Lecture
analytique :
Introduction
au Texte 1 les Âmes fortes
Jean
Giono est né en 1895 à Manosque. En 1949, il publie les Âmes
fortes. Ce roman fait partie d'un ensemble de romans appelé
Chroniques romanesques. Ces romans décrivent une société
dans laquelle les personnages sont extraordinairement intelligents,
manipulateurs. Avec peu de chose, ils s'inventent des vies
captivantes. Ils sont là, à l’affût, là où les autres ne
voient rien, ils trouvent tout ce dont ils ont besoin ; ils sont
patients, attentifs, manœuvrent dans l'ombre, attendent leur heure.
Ce sont des âmes fortes. Les Âmes fortes est un roman
dialogué qui prend naissance lors d'une veillée mortuaire à
laquelle assiste Thérèse alors âgée de quatre-vingt-neuf ans,
nous sommes en 1949. Ce roman est l’œuvre de deux conteuses
hors-pair : une veilleuse anonyme et Thérèse. Ces deux récits
oraux qui font un retour dans le passé de Thérèse s'enchevêtrent
et se contredisent. Dans l'extrait soumis à notre étude,
c'est la voix de la veilleuse anonyme qui s'exprime et qui raconte
les manigances imaginées par Firmin, le mari de Thérèse, afin
d'attirer l'attention sur Thérèse enceinte pour obtenir aide et
secours financiers. Mais Thérèse, dédaigneuse, jette son dévolu
sur « celle-là » dont elle ignore alors l'identité.
En quoi la veilleuse anonyme se révèle être une des co-narratrice de ce passage ? Notre
réflexion nous conduira d'abord à étudier le portrait de Mme
Numance vue par Thérèse, dans un deuxième temps nous commenterons
le point de vue interne
utilisé par la veilleuse anonyme.
I
le portrait de Mme Numance
a)
Thérèse fait son marché
Thérèse
se choisit une proie parmi toutes les femmes qui passent devant
elles. C'est l'occasion pour la narratrice de décrire ces différents
personnages
Le
portrait des autres femmes n'est pas flatteur. Elles ont toutes des
vies banales. L'une a une démarche curieuse : « elle
marche comme sur des oeufs », les autres ont des vies de
« cuisines » et « pots-au-feu ». Ces femmes
ont toutes des vies banales par rapport à celle de Thérèse « qui
est partie avec Firmin à pied ».
b)
une description vestimentaire :
Les
habits portés par Mme Numance : « palatine » et
« robe de bure », chapeau « tyrolien vert à
plume »
En
comparaison, « celle-là » n'est pas commune. Sa démarche
« rassure », elle est habillée d' « une
amazone de bure et d'une palatine fourrée ».
Sa
jupe est suffisamment
ample pour
qu'elle la tienne « dans son poing gauche »
c)
une description physique réduite
« Celle-là »
a une démarche : « souple » et qui rassure. Elle
est « grande » et sans « âge ». Surtout et
c'est un leitmotiv dans tout le roman, ses yeux sont clairs comme
« des trous »
d)
Une vie qui fait rêver :
Le
plus attirant chez « celle-là » pour Thérèse est
l'énigme qu'elle représente. Elle salue tout le monde mais ne
« regarde personne ». Elle ne semble pas avoir eu de
« grossesse », n'avoir pas eu de « père » ni
de « mère ». Elle a eu une « vie sans légumes »,
c'est à dire sans ennuis.
e)
« Celle-là » en déesse
Elle
fait la même promenade et disparaît jusqu'à devenir un « reflet
de soleil ». Et le retour est extraordinaire, Thérèse guette
son retour sans jamais la voir revenir sur le chemin. Et puis
brusquement « sans être venue, elle était là ».
Thérèse s'interroge sur « celle-là » : Où
va-t-elle sur ce chemin ? Qu'y fait-elle ?
Le
portrait de Mme Numance est énigmatique.
On sent une fascination de Thérèse qui veut s'approprier sa proie,
devenir elle : « Thérèse se voyait dans ces chemins
solitaires ». (Est-ce une personnification des chemins ?)
Ce
passage est entièrement vu et dit par la commère. Or, ce qu'il y a
d'extraordinaire, c'est qu'elle adopte le point de vue interne de
Thérèse qui se trouve en face d'elle lors de la veillée.
II
Le point de vue omniscient
ou la commère comme co-romancière
La
commère présente à la veillée funèbre qui encadre ce roman
raconte une grand partie du roman. Par sa parole qui contredit
souvent celle de Thérèse elle s'affirme comme un des auteurs du
roman.
a)
Utilisation de la troisième personne :
le « elle » qui désigne Thérèse montre s'interrogeant
sur ses propres goûts et désirs pour choisir une proie. C'est un
monologue interne auquel normalement ne peut accéder la commère qui
un personnage au même titre que Thérèse et qui ne peut avoir
d'information sur les pensées de Thérèse pendant sa recherche
d'une proie.
b)
Un
monologue interne contenu dans une dialogue entre la commère et
Thérèse .
La quasi totalité du livre est un dialogue entre la commère et Thérèse. Chacune revendiquant des informations particulières et des connaissances sur Thérèse elle-même. Les Âmes Fortes sont essentiellement l'histoire de Thérèse. Mais racontées par deux personnages : la protagoniste elle-même, c'est à dire Thérèse et par un personnage-témoin(?) ou qui a recueilli des témoignages, la commère. Cette commère décrit dans ce passage les interrogations internes de Thérèse. Ces interrogations sont reconnaissables aux guillemets : « est-ce que tu aimerais être cette femme-là ? »
La quasi totalité du livre est un dialogue entre la commère et Thérèse. Chacune revendiquant des informations particulières et des connaissances sur Thérèse elle-même. Les Âmes Fortes sont essentiellement l'histoire de Thérèse. Mais racontées par deux personnages : la protagoniste elle-même, c'est à dire Thérèse et par un personnage-témoin(?) ou qui a recueilli des témoignages, la commère. Cette commère décrit dans ce passage les interrogations internes de Thérèse. Ces interrogations sont reconnaissables aux guillemets : « est-ce que tu aimerais être cette femme-là ? »
c)
Le rôle minimisé de Thérèse
Le
récit fait sur Thérèse minimise son rôle. Pour la commère, c'est
Firmin qui dirige tout : « Il
trouvait qu'une femme aussi grosse et difforme ne pouvait plus servir
à rien ». D'une manière générale, la commère a tendance à
adoucir le portrait de Thérèse et a donner
un rôle plus important à Firmin.
En
conclusion, Thérèse décrite par la commère semble un personnage
désireux de sortir de sa vie, de s'approprier une autre vie, celle
d'un personnage fascinant : Mme Numance.
Le
deuxième extrait des Ames
Fortes apporte
un autre éclairage puisque c'est la protagoniste, elle-même, qui
raconte l'histoire. Et le rôle qu'elle se donne n'est pas le même.
Où est la vérité romanesque ?
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