samedi 24 novembre 2018

3e Séquence Victor Hugo, Hernani (1830) Texte 3 : Acte III, scène 6 + intro et plan de commentaire


Séquence 3 : Le texte théâtral et sa représentation du XVIIe siècle à nos jours. Œuvre intégrale
Victor Hugo, Hernani, Acte III, scène 6, vers 11571 à 1197


DON RUY GOMEZ, allant à d’autres portraits.

Voilà don Vasquez, dit le Sage.
Don Jayme, dit le Fort. Un jour, sur son passage,
Il arrêta Zamet et cent maures tout seul.
 – J’en passe, et des meilleurs. Sur un geste de colère du roi, il passe un grand
nombre de tableaux, et vient tout de suite aux trois
derniers portraits a gauche du spectateur.
Voici mon noble aïeul.
Il vécut soixante ans, gardant la foi jurée,
Même aux juifs. À l’avant-dernier.
Ce vieillard, cette tête sacrée,
C’est mon père. Il fut grand, quoiqu’il vint le dernier.
Les maures de Grenade avaient fait prisonnier
1165 Le comte Alvar Giron, son ami. Mais mon père
Prit pour l’aller chercher six cents hommes de guerre,
Il fit tailler en pierre un comte Alvar Giron
Qu’à sa suite il traîna, jurant par son patron
De ne point reculer, que le comte de pierre
1170 Ne tournât front lui-même et n’allât en arrière.
Il combattit, puis vint au comte, et le sauva.

DON CARLOS.
Mon prisonnier !
DON RUY GOMEZ.
C’était un Gomez de Silva !
Voilà donc ce qu’on dit quand dans cette demeure
On voit tous ces héros...
DON CARLOS.
Mon prisonnier sur l’heure !
DON RUY GOMEZ. Il s’incline profondément devant le roi, lui
prend la main et le mène devant le dernier portrait, celui
qui sert de porte à la cachette où il a fait entrer Hernani.
Doña Sol le suit des yeux avec anxiété. Attente et silence
dans l’assistance.
1175 Ce portrait, c’est le mien. – Roi don Carlos, merci ! –
Car vous voulez qu’on dise en le voyant ici :
« Ce dernier, digne fils d’une race si haute,
Fut un traître, et vendit la tête de son hôte ! » Joie de Doña Sol. Mouvement de stupeur
dans l’assemblée. Le roi, déconcerté, s’éloigne avec
colère, puis reste quelques instants silencieux, les
lèvres tremblantes et l’œil enflammé.

DON CARLOS.
Duc, ton château me gêne et je le mettrai bas !

DON RUY GOMEZ.
1180 Car vous me la paieriez, altesse, n’est-ce pas?

DON CARLOS.
Duc, j’en ferai raser les tours pour tant d’audace,
Et je ferai semer du chanvre sur la place !

DON RUY GOMEZ.
Mieux voir croître du chanvre où ma tour s’éleva,
Qu’une tache ronger le vieux nom de Silva. Aux portraits.
N’est-il pas vrai, vous tous ?
DON CARLOS.
Duc ! cette tête est nôtre,
Et tu m’avais promis…
DON RUY GOMEZ.
J’ai promis l’une ou l’autre. Aux portraits.
1185 N’est-il pas vrai, vous tous ? Montrant sa tête.
Je donne celle-ci. Au roi.
Prenez-la.
DON CARLOS.
Duc, fort bien. Mais j’y perds, grand merci !
La tête qu’il me faut est jeune, il faut que morte
1190 On la prenne aux cheveux. La tienne ? que m’importe !
Le bourreau la prendrait par les cheveux en vain.
Tu n’en as pas assez pour lui remplir la main !

DON RUY GOMEZ.
Altesse, pas d’affront ! ma tête encore est belle,
Et vaut bien, que je crois, la tête d’un rebelle.
1195 La tête d’un Silva, vous êtes dégoûté !

DON CARLOS.
Livre-nous Hernani !
DON RUY GOMEZ.
Seigneur, en vérité,
J’ai dit.

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INTRODUCTION A LA SCENE + PLAN DE COMMENTAIRE /


Acte III, scène 6

Sous-titré « Tres para una », Hernani, créé dans un grand tumulte le 25 février 1830 à la Comédie-Française, montre la rivalité de trois hommes amoureux de la même femme, dona Sol : son oncle sexagénaire, don Ruy Gomez de Silva, qui doit l’épouser ; don Carlos, roi d’Espagne et futur Charles Quint à l’acte IV, qui a déjà vainement tenté de la séduire et qui n’hésite plus à employer la force ; enfin, Hernani, le bandit banni dont la tête est mise à prix, et aimé de dona Sol. Hernani est venu s’expliquer avec elle dans le château de don Ruy. Surgit alors le roi don Carlos lancé à ses trousses. Mais le vieux don Ruy refuse de livrer Hernani au nom des lois de l’hospitalité. Pour se justifier, il montre au roi la galerie des portraits de ses nobles ancêtres, qui ont accompli maints exploits chevaleresques et servi la couronnes d’Espagne. L’extrait suivant montre à quel point don Ruy est attaché à « l’honneur castillan ».

1re partie : Une intensité dramatique très forte
2e partie : Qui possède également une grande valeur symbolique pour le futur de l’action
3e partie : et qui mélange sublime et grotesque.

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