mercredi 6 septembre 2017

Séquence 1 LA "A la recherche du bonheur", texte 2 : Blaise Pascal, le divertissement

https://drive.google.com/file/d/0B4OSt_hVPMKcYkx0MGZFZlFCMnM/view?usp=sharing

Texte 2
Quand je m’y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s’exposent, dans la cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir, n’en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d’une place. On n’achètera une charge à l’armée si cher, que parce qu’on trouverait insupportable de ne bouger de la ville ; et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu’on ne peut demeurer chez soi avec plaisir.
  Mais quand j’ai pensé de plus près, et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près.
  Quelque condition qu’on se figure, si l’on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde, et cependant qu’on s’en imagine, accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher. S’il est sans divertissement, et qu’on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu’il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point, il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent, des révoltes qui peuvent arriver, et enfin de la mort et des maladies qui sont inévitables ; de sorte que, s’il est sans ce qu’on appelle divertissement, le voilà malheureux et plus malheureux que le moindre de ses sujets, qui joue et se divertit.
 
(L'unique bien des hommes consiste donc à être divertis de penser à leur condition ou par une occupation qui les en détourne, ou par quelque passion agréable et nouvelle qui les occupe, ou par le jeu, la chasse, quelque spectacle attachant, et enfin par ce qu'on appelle divertissement.)
  De là vient que le jeu, la conversation des femmes, la guerre, les grands emplois sont si recherchés. Ce n'est pas qu'il y ait en effet du bonheur, ni qu'on s'imagine que la vraie béatitude, soit d'avoir l'argent qu'on peut gagner au jeu, ou dans le lièvre qu'on court ; on n'en voudrait pas s'il était offert. Ce n'est pas cet usage mol et paisible et qui nous laisse penser à notre malheureuse condition qu'on recherche, ni les dangers de la guerre, ni la peine des emplois, mais le tracas qui nous détourne d'y penser et nous divertit. Raison pourquoi on aime mieux la chasse que la prise.
  De là vient que les hommes aiment tant le bruit et le remuement. De là vient que la prison est un supplice si horrible, de là vient que le plaisir de la solitude est une chose incompréhensible. Et c'est enfin le plus grand sujet de félicité de la condition des rois, de ce qu'on essaie sans cesse à les divertir et à leur procurer toutes sortes de plaisirs. Le roi est environné de gens qui ne pensent qu'à divertir le roi et à l'empêcher de penser à lui. Car il est malheureux, tout roi qu'il est, s'il y pense.


Blaise Pascal, Pensées (1670)
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Le bonheur est-il possible selon Pascal ?
Comment pourriez-vous définir le divertissement pascalien à partir de ce fragment ?
Quel est le rôle du registre tragique dans ce texte ?
En quoi ce texte renvoie-t-il une vision pessimiste de la condition humaine?
 Quels sont les buts de Pascal dans ce texte sur le divertissement ?

Le plan pour un exposé oral devra se faire en deux parties. Donc il vous faudra adapter votre plan à la question posée.

1re partie : Qu'est-ce que le divertissement ? Et en quoi est-il constitutif de la nature humaine ?
2e partie : un raisonnement rigoureux qui enferme et contraint le lecteur

Amorce : Le XVIIe siècle est un siècle  où de nombreux jeux apparaissent comme le jeu de Paume (ancêtre du tennis), le mail (croquet) mais aussi les jeux de salon comme les échecs, les dames, les cartes. Ces jeux fournissent la matière de l'argumentation de Pascal. Cependant le divertissement n'est pas que le jeu, il est tout ce qui permet à l'homme de se détourner de sa condition de mortel. 
Quel était le but de Pascal en rédigeant Les Pensées ? C'est un ensemble de notes éparses, de fragments destinés à un livre qui n'a jamais vu le jour et qui devait faire l'apologie de la religion chrétienne. Le but de Pascal est de convertir l'homme, de l'amener à se tourner vers Dieu. Ce fragment que nous étudions et qui est consacré au divertissement est destiné à montrer que ses occupations sont vaines (cf Les vanités ) et qu'il ne trouvera le bonheur que par Dieu. Les différents plaisirs que procurent les divertissements ne sont rien comparés au bonheur que l'homme trouvera en Dieu. Pascal est né le 9 juin 1623. Il révèle très tôt des talents exceptionnels pour la géométrie, les mathématiques, la physique, etc. On lui doit une machine arithmétique, plusieurs traités sur les coniques et les fluides. la première période de sa vie est faites de relations mondaines, de fréquentations des salons littéraires, philosophiques. la dernière partie de sa vie est consacré à la défense des jansénistes de Port Royal contre les jésuites. Mais surtout et c'est à cela qu'il consacrera ses dernière force : ramener à Dieu les libertins qu'il a rencontrés dans les salons. ( Le jansénisme est une doctrine religieuse qui contrairement aux jésuites n'accorde le salut qu'à quelques uns déjà désignés à la naissance et qui ne tient pas compte des mérites et des efforts, c'est la prédestination)

1re partie : Qu'est-ce que le divertissement ? Et en quoi est-il constitutif de la nature humaine ? 
1) Blaise Pascal décrit une vision pessimiste de la nature humaine : condamnée à pratiquer des divertissements pour échapper à son propre malheur. C'est une "condition faible et mortelle et si misérable que rien ne peut nous consoler". Dont les rois ne sont pas exempts, malgré les richesses et le pouvoir
2) Les divertissements sont des activités vaines (cf les Vanités) et diverses. [liste et classement des divertissements ]
3) Ces divertissements n'ont qu'un but : procurer de l'agitation puisque le gain n'a aucun intérêt.

2e partie : Un raisonnement rigoureux qui enferme et contraint le lecteur
1) Rigueur argumentative : d'abord un raisonnement inductif (de l'observation des faits pour remonter à une cause générale)  puis une logique déductive (loi générale qui revient aux exemples pour les expliquer). En effet Pascal commence par observer les différentes agitations des hommes et ensuite il cherche la cause à cette agitation : "ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre". Puis à nouveau la raison de ce comportement : "le malheur naturel de notre condition faible et mortelle"
Ensuite il applique cette loi à la royauté. C'est la déduction : de la vérité générale aux faits particuliers.
2) Présence de l'auteur qui passe du "je", "nous" "on" (implication de Pascal) à l'expression "les hommes" qui a une valeur plus générale mais qui montre également un retrait de l'auteur.
3) Les répétitions des arguments et exemples forment une boucle qui enclot le lecteur dans le texte et ne lui laisse pas d'échappatoire. Le 4e § reprend les exemples du 1er §; l'exemple du roi dans le 3e § est repris à la fin du texte, etc. 

Conclusion :
Sa condition humaine et mortelle rend l'homme malheureux. Pour s'efforcer d'y échapper, il invente des divertissements multiples et variés. Mais tout ça n'est qu'illusoire. A l'opposé de Lucrèce pour qui le bonheur réside certes dans la paix de l'esprit, dans la tranquillité de l'âme (ATARAXIE) mais aussi dans des plaisirs simples et qui ne nuisent pas à la santé. 

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