quoi cette rencontre est-elle originale ?
I De l'extérieur vu vers l'intérieur imaginé
Le poème s'ouvre sur l'évocation de l'environnement désagréable du poète. puis dès le vers 2, une inconnue surgit. C'est d'abord une silhouette : "longue, mince, en grand deuil". Mais surtout, elle exprime une "douleur majestueuse". (notez la rime "tueuse" qui n'annonce rien de bon pour le poète). Le rythme du vers : 2/1/3/6 : on a l'impression que la silhouette grossit, qu'elle s'avance vers le poète. "Un femme passa" : rapidité du passage. "d'une main fastueuse soulevant" : soulevant est un enjambement. C'est avec sa main qu'elle soulève et balance. Observons le mouvement, l'équilibre. En soulevant le bord de sa robe/jupe, elle montre une jambe de statue. Opposition immobilisme + Mort et mouvement + vie.