Séquence
3 : Le texte théâtral et sa représentation du XVIIe siècle
à nos jours. Œuvre intégrale
Victor
Hugo, Hernani, Acte III, scène 6, vers 11571 à 1197
DON
RUY GOMEZ, allant à d’autres portraits.
Voilà
don Vasquez, dit le Sage.
Don
Jayme, dit le Fort. Un jour, sur son passage,
Il
arrêta Zamet et cent maures tout seul.
– J’en passe, et des meilleurs.
Sur un
geste de colère du roi, il passe un grand
nombre
de tableaux, et vient tout de suite aux trois
derniers
portraits a gauche du spectateur.
Voici
mon noble aïeul.
Il
vécut soixante ans, gardant la foi jurée,
Même
aux juifs.
À
l’avant-dernier.
Ce
vieillard, cette tête sacrée,
C’est
mon père. Il fut grand, quoiqu’il vint le dernier.
Les
maures de Grenade avaient fait prisonnier
1165
Le comte Alvar Giron, son ami. Mais mon père
Prit
pour l’aller chercher six cents hommes de guerre,
Il
fit tailler en pierre un comte Alvar Giron
Qu’à
sa suite il traîna, jurant par son patron
De
ne point reculer, que le comte de pierre
1170
Ne tournât front lui-même et n’allât en
arrière.
Il
combattit, puis vint au comte, et le sauva.
DON
CARLOS.
Mon
prisonnier !
DON
RUY GOMEZ.
C’était
un Gomez de Silva !
Voilà
donc ce qu’on dit quand dans cette demeure
On
voit tous ces héros...
DON
CARLOS.
Mon
prisonnier sur l’heure !
DON
RUY GOMEZ. Il s’incline profondément
devant le roi, lui
prend
la main et le mène devant le dernier portrait, celui
qui
sert de porte à la cachette où il a fait entrer Hernani.
Doña
Sol le suit des yeux avec anxiété. Attente et silence
dans
l’assistance.
1175
Ce portrait, c’est
le mien. – Roi don Carlos, merci ! –
Car
vous voulez qu’on dise en le voyant ici :
«
Ce dernier, digne fils d’une race si haute,
Fut
un traître, et vendit la tête de son hôte ! » Joie
de Doña Sol. Mouvement de stupeur
dans
l’assemblée. Le roi, déconcerté, s’éloigne avec
colère,
puis reste quelques instants silencieux, les
lèvres
tremblantes et l’œil enflammé.
DON
CARLOS.
Duc,
ton château me gêne et je le mettrai bas !
DON
RUY GOMEZ.
1180
Car
vous me la paieriez, altesse, n’est-ce pas?
DON
CARLOS.
Duc,
j’en ferai raser les tours pour tant d’audace,
Et
je ferai semer du chanvre sur la place !
DON
RUY GOMEZ.
Mieux
voir croître du chanvre où ma tour s’éleva,
Qu’une
tache ronger le vieux nom de Silva. Aux portraits.
N’est-il
pas vrai, vous tous ?
DON
CARLOS.
Duc
! cette tête est nôtre,
Et
tu m’avais promis…
DON
RUY GOMEZ.
J’ai
promis l’une ou l’autre. Aux portraits.
1185
N’est-il
pas vrai, vous tous ?
Montrant sa tête.
Je
donne celle-ci. Au roi.
Prenez-la.
DON
CARLOS.
Duc,
fort bien. Mais j’y perds, grand merci !
La
tête qu’il me faut est jeune, il faut que morte
1190
On la prenne aux cheveux. La tienne ? que m’importe
!
Le
bourreau la prendrait par les cheveux en vain.
Tu
n’en as pas assez pour lui remplir la main !
DON
RUY GOMEZ.
Altesse,
pas d’affront ! ma tête encore est belle,
Et
vaut bien, que je crois, la tête d’un rebelle.
1195
La tête d’un Silva,
vous êtes dégoûté !
DON
CARLOS.
Livre-nous
Hernani !
DON
RUY GOMEZ.
Seigneur,
en vérité,
J’ai
dit.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
INTRODUCTION A LA SCENE + PLAN DE COMMENTAIRE /
Acte
III, scène 6
Sous-titré « Tres para una », Hernani,
créé dans un grand tumulte le 25 février 1830 à la
Comédie-Française, montre la rivalité de trois hommes amoureux de
la même femme, dona Sol : son oncle sexagénaire, don Ruy Gomez
de Silva, qui doit l’épouser ; don Carlos, roi d’Espagne
et futur Charles Quint à l’acte IV, qui a déjà vainement tenté
de la séduire et qui n’hésite plus à employer la force ;
enfin, Hernani, le bandit banni dont la tête est mise à prix, et
aimé de dona Sol. Hernani
est venu s’expliquer avec elle dans le château de don Ruy. Surgit
alors le roi don Carlos lancé à ses trousses. Mais le vieux don Ruy
refuse de livrer Hernani au nom des lois de l’hospitalité. Pour se
justifier, il montre au roi la galerie des portraits de ses nobles
ancêtres, qui ont accompli maints exploits chevaleresques et servi
la couronnes d’Espagne. L’extrait suivant montre à quel point
don Ruy est attaché à « l’honneur castillan ».
1re
partie : Une intensité dramatique très forte
2e
partie : Qui possède également une grande valeur symbolique
pour le futur de l’action
3e
partie : et qui mélange sublime et grotesque.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire