dimanche 4 novembre 2018

Littérature Terminale L : Hernani. Victor Hugo, préface de Cromwell


Victor Hugo, préface de Cromwell

Le drame doit tout englober, toute la vie. Mais il n’est pas « un miroir qu’on promène sur les chemins », ce n’est pas du réalisme. Toute la vie, mais la vie accentuée dans ses malheurs et bonheurs. Victor Hugo parle du prisme qui grossit les choses :
« La poésie de notre temps est donc le drame ; le caractère du drame est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque, qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création. Car la poésie vraie, la poésie complète, est dans l’harmonie des contraires. »
Sur le mélange du laid et du beau : « Tout dans la création n’est pas humainement beau, le laid y existe à côté du beau, le difforme près du gracieux, le grotesque au revers du sublime, le mal avec le bien, l’ombre avec la lumière »
Ce que l’on peut reprocher à la tragédie classique, c’est de raconter au lieu de montrer :
« Tout ce qui est trop caractéristique, trop intime, trop local, pour se passer dans l’antichambre ou dans le carrefour se passe dans la coulisse. Nous ne voyons en quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l’action ; ses mains sont ailleurs. Au lieu de scènes, nous avons des récits ; au lieu de tableaux, des descriptions. De graves personnages, placés entre le drame et nous, viennent nous raconter ce qui se fait dans le temple, dans le palais, dans la place publique, de façon que souventes fois nous sommes tentés de crier : « Vraiment ! Mais conduisez-nous donc là-bas!On s’y doit bien amuser, cela doit être beau à voir ! »
Sur le lieu de l’action qui doit être exact, et le nécessaire abandon de l’unité de lieu :
«La localité exacte est un des premiers éléments de la réalité. Le lieu où telle catastrophe s’est passée en devient un témoin terrible et inséparable ; et l’absence de cette sorte de personnage muet décompléterait dans le drame les plus grandes scènes de l’histoire. » « Le poète oserait-il brûler Jeanne d’Arc autre part que dans le vieux-marché ? »
Sur l’unité de temps qu’il faut aussi abandonner :
« Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. »
« C’est ainsi qu’on a borné l’essor de nos plus grands poètes. C’est avec les ciseaux des unités qu’on leur a coupé l’aile. »
Seule l’unité d’action doit être conservée : « l’unité d’action, la seule admise de tous parce qu’elle résulte d’un fait : l’œil ni l’esprit humain ne sauraient saisir plus d’un ensemble à la fois. »
« L’unité d’action ne répudie en aucune façon les actions secondaires sur lesquelles doit s’appuyer l’action principale. Il faut seulement que ces parties, savamment subordonnées au tout, gravitent sans cesse vers l’action centrale et se groupent autour d’elle aux différents étages ou plutôt sur les divers plans du drame. »
Le drame n’est pas réaliste : « On doit donc reconnaître, sous peine de l’absurde, que le domaine de l’art et celui de la nature sont parfaitement distincts. » « Le théâtre est un point d’optique. Tout ce qui existe dans le monde, dans l’histoire, dans la vie, dans l’homme, tout doit et peut s’y réfléchir, mais sous la baguette magique de l’art. » Plus loin, Victor Hugo continue la métaphore de l’optique : « Le vers est la forme optique de la pensée. »
Victor Hugo est un adepte du parler vrai avec un contre-exemple : « Comment tolérer des rois et des reines qui jurent ? C’est ainsi que le roi du peuple, nettoyé par M.Legouvé, a vu son ventre-saint-gris chassé honteusement de sa bouche et qu’il a été réduit comme la jeune fille du fabliau, à ne plus laisser tomber de cette bouche royale que des perles, des rubis et des saphirs ; le tout faux, à la vérité. »
Victor Hugo veut maintenir l’alexandrin contre l’avis des réformateurs : « Nous vou[l]ons un vers libre, franc, loyal, osant tout dire sans pruderie, tout exprimer sans recherche ; passant d’une naturelle allure de la comédie à la tragédie, du sublime au grotesque ; tour à tour positif et poétique, tout ensemble artiste et inspiré, profond et soudain, large et vrai »
Sur la césure mobile : « [un vers] sachant briser à propos et déplacer la césure pour déguiser sa monotonie d’alexandrin »
Sur l’enjambement : «  [un vers]plus ami de l’enjambement qui l’allonge que de l’inversion qui l’embrouille »
Sur la rime : « [un vers] fidèle à la rime, cette esclave reine, cette suprême grâce de notre poésie, ce générateur de notre mètre ; inépuisable dans la variété de ses tours, insaisissable dans ses secrets d’élégance et de facture »
et pour conclure : « Il nous semble que ce vers-là serait bien aussi beau que de la prose » et « L’idée, trempée dans le vers, prend soudain quelque chose de plus incisif et de plus éclatant. C’est le fer qui devient acier »
Sur la nécessité d’écrire au XIXe siècle la langue du XIXe siècle : « Toute époque a ses idées propres, il faut qu’elle ait aussi les mots propres à ces idées. Les langues sont comme la mer, elles oscillent sans cesse. Les langues ni le soleil ne s’arrêtent plus. Le jour où elles se fixent, c’est qu’elles meurent. »
Victor Hugo veut « la liberté en art  contre le despotisme des systèmes, des codes et des règles. »



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