vendredi 23 février 2018

Séquence 5 Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours. Oeuvre Intégrale : Maylis de Kérangal, Réparer les vivants, texte complémentaire : Atala


Chateaubriand, Atala  (1801)

Au matin de leur premier jour dans la mission du père Aubry, alors que Chactas part visiter le village et rencontrer les indiens convertis qui l’accueillent, Atala avale un poison mortel. À leur retour, Chactas et le père Aubry trouvent Atala mourante. Ils ne peuvent que recueillir ses dernières paroles : elle leur explique la raison secrète de son geste : promise par sa mère au célibat et à la chasteté, elle a préféré mourir que d’enfreindre son serment.

Ici la voix d’Atala s’éteignit ; les ombres de la mort se répandirent autour de ses yeux et de sa bouche ; ses doigts errants cherchaient à toucher quelque chose ; elle conversait tout bas avec des esprits invisibles.  Bientôt, faisant un effort, elle essaya, mais en vain, de détacher de son cou le petit crucifix ; elle me pria de le dénouer moi-même, et elle me dit :
    « Quand je te parlai pour la première fois, tu vis cette croix briller à la lueur du feu sur mon sein ; c’est le seul bien que possède Atala. Lopez, ton père et le mien, l’envoya à ma mère, peu de jours après ma naissance. Reçois donc de moi cet héritage, ô mon frère, conserve-le en mémoire de mes malheurs. Tu auras recours à ce Dieu des infortunés dans les chagrins de ta vie. Chactas, j’ai une dernière prière à te faire. Ami, notre union aurait été courte sur la terre, mais il est après cette vie une plus longue vie. Qu’il serait affreux d’être séparée de toi pour jamais! Je ne fais que te devancer aujourd’hui, et je te vais attendre dans l’empire céleste. Si tu m’as aimée, fais-toi instruire dans la religion chrétienne, qui préparera notre réunion. Elle fait sous tes yeux un grand miracle cette religion, puisqu’elle me rend capable de te quitter, sans mourir dans les angoisses du désespoir. Cependant, Chactas, je ne veux de toi qu’une simple promesse, je sais trop ce qu’il en coûte, pour te demander un serment. Peut-être ce vœu te séparerait-il de quelque femme plus heureuse que moi... O ma mère, pardonne à ta fille. O Vierge, retenez votre courroux. Je retombe dans mes faiblesses, et je te dérobe, ô mon Dieu, des pensées qui ne devraient être que pour toi ! »
    Navré de douleur, je promis à Atala d’embrasser un jour la religion chrétienne. A ce spectacle, le Solitaire se levant d’un air inspiré, et étendant les bras vers la voûte de la grotte : « Il est temps, s’écria-t-il, il est temps d’appeler Dieu ici ! »
   A peine a-t-il prononcé ces mots, qu’une force surnaturelle me contraint de tomber à genoux, et m’incline la tête au pied du lit d’Atala. Le prêtre ouvre un lieu secret où était renfermée une urne d’or, couverte d’un voile de soie ; il se prosterne et adore profondément. La grotte parut soudain illuminée ; on entendit dans les airs les paroles des anges et les frémissements des harpes célestes ; et lorsque le Solitaire tira le vase sacré de son tabernacle, je crus voir Dieu lui-même sortir du flanc de la montagne.
    Le prêtre ouvrit le calice ; il prit entre ses deux doigts une hostie blanche comme la neige, et s’approcha d’Atala, en prononçant des mots mystérieux. Cette sainte avait les yeux levés au ciel, en extase. Toutes ses douleurs parurent suspendues, toute sa vie se rassembla sur sa bouche ; ses lèvres s’entrouvrirent, et vinrent avec respect chercher le Dieu caché sous le pain mystique. Ensuite le divin vieillard trempe un peu de coton dans une huile consacrée ; il en frotte les tempes d’Atala, il regarde un moment la fille mourante, et tout à coup ces fortes paroles lui échappent : « Partez, âme chrétienne: allez rejoindre votre Créateur! » Relevant alors ma tête abattue, je m’écriai, en regardant le vase où était l’huile sainte : « Mon père, ce remède rendra-t-il la vie à Atala? » « Oui, mon fils, dit le vieillard en tombant dans mes bras, la vie éternelle! » Atala venait d’expirer.
                                                                                                Chateaubriand, Atala  (1801)

jeudi 22 février 2018

Séquence 5 bis L : Les réécritures / LES FINS DE DON JUAN / 1re L / Edmond Rostand, La Dernière nuit de Don Juan (1922)

Edmond Rostand, La Dernière nuit de Don Juan (1922)

Edmond Rostand, La Dernière nuit de Don Juan,
écrite en 1911 et créée en mars 1922

DON JUAN Pas d'excuse ! Je meurs, du moins, les poings fermés.
Sans t'avoir supplié !... L'Enfer ! J'en suis avide !
LE DIABLE au Pauvre. Traîne-moi jusqu'ici ce beau costume vide
Où chacun glissera son rêve...
DON JUAN Hein ?
LE DIABLE Tu vas voir
Quel drôle de petit enfer tu vas avoir !
DON JUAN L'enfer des monstres... de Néron... d'Héliogabale?
LE DIABLE Non ! un petit enfer de toile qu'on trimbale.
DON JUAN Le guignol ?... Je veux être un damné !
LE DIABLE Tu seras
Une marionnette, et tu ressasseras
L'adultère éternel dans un carré bleuâtre.
DON JUAN Grâce ! l'éternel feu !
LE DIABLE Non! l'éternel théâtre!
DON JUAN Je ne veux pas...
LE DIABLE, au Pauvre. Viens sur le sac me l'étrangler!
DON JUAN, [se débattant entre les mains du Pauvre.] ... Aller dans le guignol... Je ne veux pas aller...
 LE DIABLE à Don Juan. Viens aux doigts des montreurs abdiquer ta personne !
DON JUAN Dans le guignol !
LE DIABLE Nous commençons ! La cloche sonne !
Asseyez-vous toutes les femmes, sur le sol !
DON JUAN Je ne veux pas aller dans le guignol !
LE DIABLE, au Pauvre. Traîne-le jusqu'ici !
DON JUAN Non, pas cette guérite !
Le grand cercle de feu que mon orgueil mérite !
LE PAUVRE Allons !
DON JUAN Je veux souffrir ! Je n'ai jamais souffert !
J'ai gagné mon enfer ! J'ai droit à mon enfer !
LE DIABLE L'enfer est où je veux, c'est moi qui le situe :
Certains hommes fameux le font dans leur statue ;
Tu le feras dans ton pantin !
DON JUAN En te bravant.
Du moins ! Le marbre est mort, le pantin est vivant !
Il faudra là-dedans, quand même…
LE DIABLE Que tu brilles ?
DON JUAN Oui, je les ferai rire encor...
LE DIABLE Qui donc ?
DON JUAN Les filles !
Je les amuserai sous les yeux des parents !
L'OMBRE BLANCHE Toi qui pouvais remplir les destins les plus grands !
DON JUAN Je chanterai, frappant d'un bâton des poupées...
L'OMBRE BLANCHE Toi qui pouvais tenir les plus grandes épées !
DON JUAN Je chanterai : « C'est moi... »
L'OMBRE BLANCHE Ah ! Ma larme s'éteint !
DON JUAN « C'est moi le fameux Burl... »
LE PAUVRE [le poussant dans le guignol.] Assez !
LE DIABLE Sois donc pantin.
Homme qui veux te recréer à mon image !
DON JUAN [apparaissant dans le guignol, en marionnette.]
Le fameux Burlador !... Burlador... »
L'OMBRE BLANCHE, [avec un désespoir infini.] Quel dommage!

Séquence 5 bis L : Les réécritures / LES FINS DE DON JUAN / 1re L / Molière, Don Juan

 Molière, Don Juan

SCÈNE V
DOM JUAN, UN SPECTRE, en femme voilée, SGANARELLE.


LE SPECTRE, en femme voilée. — Dom Juan n'a plus qu'un moment à pouvoir profiter de la miséricorde du Ciel, et s'il ne se repent ici, sa perte est résolue.
SGANARELLE.— Entendez-vous, Monsieur?
DOM JUAN.— Qui ose tenir ces paroles? Je crois connaître cette voix.
SGANARELLE.— Ah, Monsieur, c'est un spectre, je le reconnais au marcher.
DOM JUAN.— Spectre, fantôme, ou diable, je veux voir ce que c'est.

Le Spectre change de figure, et représente le Temps avec sa faux à la main.
SGANARELLE.— Ô Ciel! voyez-vous, Monsieur, ce changement de figure?
DOM JUAN.— Non, non, rien n'est capable de m'imprimer de la terreur, et je veux éprouver avec mon épée si c'est un corps ou un esprit.

Le Spectre s'envole dans le temps que Dom Juan le veut frapper.

SGANARELLE.— Ah, Monsieur, rendez-vous à tant de preuves, et jetez-vous vite dans le repentir.
DOM JUAN.— Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu'il arrive, que je sois capable de me repentir, allons, suis-moi.

SCÈNE VI

LA STATUE, DOM JUAN, SGANARELLE.

LA STATUE.— Arrêtez, Dom Juan, vous m'avez hier donné parole de venir manger avec moi. DOM JUAN.— Oui, où faut-il aller?
LA STATUE.— Donnez-moi la main.
DOM JUAN.— La voilà.
LA STATUE.— Dom Juan, l'endurcissement au péché traîne une mort funeste, et les grâces du Ciel que l'on renvoie, ouvrent un chemin à sa foudre.
DOM JUAN.— Ô Ciel, que sens-je? Un feu invisible me brûle, je n'en puis plus, et tout mon corps devient un brasier ardent, ah!

Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur Dom Juan, la terre s'ouvre et l'abîme, et il sort de grands feux de l'endroit où il est tombé.

SGANARELLE.— Ah mes gages ! mes gages ! Voilà par sa mort un chacun satisfait, Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content; il n'y a que moi seul de malheureux, qui après tant d'années de service, n'ai point d'autre récompense que de voir à mes yeux l'impiété de mon maître, punie par le plus épouvantable châtiment du monde . Mes gages, mes gages, mes gages.


Molière, Don Juan, Acte V, scènes 5 et 6, dénouement

Séquence 5 bis L : Les réécritures / LES FINS DE DON JUAN / 1re L / Nikolaus Lenau, Don Juan (1844)


A la fin du poème dramatique de l’écrivain romantique allemand Lenau, apparaît Don Pet (personnage grotesque : Pet= Pedro= Pierre), accompagné par toutes les maîtresses et des bâtards de Don Juan. Don Pet provoque Don Juan en duel . Ce dernier décide alors, avant de se battre, de coucher sur son testament ses 1003 maîtresses .

Nikolaus Lenau, Don Juan (1844)


DON JUAN , à Don Pedro : je dépose entre vos mains de chevalier mon testament, exécutez-le après ma mort. Quoique j'ai toujours oublié d'épargner, il m'est pourtant resté des biens en excédent. Pour chaque nom mentionné sur la liste il y a un legs dans ce testament et chaque legs est d'un si fort montant qu'il permet d'entretenir largement femme et enfant. Pour que ce relevé ne provoque aucun doute, je l'ai pourvu d'un sceau et d'une signature. Je n'ai pas négligé le vieux Catalinon, désormais il pourra lui-même tenir valet.
Il regarde la liste.
CATALINON, réprimant ses larmes : Quelle farce joue encore mon seigneur ! Il fait comme s'il allait succomber en duel et pourtant son adversaire meurt dans tous les cas, je vois déjà clos ses petits yeux si fiers. Qui veut battre Don Juan, le grand bretteur, devra être quelqu'un d'autre que ce médiocre et saugrenu adversaire de Ulloa, le fiston de Don Gonzalo de Ulloa, ce blanc-bec au menton velouté, à l'esprit frocard, à pattes d'araignée, avec une voix comme le chant des cigales, cette perche sèche et allongée, si svelte à la façon d'une potence que l'un de nous, s'il était justement hépatique et désespéré, pourrait se pendre en s'accrochant à lui.
DON JUAN (lisant la liste, à part lui)
Souvenirs, dames autrefois aimées! desséchées jusqu’à la fleur dernière, jadis céleste musique ce qui à présent est un mot insipide. Que les choses se fanent donc vite, et les noms! Encore une fois le souvenir me fait passer de l’une à l’autre de ces gracieuses dames.Coutume pleine de sens que de sacrifier tous les ans sur l’autel des dieux les premiers-nés. Qu’elle est aimable, la première verdure des feuilles, le premier parfum, le premier chant d’une journée printanière ! qu’il est délicieux en mer près du lointain rivage, le premier coup d’œil sur la terre désirée! Les premières couronnes de la gloire sont aussi les plus brillantes, c’est le premier baiser qui donne l’ivresse la plus douce. S’il est encore dans l’au-delà un ciel, il doit lui aussi être au plus beau à sa frontière. C’est pourquoi l’on pouvait nommer ce qu’il y a de plus doux dans l’amour le premier effleurement d’une passion nouvelle. La tristesse provenant de ce que d’anciens enchantements se dissolvent rehausse l’attrait et la force du nouveau bonheur. Pourquoi faut-il que la source la plus riche tarisse! Oh! si nous pouvions mourir en chaque plaisir et renaissant avec un cœur rajeuni, nous précipiter au devant de délices toujours nouvelles!
(A Don Pedro.)
Voulez-vous prendre charge de ce document et l’exécuter ?
DON PEDRO
Sur ma parole de chevalier! par égard pour les délaissées.
DON JUAN (lui tendant le document)
C’est bien! Montrez maintenant si vous possédez l’art de l’escrime. Que vous êtes une mazette, je vais vous le prouver.(Ils se battent.)
DON JUAN
Vraiment, vous êtes ce pour quoi je vous ai pris. Trois fois déjà j’aurais facilement pu vous percé le cœur, ce cœur si plein de haine, mais si mal protégé, si je me servais plus sérieusement de mon épée. Voici touché -encore touché – et encore! Vous versez bien du sang sur mes planches. En maints endroits je vous ai mis en perce, mais je ne vous fais en jouant que des piqûres légères. Don Pedro, par ma foi, je ne me suis jamais senti plus à l’abri que devant votre attaque. Le duel avec vous, je l’appelle jeu d’enfant. Oui, votre escrime est de tout repos.
DON PEDRO
Inflige-moi la mort, non ces petites saignées. Ne me fais pas d’affront, homme exécré! Au combat le diable seul peut te vaincre. Pousse ferme, que je ne puisse plus te voir!
DON JUAN
Mon ennemi mortel est livré entre mes mains. Mais cela même m’indiffère, comme la vie tout entière.
(Il jette son épée, Don Pedro le transperce).
                                                                          NIKOLAUS LENAU (1802-1850), Don Juan (1844) fin, (trad. W. Thomas).

samedi 17 février 2018

Classicisme

Classicisme :


Définition: Le classicisme est un mouvement littéraire et artistique se développant en France puis en Europe dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. Il désigne un ensemble de valeurs, de principes qui définissent un idéal et définit par des normes.

Règles du classicisme: 
Il existe plusieurs règles:
-Tout d'abord il y a la règle des trois unités, c'est à dire une unité de temps, une unité de lieu et une unité d'action.Cette règle des 3 unités était censée attirer l'attention du spectateur.
-Une deuxième règle est la règle de bienséance, pour ne pas choquer les spectateurs, les meurtres, les suicides devaient se dérouler à l'extérieur de la scène, et être racontés par un personnage. De plus il ne doit y avoir ni violence, ni grossièreté, ni offense à la morale, ni mélange de classes sociales.
- Puis la règle de vraisemblance, c'est-à-dire que l'intrigue et la situation d'énonciation doivent être possibles et réalistes.
Le classicisme est donc considéré comme un idéal à cette époque, elle est basée sur  l'honnête homme qui incarne donc le modèle (cultivé, humble et courtois), il respecte les usages, s'intéresse aux arts et aux sciences et surtout agit selon la raison, dit les anciens (Grec et Latins).Les modèles Grecs et Latins sont donc le fondement du classicisme, soutenu par Perrault, La Fontaine ou encore Aristote.
Le classicisme est à son apogée sous le règne de Louis XIV où l'on reconnait des caractères d'ordre et d'équilibre. Des théoriciens où plutôt des académistes ont mis en place les règles strictes du classicisme pour créer un unanimisme, une harmonie des textes et surtout de remettre un peu d'ordre après l'excès du mouvement baroque. Louis XIV voulait montrer la beauté du peuple français, laisser sa trace dans l'histoire et surtout prouver sa gloire


vendredi 16 février 2018

Séquence 3, Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours. Albert Camus, L'Etranger (1942), textes complémentaires : Molloy et Baudelaire



https://drive.google.com/file/d/1-eRjevsBq2pLCJIS5aSAdWwTJ-g-O2kO/view?usp=sharing


L'étranger

"Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"

                                                                  Charles Baudelaire - Le Spleen de Paris (1862)






Je suis daJe suis dans la chambre de ma mère. C’est moi qui y vis maintenant. Je ne sais pas comment j’y suis arrivé. Dans une ambulance peut-être, un véhicule quelconque certainement. On m’a aidé. Seul je ne serais pas arrivé. Cet homme qui vient chaque semaine, c’est grâce à lui peut-être que je suis ici. Il dit que non. Il me donne un peu d’argent et enlève les feuilles. Tant de feuilles, tant d’argent. Oui, je travaille maintenant, un peu comme autrefois, seulement je ne sais plus travailler. Cela n’a pas d’importance, paraît-il. Moi je voudrais maintenant parler des choses qui me restent, faire mes adieux, finir de mourir. Ils ne veulent pas. Oui, ils sont plusieurs, paraît-il. Mais c’est toujours le même qui vient. Vous ferez ça plus tard, dit-il. Bon. Je n’ai plus beaucoup de volonté, voyez-vous. Quand il vient chercher les nouvelles feuilles il rapporte celles de la semaine précédente. Elles sont marquées de signes que je ne comprends pas. D’ailleurs je ne les relis pas. Quand je n’ai rien fait il ne me donne rien, il me gronde. Cependant je ne travaille pas pour l’argent. Pour quoi alors ? Je ne sais pas. Je ne sais pas grand’chose, franchement. La mort de ma mère, par exemple. Était-elle déjà morte à mon arrivée ? Ou n’est-elle morte que plus tard ? Je veux dire morte à enterrer. Je ne sais pas. Peut-être ne l’a-t-on pas enterrée.

                                                                                                        Beckett, Molloy (1951)n

samedi 10 février 2018

Epicurisme 


     Pour les épicuriens, le plaisir est l’absence de douleur physique (aponie de poneo qui signifie souffrir) et l’absence de trouble psychologique (ataraxie du verbe tarasso, troubler, agiter).
    La cessation de la douleur est en elle-même un plaisir. Epicure parle de plaisir statique, ce qui correspond à un équilibre de l’individu en toutes ses parties (ex: ne plus avoir soif après avoir bu). Le sage vise donc un état de sérénité intérieure et corporelle dans la satisfaction de ses besoins nécessaires et naturels. Il s’agit donc de se contenter des plaisirs simples que la nature peut nous apporter. Epicure distingue en outre les plaisirs naturels et nécessaires que l’on doit satisfaire (manger, boire, dormir + plaisirs de l’esprit) des plaisirs naturels et non nécessaires (ex boire du vin à la place de l’eau) ou encore des plaisirs non naturels et non nécessaires (ex: richesse, gloire) qui maintiennent finalement l’homme dans l’agitation et l’insatisfaction parce qu’ils ne connaissent pas de limites.



"Carpe diem quam minimum credula postero" "Cueille le jour en croyant le moins possible à l'avenir."


mardi 6 février 2018

Séquence 3, Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours. Albert Camus, L'Etranger (1942), textes complémentaires : En attendant Godot

Beckett, En attendant Godot


Route à la campagne, avec arbre.
Soir.
Estragon, assis sur une pierre, essaie d'enlever sa chaussure. Il s'y acharne des deux mains, en ahanant. Il s'arrête, à bout de forces, se repose en haletant, recommence. Même jeu.
Entre Vladimir.


ESTRAGON (renonçant à nouveau) : Rien à faire.
VLADIMIR (s'approchant à petits pas raides, les jambes écartées) : Je commence à le croire. (Il s'immobilise.) J'ai longtemps résisté à cette pensée, en me disant, Vladimir, sois raisonnable. Tu n'as pas encore tout essayé. Et je reprenais le combat. (Il se recueille, songeant au combat. A Estragon.) Alors, te revoilà, toi.
ESTRAGON : Tu crois ?
VLADIMIR : Je suis content de te revoir. Je te croyais parti pour toujours.
ESTRAGON : Moi aussi.
VLADIMIR : Que faire pour fêter cette réunion ? (Il réfléchit.) Lève-toi que je t'embrasse. (Il tend la main à Estragon.)
ESTRAGON (avec irritation) : Tout à l'heure, tout à l'heure.
Silence. 
VLADIMIR (froissé, froidement) : Peut-on savoir où monsieur a passé la nuit ?
ESTRAGON : Dans un fossé.
VLADIMIR (épaté) : Un fossé ! Où ça ?
ESTRAGON (sans geste) : Par là.
VLADIMIR : Et on ne t'a pas battu ?
ESTRAGON : Si... Pas trop.
VLADIMIR : Toujours les mêmes ?
ESTRAGON : Les mêmes ? Je ne sais pas.
Silence. 
VLADIMIR : Quand j'y pense... depuis le temps... je me demande... ce que tu serais devenu... sans moi... (Avec décision) Tu ne serais plus qu'un petit tas d'ossements à l'heure qu'il est, pas d'erreur.
ESTRAGON (piqué au vif) : Et après ?
VLADIMIR (accablé) : C'est trop pour un seul homme. (Un temps. Avec vivacité.) D'un autre côté, à quoi bon se décourager à présent, voilà ce que je me dis. Il fallait y penser il y a une éternité, vers 1900.
ESTRAGON : Assez. Aide-moi à enlever cette saloperie.
VLADIMIR : La main dans la main on se serait jeté en bas de la tour Eiffel, parmi les premiers. On portait beau alors. Maintenant il est trop tard. On ne nous laisserait même pas monter. (Estragon s'acharne sur sa chaussure.) Qu'est-ce que tu fais ?
ESTRAGON : Je me déchausse. Ça ne t'est jamais arrivé, à toi ?
VLADIMIR : Depuis le temps que je te dis qu'il faut les enlever tous les jours. Tu ferais mieux de m'écouter.
ESTRAGON (faiblement) : Aide-moi !
VLADIMIR : Tu as mal ?
ESTRAGON : Mal ! Il me demande si j'ai mal !
VLADIMIR (avec emportement) : Il n'y a jamais que toi qui souffres ! Moi je ne compte pas. Je voudrais pourtant te voir à ma place. Tu m'en dirais des nouvelles.
ESTRAGON : Tu as eu mal ?
VLADIMIR : Mal ! Il me demande si j'ai eu mal !
ESTRAGON (pointant l'index) : Ce n'est pas une raison pour ne pas te boutonner.
VLADIMIR (se penchant) : C'est vrai. (Il se boutonne.) Pas de laisser-aller dans les petites choses.
ESTRAGON : Qu'est-ce que tu veux que je te dise, tu attends toujours le dernier moment.
VLADIMIR (rêveusement) : Le dernier moment... (Il médite) C'est long, mais ce sera bon. Qui disait ça ?
ESTRAGON : Tu ne veux pas m'aider ?
VLADIMIR : Des fois je me dis que ça vient quand même. Alors je me sens tout drôle. (Il ôte son chapeau, regarde dedans, y promène sa main, le secoue, le remet.) Comment dire ? Soulagé et en même temps... (il cherche) ...épouvanté. (Avec emphase.) E-POU-VAN-TE. (Il ôte à nouveau son chapeau, regarde dedans.) Ca alors ! (Il tape dessus comme pour en faire tomber quelque chose, regarde à nouveau dedans, le remet.) Enfin... (Estragon, au prix d'un suprême effort, parvient à enlever sa chaussure. Il regarde dedans, y promène sa main, la retourne, la secoue, cherche par terre s'il n'en est pas tombé quelque chose, ne trouve rien, passe sa main à nouveau dans sa chaussure, les yeux vagues.) Alors ?
ESTRAGON : Rien
VLADIMIR : Fais voir.
ESTRAGON : Il n'y a rien à voir. 

En attendant Godot - Samuel Beckett - Scène d'exposition (extrait)


https://drive.google.com/file/d/1yhh_Vb350oQPKQi75bB1QbjJ1cmzqWpn/view?usp=sharing

lundi 5 février 2018

Séquence : la place et la fonction du poète dans la société. Charles Baudelaire, "L'Albatros"





Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
    Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
    Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
    Le navire glissant sur les gouffres amers.

5  A peine les ont-ils déposés sur les planches,
    Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
    Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
    Comme des avirons traîner à côté d'eux.

    Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
10 Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
     L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
     L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

     Le Poète est semblable au prince des nuées
     Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
15  Exilé sur le sol au milieu des huées,
     Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

Charles Baudelaire, "L'Albatros",  Les Fleurs du Mal (1857)

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Questions possibles au bac :
Comment justifiez-vous le rapprochement entre le poète et l'albatros ?
Quels sentiments sont exprimés à l'égard de l'albatros et pourquoi ?
De quelles façons Baudelaire met-il en valeur le génie du poète ?

dimanche 4 février 2018

Symbolisme

Le symbolisme

Que veut dire Symbolisme ?
 Si l’on tient au sens étroit et étymologique presque rien ; si l’on passe outre, cela peut vouloir dire : individualisme en littérature, liberté de l’art, abandon des formules enseignées, tendance vers
ce qui est nouveau, étrange et même bizarre ; cela peut vouloir dire aussi idéalisme, dédain de l’anecdote sociale, antinaturalisme. 
                                                                                                                      Remy de Gourmont, Le Livre des masques, Mercure de France, 1896.

Revenons pour commencer à l’étymologie du mot « symbolisme ». Le symbolon grec est un objet coupé en deux parties qui visent à être réunies, comme un médaillon coupé en deux de manière irrégulière : deux personnes qui ne se connaissent pas et auxquelles on donne une partie se réunissent ainsi grâce à l’objet, marque de reconnaissance. De là naît l’idée d’analogie tout d’abord, puisque derrière le symbole concret se trouve une reconnaissance abstraite, et l’idée d’un lien crypté, qui nécessite une connaissance particulière. L’un des sens premiers du symbolisme est en effet la
conception d’un monde crypté, d’une poésie également codée, que le lecteur doit déchiffrer pour la comprendre et accéder à une révélation supérieure.
Comme presque tous les mouvements littéraires et culturels, le symbolisme se construit en opposition aux mouvements qui le précèdent, le naturalisme et le Parnasse. On a vu dans les séances précédentes
combien la défaite de 1870 et, surtout, l’épisode sanglant de la Commune parisienne ont marqué Arthur Rimbaud. Ces événements bouleversent toute la jeunesse parisienne lettrée et le monde
artistique plus largement encore. Les poètes se reconnaissent dans leur contestation radicale du pouvoir et de la littérature de l’époque, et de nombreux mouvements provocateurs aux noms explicites se constituent, tels les Fumistes, les Jemenfoutistes, les Hydropathes ou encore les Zutistes de Charles Cros, auquel Verlaine se rallie et qu’Arthur Rimbaud rejoint lors de sa fugue parisienne. Les artistes se réunissent le plus souvent au Chat-Noir, à Montmartre, et, dans des soirées embrumées par l’alcool et la cigarette, improvisent des joutes poétiques, échangent leurs textes, écrivent à plusieurs mains. On retrouve cette effervescence dans L’Album zutique de Verlaine et Rimbaud, au ton volontiers outrancier et humoristique.

Un mouvement aux contours peu définis Je dis : une fleur ! et, hors de l’oubli où ma voix relègue
aucun contour, en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idée rieuse ou altière, l’absente de tous bouquets.
                                                                                                                             Stéphane Mallarmé, Avant-dire au Traité du Verbe, 1886.

C’est Jean Moréas qui, en 1866, définit le symbolisme dans un manifeste littéraire adressé au Figaro, mais le texte théorique le plus célèbre du mouvement reste L’Avant-dire de Stéphane Mallarmé, qui
précède le Traité du verbe de René Ghil (1886). En classe, on établit les caractéristiques du symbolisme, en reprenant cette citation de Mallarmé et la défi nition de Remy de Gourmont.
« Liberté de l’art » La recherche formelle des symbolistes les conduit à refuser les règles strictes de la versifi cation codifi ée. Verlaine, dans son « Art poétique », écrit « De la musique avant toute chose », et cette musicalité nouvelle de la poésie passe par l’abandon progressif du vers classique au profit du vers libre puis du poème en prose, qui seront largement utilisés par Rimbaud dans les recueils postérieurs aux Cahiers de Douai. 

« L’absente de tous bouquets »
Il faut « donner un sens plus pur aux mots de la tribu », selon Mallarmé. Les poètes symbolistes s’intéressent d’une manière nouvelle aux mots : leur signifi cation devient moins importante que
leur force évocatrice, liée, par exemple, aux sentiments provoqués par leur sonorité. On relève dans la citation de Mallarmé l’adverbe « musicalement » : l’idée doit être musique.
        « Dédain de l’anecdote sociale »
Les poètes symbolistes, contestant les valeurs matérielles de la bourgeoisie, refusent la trivialité du monde réel. Les sujets sont d’ordre mystique, reprennent les légendes médiévales, voire s’éloignent vers des questions d’ordre métaphysique. Le refus de la platitude de la société trouve son expression la plus emblématique dans l’oeuvre de Huysmans À rebours, et Des Esseintes est l’incarnation
de ce dandy fin de siècle qui se réfugie dans un esthétisme total.

« Tendance vers ce qui est nouveau, étrange et même bizarre » 


Les exigences poétiques, formelles et sémantiques aboutissent à ce « bizarre », caractéristique du symbolisme. Les oeuvres poétiques, parce qu’elles donnent à lire un monde crypté et mystérieux,
sont parfois indéchiff rables. On pense alors au « Sonnet en yx » de Mallarmé, qui écrit à son sujet : « Le sens, s’il y en a un (mais je me consolerais du contraire). » Un lien se fait avec les termes de la lettre dite du « Voyant » de Rimbaud : « Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. »

      Vers le déclin

 Le symbolisme connaît son apogée entre 1880 et 1890, et le mouvement s’étend alors à d’autres arts que la poésie, jusque-là moyen d’expression privilégié. Les nouvelles fantastiques de Villiers de L’Isle-Adam, d’Edgar Allan Poe et de Barbey d’Aurevilly prolongent
ce mouvement poétique en retrouvant les caractéristiques littéraires d’un de ses prédécesseurs, Gérard de Nerval. L’onirisme, le médiéval, le gothique se mêlent dans une écriture poétique du secret. La musique et la peinture sont également influencées par cet esthétisme, comme on l’a étudié dans les séances précédentes avec La Naissance de Vénus d’Odilon Redon, ou encore La Danse macabre
de Camille Saint-Saëns. Mais le tournant du siècle voit apparaître d’autres préoccupations sociales et politiques : le spectre de la Première Guerre mondiale, les grandes affaires judiciaires et la découverte
de sciences nouvelles comme la psychanalyse. Les thèmes principaux trouveront cependant un écho dans les écoles littéraires du XXe siècle, tels le mouvement Dada et, surtout, le surréalisme.

                                                                                                     HORS-SÉRIE NRP LYCÉE ARTHUR RIMBAUD, LES CAHIERS DE DOUAI MARS 2017

jeudi 1 février 2018

Séquence : incipit romanesque : L'Education sentimentale


Texte 3 : Gustave Flaubert, L'Éducation Sentimentale (1869), incipit.


        Le 15 septembre 1840, vers six heures du matin, la Ville-de-Montereau, prêt de partir, fumait à gros tourbillons devant le quai Saint-Bernard.
Des gens arrivaient hors d'haleine ; des barriques, des câbles, des corbeilles de linge gênaient la circulation ; les matelots ne répondaient à personne ; on se heurtait ; les colis montaient entre les deux tambours, et le tapage s'absorbait dans le bruissement de la vapeur, qui, s'échappant par des plaques de tôle, enveloppait tout d'une nuée blanchâtre, tandis que la cloche, à l'avant, tintait sans discontinuer.
       Enfin le navire partit ; et les deux berges, peuplées de magasins, de chantiers et d'usines, filèrent comme deux larges rubans que l'on déroule.
         Un jeune homme de dix-huit ans, à longs cheveux et qui tenait un album sous son bras, restait auprès du gouvernail, immobile. A travers le brouillard, il contemplait des clochers, des édifices dont il ne savait pas les noms ; puis il embrassa, dans un dernier coup d'oeil, l'île Saint-Louis, la Cité, Notre-Dame ; et bientôt, Paris disparaissant, il poussa un grand soupir.
M. Frédéric Moreau, nouvellement reçu bachelier, s'en retournait à Nogent-sur-Seine, où il devait languir pendant deux mois, avant d'aller faire son droit. Sa mère, avec la somme indispensable, l'avait envoyé au Havre voir un oncle, dont elle espérait, pour lui, l'héritage ; il en était revenu la veille seulement ; et il se dédommageait de ne pouvoir séjourner dans la capitale, en regagnant sa province par la route la plus longue.
      Le tumulte s'apaisait ; tous avaient pris leur place ; quelques-uns, debout, se chauffaient autour de la machine, et la cheminée crachait avec un râle lent et rythmique son panache de fumée noire ; des gouttelettes de rosée coulaient sur les cuivres ; le pont tremblait sous une petite vibration intérieure, et les deux roues, tournant rapidement, battaient l'eau.
La rivière était bordée par des grèves de sable. On rencontrait des trains de bois qui se mettaient à onduler sous le remous des vagues, ou bien, dans un bateau sans voiles, un homme assis pêchait ; puis les brumes errantes se fondirent, le soleil parut, la colline qui suivait à droite le cours de la Seine peu à peu s'abaissa, et il en surgit une autre, plus proche, sur la rive opposée.
      Des arbres la couronnaient parmi des maisons basses couvertes de toits à l'italienne. Elles avaient des jardins en pente que divisaient des murs neufs, des grilles de fer, des gazons, des serres chaudes, et des vases de géraniums, espacés régulièrement sur des terrasses où l'on pouvait s'accouder. Plus d'un, en apercevant ces coquettes résidences, si tranquilles, enviait d'en être le propriétaire, pour vivre là jusqu'à la fin de ses jours, avec un bon billard, une chaloupe, une femme ou quelque autre rive. Le plaisir tout nouveau d'une excursion maritime facilitait les épanchements. Déjà les farceurs commençaient leurs plaisanteries. Beaucoup chantaient. On était gai. Il se versait des petits verres.
Frédéric pensait à la chambre qu'il occuperait là-bas, au plan d'un drame, à des sujets de tableaux, à des passions futures. Il trouvait que le bonheur mérité par l'excellence de son âme tardait à venir. Il se déclama des vers mélancoliques ; il marchait sur le pont à pas rapides ; il s'avança jusqu'au bout, du côté de la cloche ;  et, dans un cercle de passagers et de matelots, il vit un monsieur qui contait des galanteries à une paysanne, tout en lui maniant la croix d'or qu'elle portait sur la poitrine. C'était un gaillard d'une quarantaine d'années, à cheveux crépus. Sa taille robuste emplissait une jaquette de velours noir, deux émeraudes brillaient à sa chemise de batiste, et son large pantalon blanc tombait sur d'étranges bottes rouges, en cuir de Russie, rehaussées de dessins bleus.