samedi 10 juin 2017

LA VERSIFICATION


Le décompte (la base de la versification) prend la syllabe pour unité.
 Il existe différents types de vers.
 Les plus courants sont « pairs », c’est-à-dire qu’ils sont formés d’un nombre pair de syllabes (six syllabes = hexasyllabe ; huit = octosyllabe ; dix = décasyllabe ; douze = alexandrin).
Toutefois, certains poètes, comme Verlaine, emploient des vers impairs (cinq syllabes = pentasyllabe ; sept = heptasyllabe).
Pour compter correctement les syllabes, il faut tenir compte de la règle dite des e muets : – on compte le "e" lorsqu’il est est entre deux  consonnes (il souffre alors il crie !)
 ; – on ne le compte pas lorsqu’il est placé devant une voyelle, ou bien lorsqu’il est en fin de vers. Exemple : « Demain, dès l’aub(e), à l’heur(e) où blanchit la campagn(e )» (Victor Hugo).
Dans ce vers, les trois "e" sont muets : les deux premiers sont suivis d’une voyelle, le troisième est situé en fin de vers.
 Les vers s’associent entre eux, selon une répétition  de sons dont la rime est la principale représentante.
On peut classer les rimes suivant leur richesse :
 – une rime est dite riche lorsque trois sons, au moins, sont en commun entre les deux vers : sombre/ ombre (son [ɔ˜] + son [b]+ son [], le e final étant muet)
 – une rime est suffisante lorsque deux sons sont en commun : orage/ ravage (son [a] + son [], le e final étant toujours muet)
 – une rime est pauvre si elle ne comporte qu’un son en commun : beau/ château (son [o]).
Plusieurs dispositions possibles :
 – les rimes plates ou suivies se succèdent selon le schéma aabb
 – les rimes croisées sont alternées et suivent le schéma abab
 – pour les rimes embrassées, les rimes externes encadrent les rimes internes selon le schéma abba.
 Il arrive que la rime soit remplacée par une assonance, c’est-à-dire la similitude d’une voyelle d’un vers à l’autre, mais avec une différence de consonne : dans le couple farine/ pastille, on a ainsi une assonance en i. L’assonance était pratiquée au Moyen Âge, et certains poètes modernes l’emploient de nouveau
. Exemple d’un vers comprenant une assonance en "ou" et une assonance en "a" :
 « L’élixir de ta bouche l’amour se pavane » ,Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857.

Attention, vous ne devez signaler une ASSONANCE (répétition de voyelles) ou une ALLITERATION (répétition de consonne) que pour asseoir, expliquer une signification.

Aucune remarque stylistique qui ne s'appuie pas sur une signification. 

 L’allitération, c’est-à-dire la répétition d’un son donné par des consonnes, contribue également à la musicalité du vers et aux jeux sur les sonorités.
 Exemple d’allitération en f :
 « Un frais parfum sortait des touffes d’asphodèles » (Victor Hugo, « Booz endormi », La Légende des siècles, 1859-1883).
Un vers correspond à une certaine diction. La manière dont les mots et syllabes s’enchaînent, dans le cadre du vers, donne le rythme du vers et donc celui de la poésie.

Au cabaret vert

Depuis huit jours, / j'avais déchiré mes bottines 4/8 + enjambement
Aux cailloux des chemins. / J'entrais à
Charleroi. 6/6 (deux hémistiches parfaits)
-
Au Cabaret-Vert : / je demandai des tartines 5/7 + enjambement
D
e beurre / et du jambon / qui fût à moitié froid. 2 (rejet) /4/6

5 Bienheureux, /j'allongeai les jambes
sous la table 3/9 + enjambement
Verte :/ je contemplai les sujets très naïfs 2 (rejet) /10 + enjambement
De la tapisserie. / - Et ce fut adorable, 6/6 ( deux hémistiches parfaits)
Quand la fille aux tétons énormes, / aux yeux vifs,
9/3 + rejet au vers 10 par dessus le vers9

9 - Celle-là, /ce n'est pas un baiser qui l'épeure ! -
3/9
Rieuse, / m'apporta des tartines de beurre,
3/9  
Du jambon tiède, / dans un
plat colorié, 5/6 (+diérèse ?)

Du jambon rose et blanc / parfumé d'une gousse
6/6 + enjambement
13 D'ail, /- et m'emplit la chope immense, / avec sa mousse
1 (rejet) /7/4 (contre-rejet) + enjambement
Que dorait /
un rayon /de soleil / arriéré. 3/3/3/3

Les vers longs, (décasyllabes et alexandrins), se partagent le plus souvent en deux hémistiches (moitié de vers), autour d’une césure (milieu du vers). 
Par exemple, regardez le "Cabaret vert"  La césure est alors une pause, un repos de la voix (qui peut correspondre à une reprise du souffle, mais n’est pas nécessairement placée à la fin d’un mot). Cette césure centrale donne donc un rythme binaire à l’alexandrin. Toutefois, certains poètes ne marquent pas la césure, et préfèrent donner un rythme ternaire au vers.
 « Toujours aimer, /toujours souffrir, /toujours mourir » (Corneille) est également un alexandrin, mais la césure, tombant sur le second « toujours », n’est pas marquée par la voix. Les virgules et la répétition de l’adverbe imposent de dire l’alexandrin en trois mesures de quatre syllabes chacune. Le vers est alors appelé « trimètre » : « Toujours aimer, / toujours // souffrir, / toujours mourir ».

