Question
2 (12 points)
Comparez
le statut et le rôle du comte de Chabannes dans la nouvelle de Mme
de Lafayette, Histoire de la
princesse de Montpensier et
dans le film de Bertrand Tavernier, La
Princesse de Montpensier.
Le
comte de Chabannes est le seul personnage fictif de la nouvelle de
Mme
de Lafayette,
Histoire de la princesse de Montpensier. La
libre adaptation de Bertrand Tavernier nous permet de retrouver les
mêmes caractéristiques du
personnage avec
cependant une plus grande importance, due
à son caractère fictionnel, moins rigide qu’un personnage
historique. Comment la nouvelle et le film traitent-ils le comte de
Chabannes?Si les convergences sont majoritaires, l’importance du
personnage est accentué tout au long du film et surtout dans l’avant
générique et dans l’épilogue. Chabannes
reste par certains côté un personnage complexe dont le côté
tragique n’a pas échappé aux deux créateurs.
I
Des caractéristiques similaires :
a)
un statut identique : petite noblesse. Il doit céder la
préséance aux autres personnages. La princesse de Montpensier ne
manque pas de le lui rappeler : « Elle
lui représenta en peu de mots la différence de leurs qualités et
de leur âge ». De
plus, Chabannes est « d’un âge beaucoup plus avancé »
que les amants de la princesse. Tavernier a choisi un comédien plus
âgé en la personne de Lambert Wilson qui
avait 52 ans au moment du tournage. Son statut de petite noblesse
explique son intérêt pour les travaux manuels : bouchonner un
cheval ou fourbir une arme ou bien encore cueillir des simples. Enfin
son habit noir dont il ne se départ jamais ainsi que ses propos à
la fin du film : « le bonheur est une éventualité peu
probable dans cette dure aventure qu’est la vie » en font un
personnage austère voire janséniste.
b)
Un triangle amoureux identique : la princesse de Montpensier
reste au centre de ce triangle amoureux. Aimée d’une passion
« extraordinaire » par Chabannes, elle reste à son égard
indifférente. Quand il lui avoue son amour, elle lui répond avec un
grand dédain que ce soit dans la nouvelle ou dans le film. Il va
continuer à l’aimer en silence et se condamner à une vie de
souffrance. Dans le même temps il devient son confident et
intermédiaire. Dans le livre, il transmet les lettres de Guise à la
princesse et dans le film si
cet aspect est gommé, il sert la visite nocturne du duc de Guise,
espérant peut-être quelque reconnaissance en retour.
c)
« un
esprit sage et doux ». C’est ainsi qu’il est décrit dans
la nouvelle. C’est un humaniste chez Tavernier qui raisonne sur la
nocivité de la guerre. Mais
aussi est
tout empreint de l’esprit de sacrifice. Chabannes n’hésite pas
pour sauver la princesse « par une générosité sans exemple,
[à]s’exposer pour sauver une maîtresse ingrate ». Même
action dans le film où il refuse de prendre l’épée pour se
battre contre le prince de Montpensier.
II
Une place plus importante dans le film :
a)
dans le prologue : le film s’ouvre par Chabannes à cheval en
embuscade et nous le suivons jusqu’au château de Mézières. C’est
le premier personnage du film. Alors que dans la nouvelle, Chabannes
n’est présenté qu’après le mariage de Mlle de Mézières, et
après un certains nombre d’autres personnages dont le duc de
Guise. Egalement dans le prologue, alors que la nouvelle se contente
d’un « pauvre comte de Chabannes » qui est
« massacr[é] ». Le film lui accorde une très longue
scène au cours de laquelle après s’être battu avec ardeur et
après avoir sauvé une femme enceinte, il succombe sous les coups
des assaillants.
b)
Un homme cultivé : un humaniste. Alors que Mme de Lafayette ne
précise pas quel est son rôle de précepteur, simplement qu’il
transforme la princesse en « une des personnes du monde la plus
achevée ». Le cinéaste nous montre plusieurs scènes au cours
desquelles Chabanne enseigne le latin, la poésie, l’astronomie,
les doctrines catholiques et protestantes, également à reconnaître
le chant des oiseaux ainsi que la botanique.
c)
Un ami loyal , Chabannes lors de la visite nocturne de Guise ne se
bat contre le prince de Montpensier. Dans la nouvelle, c’est parce
que le prince n’a pas d’arme mais dans le film, c’est pour ne
pas tuer le prince. Il s’offre même en victime expiatoire.
III
Un personnage complexe. C’est d’être un personnage complètement
fictif qui permet à Mme de Lafayette et à Tavernier de creuser un
peu le personnage.
a)
Un personnage tragique. La passion qu’il éprouve pour la princesse
de Montpensier que ce soit dans le film ou dans la nouvelle, le
conduit irrémédiablement à sa perte. Complice des barbaries de son
époque en y ayant participé activement, il se rachète par une mort
héroïque.
b)
Isolé des autres personnages par son refus de la violence, par son
refus d’adhérer à l’une ou l’autre religion, allant même
dénoncer le fanatisme religieux qui tue pour « le même
Dieu », Chabannes est isolé physiquement comme dans le repas
du mariage où il semble si seul chez Tavernier. Son langage et ses
réflexion montrent un esprit libre capable de prendre du recul et de
condamner ses propres actes de violence.
c)
L’ultime hommage. Il restera chez Tavernier la lettre écrite par
Chabannes lue en voix off et qui s’adresse à la princesse et qui
lui dit « où qu’[il] soi[t], [elle] l’accompagner[a] »,
et restera son « meilleur ami. » C’est d’ailleurs
pour ça que dans un ultime hommage, Tavernier emmène la princesse
sur la tombe de Chabannes un matin d’hiver.
Pour
conclure, les richesses de ce personnage qu’a su exploiter
Tavernier proviennent du caractère fictif du personnage et de
l’écriture lacunaire mais riche de questionnements de Mme
Lafayette. Il apparaît comme le pivot central du livre et du film,
celui qui fait avancer l’action et que l’on suit du début à la
fin en s’interrogeant sur les motifs de ses actions.
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