mercredi 27 septembre 2017

Séquence 2 Comment les poètes traduisent la fuite du temps, : LA3 : "Le Pont Mirabeau"



Guillaume Apollinaire, Alcool (1913), 
« Le Pont Mirabeau »



Sous le pont Mirabeau coule la Seine

       Et nos amours


   Faut-il qu'il m'en souvienne


La joie venait toujours après la peine




       Vienne la nuit sonne l'heure


       Les jours s'en vont je demeure




Les mains dans les mains restons face à face


       Tandis que sous


   Le pont de nos bras passe


Des éternels regards l'onde si lasse




       Vienne la nuit sonne l'heure


       Les jours s'en vont je demeure




L'amour s'en va comme cette eau courante


       L'amour s'en va


   Comme la vie est lente


Et comme l'Espérance est violente




       Vienne la nuit sonne l'heure


       Les jours s'en vont je demeure




Passent les jours et passent les semaines


       Ni temps passé


   Ni les amours reviennent


Sous le pont Mirabeau coule la Seine




       Vienne la nuit sonne l'heure


       Les jours s'en vont je demeure




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Introduction :

    De 1870 à la 1re guerre mondiale, l'Europe connait une période de renouveau intense par le biais de la révolution technologique et industrielle. Ainsi en architecture, de nouveaux bâtiments apparaissent utilisant de nouveaux matériaux comme l'acier. Comme les Impressionnistes qui firent entrer la modernité dans leur peinture, Apollinaire se fait le chantre de la modernité. Le pont Mirabeau date seulement de 1896 et déjà il pénètre la poésie. Mais Apollinaire est aussi un avantgardiste pour la forme ainsi l'absence de ponctuation. Ce poème est composé de quatre quatrains alternant avec un distique qui forme un refrain. Le tout est un poème hétérométrique de 24 vers, comme les 24 heures de la journée. C'est un poème qui oscille entre le monde ancien par son thème plutôt classique de la fuite du temps (c'est l'image d'Héraclite !) réunie à la fin des amours et une forme poétique étonnante. 

I Une forme musicale étonnante

II Fuite du temps associée à la fin des amours


Remarquez sur le manuscrit que ce sont bien des tercets. Et que l'idée de briser le deuxième vers est venue après.

https://drive.google.com/file/d/0B4OSt_hVPMKcTXZUVldBZEdIWDQ/view?usp=sharing

Si vous voulez entendre Apollinaire dire son poème :

http://french.chass.utoronto.ca/fcs195/music/Apollinaire_recite_le_pont_Mirabeau.mp3


https://www.franceculture.fr/emissions/si-ca-vous-chante/guillaume-apollinaire


173 mètres de long sur 20 de large et 15 de haut, telles sont les mensurations d’acier

du Pont Mirabeau.Trois arches pour enjamber la Seine à l’ouest de Paris, bâties à la 

toute fin du 19ème, suffisaient-elles à faire le poème du siècle dernier ?


Qu’avait donc ce jeune pont qui inspira tant Apollinaire ? Où Guillaume puisa-t-il sa 

complainte ? Dans le blason de la ville qui s’enorgueillit depuis le moyen-âge et les 

marchands de l’eau de fendre les flots sans jamais être submergé ni sans jamais 

sombrer ?   "Fluctuat nec mergitur"


Il est vrai que son refrain des jours qui passent s’écoule comme la chanson de 

toile des temps jadis. Et que le nom du fleuve, qui rime avec la peine, est 

féminin comme la mélancolie.
Avec l’onde si lasse, les rimes se dissipent et pourtant la ritournelle 

désenchantée entête. C’est pourquoi peut-être le recueil s’intitule « Alcools » :
« Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie »
A propos de ses vers, Guillaume Apollinaire confiait : « je les fais en chantant 

et je me chante souvent le peu dont je me rappelle ». Habitant à Auteuil, le 

poète arpentait souvent dans la nuit les quais de la Seine. Il buvait à pleins 

verres les étoiles !





La chanson triste de cette longue liaison brisée. Le pont est encore là, mais ni les amours, ni le poète n'ont demeuré. L'eau est passée sous le pont, indifférente.



Marie Laurencin, la jeune fiancée d'Apollinaire qu'il retrouvait sur le pont Mirabeau.








https://www.youtube.com/watch?v=zg7eMk88BC4


Le mal-aimé

En 1912, Apollinaire est un homme désespéré : Marie Laurencin, son grand amour depuis bientôt cinq ans, vient de le quitter.
Cette rupture, qui ravive le douloureux souvenir de sa première expérience amoureuse avec l'insaisissable Annie Playden, lui donne le sentiment d'être un mal-aimé.
Pour lutter contre le chagrin, Apollinaire décide de rassembler en un recueil l'ensemble des poésies qu'il compose depuis plus de quinze ans. Mais, alors qu'il en corrige les premières épreuves d'imprimerie, il est bouleversé par la modernité du nouveau poème de son ami Biaise Cendrars, LaProse du Transsibe'rien et de la petite Jehanne de France (1913). À l'instar de ce :
"Sous le pont Mirabeau coule ta Seine"
■ Guillaume Apollinaire, Alcools, « Le Pont Mirabeau », 1913.
Apollinaire supprime alors la ponctuation de son recueil dont il modifie radicalement
la composition. Alcools paraîtra en 1913.

Un chant d’amour au monde moderne
S'il s'inspire d'une large tradition poétique. Alcools s'impose surtout comme un hymne à la modernité. Apollinaire y chante les louanges du monde contemporain et vante ses innovations, tels les aéroplanes et les automobiles. Il déclare sa flamme à la tour Eiffel, symbole d'un avenir prometteur, susceptible de lui faire oublier le passé et ses déceptions amoureuses.
Par son usage original du vers libre et par ses images surprenantes. Alcools s'impose comme le manifeste de l'avant-garde poétique du début du xxe siècle.

Un poète au coeur de la Grande Guerre
Cependant, en 1914, la Première Guerre mondiale éclate. Le poète apatride - russe
d'origine polonaise, né Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky - fait une demande
de naturalisation pour être engagé sur le front. Il est affecté dans un régiment
d'artillerie mais, en 1916, il est grièvement blessé et trépané. Apollinaire ne s'en
remettra pas. En novembre 1918, après la publication de Calligrammes, le poète meurt emporté
par la grippe espagnole.
1880 / 1918

Apollinaire a d’abord pensé à intituler son recueil Eau de Vie, abandonné au bénéfice d’Alcools, au
pluriel plus inattendu.
Alcools, sources multiples poétiques dans le but de distiller le réel ?
Distiller :
1. Convertir en vapeur un liquide mêlé à un corps non volatil (qui ne s’évapore pas facilement)
afin de les séparer
2. Laisser tomber goutte à goutte, sécréter
Si ce recueil s’intitule Alcools et qu’il comporte des poèmes, chaque poème est un alcool.


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