D'autre part, le rythme est également donné par la correspondance, ou la discordance, entre le vers et la syntaxe (la phrase). En effet, un vers ne correspond pas forcément à une phrase. Lorsque la phrase se poursuit, il y a alors des phénomènes d’enjambement et de rejet. 

Formes poétiques fixes 


 Quelques poèmes à forme fixe :
 – le rondeau se compose de trois strophes et chaque strophe est formée sur deux rimes seulement ; 


Que me conseilliez-vous, mon cueur ?
Iray je par devers la belle,
Luy dire la peine mortelle
Que souffrez pour elle en doleur ?

Pour vostre bien et son honneur,
C’est droit que vostre conseil celle.
Que me conseilliez-vous, mon cueur,
Iray je par devers la belle ?

Si plaine la sçay de doulceur
Que trouveray mercy en elle,
Tost en aurez bonne nouvelle.
G’y vois, n’est ce pour le meilleur ?
Que me conseilliez vous, mon cueur ?

Charles D’ORLÉANS

la ballade comporte trois strophes d’un même nombre de vers, fondées sur les mêmes rimes, plus un « envoi », strophe plus courte (la plus fréquente est formée de trois huitains d’octosyllabes et d’un quatrain) ;
Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre. 
De notre mal personne ne s'en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Se frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre. 
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A lui n'ayons que faire ne que soudre.
Hommes, ici n'a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

 • le sonnet est la forme qui a connu le plus de succès à partir de la Renaissance. Il se compose de deux quatrains (en rimes embrassées) et de deux tercets fondés sur deux autres rimes. Le schéma des rimes du sonnet est le suivant : abba abba ccd ede


Une beauté de quinze ans enfantine, *       a
Un or frisé de maint crêpe(1) anelet(2),(3)       b
Un front de rose, un teint damoiselet(4),    b
Un ris(5) qui l’âme aux Astres achemine ;   a
Une vertu de telles beautés digne,               a
Un col(6)de neige, une gorge de lait,            b
Un coeur jà mûr (7) en un sein verdelet(8),   b
En Dame humaine une beauté divine ;        a
Un oeil puissant de faire jours les nuits,     c
Une main douce à forcer les ennuis(9), **   c
Qui tient ma vie en ses doigts enfermée     d
Avec un chant découpé(10) doucement***  e
Ore (11) d’un ris, or’ d’un gémissement,      d
De tels sorciers ma raison fut charmée.       e
(Pour retenir : pensez au groupe de musique suédois, cessez, dédé)

Pierre de RONSARD, «  Une beauté de quinze ans enfantine »,  XVIII , Premier livre des Amours (1584/1587)

Variantes :
*1552 : « Un chaste feu qui les cœurs illumine » 1578 : « Une beauté qui dans les cœurs domine »
** 1552 : « Une main douce à forcer les ennuis »
*** 1552 : « offensé doucement »
    (1) Crespe : frisé, bouclé (2) anneau (3) de plusieurs petits anneaux frisés (4) damoiselet : de demoiselle, gracieux, délicat (5) un ris : un sourire (6) un col : un cou (7) mûr, c'est à dire capable d'aimer (8) verdelet : de vert, qui n'est pas mûr (9) à forcer les ennuis : capable de ruiner les ennuis, de les éliminer (10)d écoupé doucement : blessé doucement (11) or...or.. : tantôt...tantôt...
 ; • le pantoum, apparu au xixe siècle, est une forme fondée sur l’entrecroisement ; les rimes se croisent, le 2e et le 4e vers de chaque strophe deviennent les 1er et 3e vers de la strophe suivante, le 1er vers du poème est aussi le dernier. Le plus célèbre pantoum français est « Harmonie du soir » de Baudelaire.

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;

Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,

Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !

* L'ode : poème divisé en strophes semblables par le nombre et la mesure des vers.

Mignonne, allons voir si la rose
Qui se matin avait déclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.

Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las las ses beautez laisse cheoir !
O vrayment marastre Nature,
Puis qu'une telle fleure ne dure
Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez mignonne,
Tandis que vostre age fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleure la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.
                                                      Pierre de RONSARD

La strophe 

Ensemble de vers séparé par un blanc constituant une unité poétique, à la façon d’un paragraphe dans un texte de prose. 
Le mot appartient, à l’origine, à la poésie lyrique : elle forme en effet une cellule rythmique reproduite à l’identique au fil du poème et peut, s’apparenter au couplet ou au refrain d’une chanson.

Un distique est une strophe de deux vers ;
 un tercet, de trois vers ; 
un quatrain, de quatre vers ; 
un quintil, de cinq vers ;
un sizain, de 6 vers
un septain, de 7 vers
un huitain, de 8 vers
un neuvain, de 9 vers
 un dizain, de dix vers. 
un onzain, de 11 vers, etc.
Une strophe est isométrique quand elle est constituée de vers égaux.
 Dans le cas contraire, (fréquent dans les Fables de La Fontaine) elle est dite hétérométrique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire