dimanche 4 février 2018

Symbolisme

Le symbolisme

Que veut dire Symbolisme ?
 Si l’on tient au sens étroit et étymologique presque rien ; si l’on passe outre, cela peut vouloir dire : individualisme en littérature, liberté de l’art, abandon des formules enseignées, tendance vers
ce qui est nouveau, étrange et même bizarre ; cela peut vouloir dire aussi idéalisme, dédain de l’anecdote sociale, antinaturalisme. 
                                                                                                                      Remy de Gourmont, Le Livre des masques, Mercure de France, 1896.

Revenons pour commencer à l’étymologie du mot « symbolisme ». Le symbolon grec est un objet coupé en deux parties qui visent à être réunies, comme un médaillon coupé en deux de manière irrégulière : deux personnes qui ne se connaissent pas et auxquelles on donne une partie se réunissent ainsi grâce à l’objet, marque de reconnaissance. De là naît l’idée d’analogie tout d’abord, puisque derrière le symbole concret se trouve une reconnaissance abstraite, et l’idée d’un lien crypté, qui nécessite une connaissance particulière. L’un des sens premiers du symbolisme est en effet la
conception d’un monde crypté, d’une poésie également codée, que le lecteur doit déchiffrer pour la comprendre et accéder à une révélation supérieure.
Comme presque tous les mouvements littéraires et culturels, le symbolisme se construit en opposition aux mouvements qui le précèdent, le naturalisme et le Parnasse. On a vu dans les séances précédentes
combien la défaite de 1870 et, surtout, l’épisode sanglant de la Commune parisienne ont marqué Arthur Rimbaud. Ces événements bouleversent toute la jeunesse parisienne lettrée et le monde
artistique plus largement encore. Les poètes se reconnaissent dans leur contestation radicale du pouvoir et de la littérature de l’époque, et de nombreux mouvements provocateurs aux noms explicites se constituent, tels les Fumistes, les Jemenfoutistes, les Hydropathes ou encore les Zutistes de Charles Cros, auquel Verlaine se rallie et qu’Arthur Rimbaud rejoint lors de sa fugue parisienne. Les artistes se réunissent le plus souvent au Chat-Noir, à Montmartre, et, dans des soirées embrumées par l’alcool et la cigarette, improvisent des joutes poétiques, échangent leurs textes, écrivent à plusieurs mains. On retrouve cette effervescence dans L’Album zutique de Verlaine et Rimbaud, au ton volontiers outrancier et humoristique.

Un mouvement aux contours peu définis Je dis : une fleur ! et, hors de l’oubli où ma voix relègue
aucun contour, en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idée rieuse ou altière, l’absente de tous bouquets.
                                                                                                                             Stéphane Mallarmé, Avant-dire au Traité du Verbe, 1886.

C’est Jean Moréas qui, en 1866, définit le symbolisme dans un manifeste littéraire adressé au Figaro, mais le texte théorique le plus célèbre du mouvement reste L’Avant-dire de Stéphane Mallarmé, qui
précède le Traité du verbe de René Ghil (1886). En classe, on établit les caractéristiques du symbolisme, en reprenant cette citation de Mallarmé et la défi nition de Remy de Gourmont.
« Liberté de l’art » La recherche formelle des symbolistes les conduit à refuser les règles strictes de la versifi cation codifi ée. Verlaine, dans son « Art poétique », écrit « De la musique avant toute chose », et cette musicalité nouvelle de la poésie passe par l’abandon progressif du vers classique au profit du vers libre puis du poème en prose, qui seront largement utilisés par Rimbaud dans les recueils postérieurs aux Cahiers de Douai. 

« L’absente de tous bouquets »
Il faut « donner un sens plus pur aux mots de la tribu », selon Mallarmé. Les poètes symbolistes s’intéressent d’une manière nouvelle aux mots : leur signifi cation devient moins importante que
leur force évocatrice, liée, par exemple, aux sentiments provoqués par leur sonorité. On relève dans la citation de Mallarmé l’adverbe « musicalement » : l’idée doit être musique.
        « Dédain de l’anecdote sociale »
Les poètes symbolistes, contestant les valeurs matérielles de la bourgeoisie, refusent la trivialité du monde réel. Les sujets sont d’ordre mystique, reprennent les légendes médiévales, voire s’éloignent vers des questions d’ordre métaphysique. Le refus de la platitude de la société trouve son expression la plus emblématique dans l’oeuvre de Huysmans À rebours, et Des Esseintes est l’incarnation
de ce dandy fin de siècle qui se réfugie dans un esthétisme total.

« Tendance vers ce qui est nouveau, étrange et même bizarre » 


Les exigences poétiques, formelles et sémantiques aboutissent à ce « bizarre », caractéristique du symbolisme. Les oeuvres poétiques, parce qu’elles donnent à lire un monde crypté et mystérieux,
sont parfois indéchiff rables. On pense alors au « Sonnet en yx » de Mallarmé, qui écrit à son sujet : « Le sens, s’il y en a un (mais je me consolerais du contraire). » Un lien se fait avec les termes de la lettre dite du « Voyant » de Rimbaud : « Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. »

      Vers le déclin

 Le symbolisme connaît son apogée entre 1880 et 1890, et le mouvement s’étend alors à d’autres arts que la poésie, jusque-là moyen d’expression privilégié. Les nouvelles fantastiques de Villiers de L’Isle-Adam, d’Edgar Allan Poe et de Barbey d’Aurevilly prolongent
ce mouvement poétique en retrouvant les caractéristiques littéraires d’un de ses prédécesseurs, Gérard de Nerval. L’onirisme, le médiéval, le gothique se mêlent dans une écriture poétique du secret. La musique et la peinture sont également influencées par cet esthétisme, comme on l’a étudié dans les séances précédentes avec La Naissance de Vénus d’Odilon Redon, ou encore La Danse macabre
de Camille Saint-Saëns. Mais le tournant du siècle voit apparaître d’autres préoccupations sociales et politiques : le spectre de la Première Guerre mondiale, les grandes affaires judiciaires et la découverte
de sciences nouvelles comme la psychanalyse. Les thèmes principaux trouveront cependant un écho dans les écoles littéraires du XXe siècle, tels le mouvement Dada et, surtout, le surréalisme.

                                                                                                     HORS-SÉRIE NRP LYCÉE ARTHUR RIMBAUD, LES CAHIERS DE DOUAI MARS 2017

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire