Séquence
5 François Rabelais, « L’éducation de
Gargantua », XXI, Gargantua
(1534)
Ensuite,
il lui imposa un tel rythme d’études qu’il ne perdait pas un
moment de la journée, mais passait tout son temps à étudier les
Lettres et le savoir utile.
Gargantua
se réveillait donc vers quatre heures du matin. Pendant qu’on
l’astiquait, on lui lisait une page de la divine Ecriture, à haute
et intelligible voix et avec une diction claire ; mission
confiée à un jeune page de Basché1,
nommé Anagnostes2.
En fonction du thème et du sujet de ce passage, il se consacrait à
vénérer, adorer, prier et supplier le bon Dieu, dont la lecture
montrait la majesté et le jugement merveilleux.
Puis
il se retirait aux lieux d’aisance pour se purger de ses excréments
naturels. Là son précepteur répétait ce qui avait été lu en lui
expliquant les points les plus obscurs et difficiles.
En
revenant, ils considéraient l’état du ciel : s’il se
présentait comme ils l’avaient noté le soir précédent, dans
quelle partie du zodiaque entraient le soleil et la lune pour la
journée.
Cela
fait, il était habillé, peigné, coiffé, adorné3
et parfumé ; pendant ce temps on lui répétait les leçons de
la veille. Lui-même les récitait par cœur et en tirait quelques
conclusions pratiques sur la condition humaine ; ils y passaient
parfois jusqu’à deux ou trois heures, mais d’habitude ils
s’arrêtaient lorsqu’il avait fini de s’habiller.
Puis
pendant trois bonnes heures on lui faisait la lecture.
Cela
fait, ils sortaient, en conversant toujours du sujet de la leçon, et
allaient se récréer au Jeu de Paume4
du Grand Braque ou dans une prairie ; ils jouaient à la balle
ou à la paume, s’exerçant le corps aussi lestement qu’ils
l’avaient fait auparavant de leur esprit.
Ils
jouaient librement, abandonnant la partie quand ils voulaient et
s’arrêtant ordinairement quand ils étaient bien en sueur ou
fatigués. Alors, bien essuyés et frottés, ils changeaient de
chemise et, se promenant tranquillement, ils allaient voir si le
déjeuner était prêt. En attendant, ils récitaient clairement, en
y mettant le ton, quelques sentences retenues de la leçon.
Cependant,
Monsieur l’Appétit venait, et ils s’asseyaient à table au
moment opportun. Au début du repas, on lisait quelque histoire
plaisante tirée des anciennes légendes, jusqu’à ce qu’il eût
bu son vin.
Alors,
selon l’envie, on continuait la leçon ou bien ils commençaient à
converser joyeusement ensemble ; les premiers temps, ils
parlaient des vertus, des propriétés efficaces et de la nature de
tout ce qu’on leur servait à table : le pain, le vin, l’eau,
le sel, les viandes, les poissons, les fruits, les herbes, les
légumes, et la façon dont ils étaient apprêtés. De cette façon,
il apprit en peu de temps tous les passages se rapportant à ces
sujets chez Pline, Athénée, Dioscoride, Galien, Porphyre, Opien,
Polybe, Héliodore, Aristote, Elien5
et d’autres. En parlant, ils faisaient souvent, pour plus de
sûreté, apporter à table les livres en question. Et il retint si
bien en mémoire ce qu’on y disait qu’il n’y avait pas alors de
médecin qui en sût moitié autant que lui.
Par
la suite, ils parlaient des leçons lues le matin ; après avoir
achevé le repas d’une confiture de coings, il se curait les dents
avec un tronc de giroflier et se lavait les mains et le visage de
belle eau fraîche, puis ils rendaient grâce à Dieu par quelque
beau cantique à la gloire de la grandeur et de la bonté divines.
Cela fait, on apportait des cartes, non pour jouer mais pour y
apprendre mille petits tours et inventions nouvelles relevant de
l’arithmétique.
Ainsi
il se prit de passion pour la science des nombres, et tous les jours,
après dîner et souper, ils y passaient leur temps aussi
agréablement qu’il le faisait avant avec les dés ou les cartes. A
force, il devint si savant en cette discipline, aussi bien théorique
que pratique, que l’Anglais
Tunstall6,
qui en avait abondamment disserté, confessa qu’en vérité, par
rapport à lui, il n’y entendait que les rudiments.
1Localité
près de Chinon, en Indre-et-Loire
2Mot
grec qui signifie « lecteur »
3Habillé
4Jeu
qui consistait à se renvoyer une balle
5Références
à des auteurs de l’Antiquité grecque ou latine
6Evêque
de Durham
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L’éducation
de Gargantua
Éduqué selon la méthode
traditionnelle héritée des précepteurs du Moyen Âge, Gargantua,
père de Pantagruel, est devenu « niais, tout rêveux et
rassotté ». Son père décide de le confier à un maître
moderne « Ponocrates », (en
grec : dur à la fatigue ou
bourreau de travail), qui lui fait alors oublier ce qu’il a appris
en lui administrant un remède « qui lui lava le cerveau de
toutes ses habitudes perverties ». Une nouvelle éducation lui
est proposée. En quoi l’éducation donnée à Gargantua
illustre-t-elle l’idéal humaniste ? Une nouvelle méthode
d’éducation qui privilégie de nouveaux savoirs afin de créer un
homme nouveau.
I
Une nouvelle méthode éducative :
a)
une maîtrise du temps
b)
une répartition équilibrée des savoirs
II
De nouveaux savoirs
a)
éducation corporelle
b)
éducation intellectuelle
c)
éducation morale
III
un homme nouveau
a)
l’homme dans sa globalité
b)
éducation d’un prince
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