dimanche 25 juin 2017

le sensationalisme



Sensationnalisme

"Dans les écoles de journalisme, on appelle cela, cyniquement : la « loi du mort-kilomètre ». Ou dit autrement, plus un événement se situe loin de nous et moins il éveillera l’attention. De sorte que toutes les victimes ne se valent pas puisque, selon la même logique, plus elles semblent éloignées et moins elles susciteront d’empathie. A cela, on pourrait encore ajouter la triste loi de l'actualité : Ou quand une catastrophe éclipse l’autre."

Dans les écoles de journalisme, on appelle cela, cyniquement : la « loi du mort-kilomètre ». Ou dit autrement, plus un événement se situe loin de nous et moins il éveillera l’attention. De sorte que toutes les victimes ne se valent pas puisque, selon la même logique, plus elles semblent éloignées et moins elles susciteront d’empathie. A cela, on pourrait encore ajouter la triste loi de l'actualité : Ou quand une catastrophe éclipse l’autre. Et pour peu que certaines violences paraissent récurrentes, alors elles ne finissent même par ne plus étonner. Hier soir, à Kaboul, au moins quatre personnes ont été tuées et huit autres blessées dans un attentat suicide contre une mosquée chiite. Tandis que les fidèles se préparaient à une assemblée pour cette nouvelle nuit de ramadan, les assaillants, précise THE GUARDIAN, se sont fait exploser dans la cuisine de la mosquée. Une attaque revendiquée par le groupe Etat islamique.
Mais là où, il y a 15 jours à peine, le précédent attentat faisant, lui, plus de 150 morts avait eu les faveurs des Unes de la presse, ce matin, force est de constater que l'information a du mal à se faire une place, au-delà du minimum requis. Et pourtant, cette attaque (la troisième revendiquée par l'EI depuis le mois d'octobre) semble bel et bien témoigner, tout d'abord, de ce que l'apparition de Daech, en Afghanistan, alimente désormais des affrontements violents entre sunnites et chiites, alors même que le pays (à majorité sunnite) avait été, jusqu'ici, épargné par ce type de phénomène. Sans compter que la veille de cet attentat, rappelle pour sa part THE ATLANTIC, l'EI a également pris le contrôle de Tora Bora, l'ancienne forteresse d'Oussama Ben Laden. Une prise non seulement symbolique pour Daech (qui en a chassé ses rivaux talibans) mais aussi stratégique. Elle devrait, en particulier, nous interpeller sur la capacité de résistance de l'organisation qui, même si elle perd aujourd'hui du terrain dans ses grands bastions (Raqqa et Mossoul) ne devrait pas pour autant perdre sa base sociale du jour au lendemain et pourrait même la faire prospérer en se repliant sur d'autres pays, comme l'Afghanistan. Enfin, cette attaque devrait également alimenter un autre débat, en toile de fond : peut-on continuer aujourd'hui à expulser les demandeurs d’asile déboutés vers l’Afghanistan ? Hier, l'organisation HUMAN RIGHTS WATCH faisait encore état d'incertitudes sur l'identité d'un adolescent expulsé de Suède et qui aurait possiblement trouvé la mort dans un attentat à Kaboul.
Lui était venu en Angleterre pour une vie meilleure. Et c’est en Angleterre qu’il a trouvé la mort
Après avoir survécu à l'insurrection syrienne et à la répression du président Bashar al-Assad, mais aussi à une campagne de bombardement de Daech et enfin à la traversée périlleuse de la Méditerranée, Mohammed Al-Haj Ali est mort, mercredi, dans l'incendie qui a dévasté une tour HLM de Londres. Dans un portrait émouvant publié par THE TELEGRAPH, il est écrit que Mohammed, étudiant en ingénierie civile à l'Université de West London, a été séparé de son frère dans les escaliers, alors que tous deux essayaient d’échapper aux flammes. Rapidement, les messages de soutien se sont multipliés sur les réseaux sociaux, où la mort de Mohammed a pris une dimension symbolique et ajouté, un peu plus encore, à la colère des Londoniens. Plusieurs internautes, en particulier, ont tenu à rappeler à l’ordre les médias (comme THE INDEPENDENT) qui n’auraient pas pris la peine d’écrire le nom du jeune homme dans leur titre, le présentant simplement comme « un réfugié syrien ». L'indignation, également, précise de son côté THE DAILY STAR, lorsque des idiots n'ont rien trouvé de mieux que d'infester les réseaux sociaux de leurs commentaires racistes, en s'interrogeant pourquoi seuls des « Britanniques », des vrais, ne faisaient pas partie de ce parc de logements sociaux.
Enfin la haine libre, toujours et encore, à l'œuvre cette fois-ci en Bulgarie
Depuis quelques jours, nous apprend le Courrier International, c’est une véritable série noire qui s’abat sur la classe politique bulgare. Quelques semaines à peine après la constitution du nouveau gouvernement, de troublantes photos de hauts responsables émergent, régulièrement, des réseaux sociaux : Toutes montrent les intéressés en train d'effectuer le salut nazi. Le premier à s’illustrer n'est autre que le vice-ministre du Développement régional. On le voit immortalisé en veste de cuir noir, dans le musée Grévin à Paris, face à deux officiers en cire de la Gestapo. Le bras levé, il effectue clairement le salut hitlérien. Arguant que la photo datait de 2008, lorsqu’il était à Paris en tant que touriste, il s'est défendu en expliquant que tout cela n’était qu’une plaisanterie. A la demande du Premier ministre, il a finalement dû démissionner. Et puis, ce fut au tour d’un haut responsable du ministère de la Défense de devoir s’expliquer. Sur la photo incriminée, il pose, là encore, le bras levé, tout en fixant l’objectif devant un char allemand de la Seconde Guerre mondiale. Poussé, lui aussi, à la démission par le Premier ministre, il s’est finalement fait hospitaliser. Et c’est depuis l’hôpital qu’il s’est fendu d’une lettre ouverte, présentant des « excuses » pour son geste. Depuis, l'homme est toujours fonctionnaire de la Défense, son ministre de tutelle ayant salué en lui un excellent professionnel. Enfin, troisième cas en quelques jours à peine, celui d'un conseiller du Président sur les questions de sécurité, arborant une moustache à la Hitler et le bras levé. Là encore, la photo a fait le tour des médias. Lundi, sur la chaîne de télévision NOVA, il a précisé qu’il s’agissait d’une photo sortie de son contexte, qu’elle provenait d’une fête masquée pour le Réveillon et qu’il ne comptait pas démissionner. Bien au contraire, puisqu'il entend à présent saisir les organes compétents, pour déjouer cette « tentative de discréditer l’institution présidentielle ». De son côté l’opposition, elle, tire désormais à boulets rouges contre le pouvoir en place, rappelant que le chef du gouvernement (au pouvoir pour la troisième fois depuis 2009) a, cette fois-ci, conclu une alliance inédite avec trois partis d’extrême droite.
Par Thomas CLUZEL

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