dimanche 18 juin 2017

3e séquence les Ames fortes : lecture analytique texte 1


Lecture analytique :

Introduction au Texte 1 les Âmes fortes
Jean Giono est né en 1895 à Manosque. En 1949, il publie les Âmes fortes. Ce roman fait partie d'un ensemble de romans appelé Chroniques romanesques. Ces romans décrivent une société dans laquelle les personnages sont extraordinairement intelligents, manipulateurs. Avec peu de chose, ils s'inventent des vies captivantes. Ils sont là, à l’affût, là où les autres ne voient rien, ils trouvent tout ce dont ils ont besoin ; ils sont patients, attentifs, manœuvrent dans l'ombre, attendent leur heure. Ce sont des âmes fortes. Les Âmes fortes est un roman dialogué qui prend naissance lors d'une veillée mortuaire à laquelle assiste Thérèse alors âgée de quatre-vingt-neuf ans, nous sommes en 1949. Ce roman est l’œuvre de deux conteuses hors-pair : une veilleuse anonyme et Thérèse. Ces deux récits oraux qui font un retour dans le passé de Thérèse s'enchevêtrent et se contredisent. Dans l'extrait soumis à notre étude, c'est la voix de la veilleuse anonyme qui s'exprime et qui raconte les manigances imaginées par Firmin, le mari de Thérèse, afin d'attirer l'attention sur Thérèse enceinte pour obtenir aide et secours financiers. Mais Thérèse, dédaigneuse, jette son dévolu sur « celle-là » dont elle ignore alors l'identité. En quoi la veilleuse anonyme se révèle être une des co-narratrice de ce passage ? Notre réflexion nous conduira d'abord à étudier le portrait de Mme Numance vue par Thérèse, dans un deuxième temps nous commenterons le point de vue interne utilisé par la veilleuse anonyme.

I le portrait de Mme Numance 
a) Thérèse fait son marché
Thérèse se choisit une proie parmi toutes les femmes qui passent devant elles. C'est l'occasion pour la narratrice de décrire ces différents personnages
Le portrait des autres femmes n'est pas flatteur. Elles ont toutes des vies banales. L'une a une démarche curieuse : « elle marche comme sur des oeufs », les autres ont des vies de « cuisines » et « pots-au-feu ». Ces femmes ont toutes des vies banales par rapport à celle de Thérèse « qui est partie avec Firmin à pied ».

b) une description vestimentaire :
Les habits portés par Mme Numance : « palatine » et « robe de bure », chapeau  « tyrolien vert à plume »
En comparaison, « celle-là » n'est pas commune. Sa démarche « rassure », elle est habillée d' « une amazone de bure et d'une palatine fourrée ».
Sa jupe est suffisamment ample pour qu'elle la tienne « dans son poing gauche »

c) une description physique réduite
« Celle-là » a une démarche : « souple » et qui rassure. Elle est « grande » et sans « âge ». Surtout et c'est un leitmotiv dans tout le roman, ses yeux sont clairs comme « des trous »

d) Une vie qui fait rêver :
Le plus attirant chez « celle-là » pour Thérèse est l'énigme qu'elle représente. Elle salue tout le monde mais ne « regarde personne ». Elle ne semble pas avoir eu de « grossesse », n'avoir pas eu de « père » ni de « mère ». Elle a eu une « vie sans légumes », c'est à dire sans ennuis.
e) « Celle-là » en déesse
Elle fait la même promenade et disparaît jusqu'à devenir un « reflet de soleil ». Et le retour est extraordinaire, Thérèse guette son retour sans jamais la voir revenir sur le chemin. Et puis brusquement « sans être venue, elle était là ». Thérèse s'interroge sur « celle-là » : Où va-t-elle sur ce chemin ? Qu'y fait-elle ?
Le portrait de Mme Numance est énigmatique. On sent une fascination de Thérèse qui veut s'approprier sa proie, devenir elle : « Thérèse se voyait dans ces chemins solitaires ». (Est-ce une personnification des chemins ?)

Ce passage est entièrement vu et dit par la commère. Or, ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'elle adopte le point de vue interne de Thérèse qui se trouve en face d'elle lors de la veillée.

II Le point de vue omniscient ou la commère comme co-romancière

La commère présente à la veillée funèbre qui encadre ce roman raconte une grand partie du roman. Par sa parole qui contredit souvent celle de Thérèse elle s'affirme comme un des auteurs du roman.
a) Utilisation de la troisième personne : le « elle » qui désigne Thérèse montre s'interrogeant sur ses propres goûts et désirs pour choisir une proie. C'est un monologue interne auquel normalement ne peut accéder la commère qui un personnage au même titre que Thérèse et qui ne peut avoir d'information sur les pensées de Thérèse pendant sa recherche d'une proie.
b) Un monologue interne contenu dans une dialogue entre la commère et Thérèse .
La quasi totalité du livre est un dialogue entre la commère et Thérèse. Chacune revendiquant des informations particulières et des connaissances sur Thérèse elle-même.
Les Âmes Fortes sont essentiellement l'histoire de Thérèse. Mais racontées par deux personnages : la protagoniste elle-même, c'est à dire Thérèse et par un personnage-témoin(?) ou qui a recueilli des témoignages, la commère. Cette commère décrit dans ce passage les interrogations internes de Thérèse. Ces interrogations sont reconnaissables aux guillemets : « est-ce que tu aimerais être cette femme-là ? »
c) Le rôle minimisé de Thérèse
Le récit fait sur Thérèse minimise son rôle. Pour la commère, c'est Firmin qui dirige tout : « Il trouvait qu'une femme aussi grosse et difforme ne pouvait plus servir à rien ». D'une manière générale, la commère a tendance à adoucir le portrait de Thérèse et a donner un rôle plus important à Firmin.

En conclusion, Thérèse décrite par la commère semble un personnage désireux de sortir de sa vie, de s'approprier une autre vie, celle d'un personnage fascinant : Mme Numance.

Le deuxième extrait des Ames Fortes apporte un autre éclairage puisque c'est la protagoniste, elle-même, qui raconte l'histoire. Et le rôle qu'elle se donne n'est pas le même. Où est la vérité romanesque ?

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