vendredi 8 septembre 2017

Séquence 1 "A la recherche du bonheur" , texte complémentaire : De Vita beata

Séquence N°1, Texte complémentaire 

Sénèque, De Vita beata (1er siècle après J.-C.)

(Le traité La Vie heureuse s'attache à définir le bonheur selon la sagesse stoïcienne, en opposition aux doctrines chrétiennes. Sénéque fut le précepteur de l'empereur Néron. Il diffusa les doctrines stoïciennes dans des lettres, des traités, mais aussi des œuvres théâtrales montrant des personnages soumis à leurs passions.)

V.1. On peut appeler heureux (puisque je me suis mis à traiter la question abondamment) celui qui n’a ni désir ni crainte grâce à la raison ; car les pierres sont exemptes de crainte et de tristesse, les bêtes également ; on ne saurait pourtant parler de félicité chez ce qui n’a pas la notion de félicité. 2. Mets sur la même ligne les hommes que ravalent au rang des bêtes et des êtres inanimés leur intelligence et leur ignorance d’eux-mêmes. Il n’y a aucune différence entre eux et ces êtres, puisque chez ceux-ci la raison est absente, chez ceux-là elle est faussée et ingénieuse seulement à leur nuire et à les pervertir ; car personne ne peut être dit heureux s’il est chassé hors de la vérité. 3. Donc la vie heureuse a pour fondement immuable la rectitude et la fixité du jugement. Alors, en effet, l’âme est pure et affranchie de tous maux, capable d’éviter non seulement les déchirements, mais aussi les égratignures, décidée à se tenir toujours au point où elle s’est arrêtée et à défendre sa position même contre les fureurs et les assauts de la Fortune. 4. Pour ce qui est de la volupté, elle a beau se répandre partout, s’insinuer par toutes les voies, flatter l’âme de ses caresses, entasser attrait sur attrait pour séduire tout ou partie de notre moi ; qui parmi les mortels, s’il a encore quelque reste de sa nature d’être humain, voudrait être chatouillé jour et nuit et abandonner l’âme pour se consacrer au corps ? […]

VI.1. – Mais l’âme aussi, dit-on, aura ses voluptés.- Qu’elle les ait, j’y consens ; qu’elle se pose en juge des luxes et des voluptés ; qu’elle se gorge de toutes celles qui charment habituellement les sens, puis qu’elle jette un coup d’œil sur le passé et qu’au souvenir des voluptés abolies elle s’enivre des sensations éprouvées, puis qu’elle se penche déjà sur celles qui vont suivre, qu’elle bâtisse des plans, et, tandis que le corps baigne dans sa graisse présente, qu’elle porte ses pensées sur celle à venir : elle me paraîtra d’autant plus misérable ; car choisir un mal pour un bien, c’est folie. On ne peut être heureux sans saine raison, ni sain d’esprit, quand on recherche comme bonnes des choses futures. 2. Donc être heureux c’est avoir un jugement droit ; être heureux c’est se contenter de son sort présent, quel qu’il soit, et aimer ce que l’on a ; être heureux, c’est laisser à la raison le soin de donner son prix à tout ce qui constitue notre existence.

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