mercredi 31 octobre 2018

Littérature 2018/2019 : La Princesse de Montpensier : La guerre dans la nouvelle et le film


Question 1 (8 points)
Quelle place occupe la guerre dans les deux œuvres ?

(Comme vous l’avez très bien vu, la guerre est à la fois celle des guerres de religion, et une guerre plus symbolique celle de l’amour qui comme le dit si bien Mme de Lafayette au début de la nouvelle, « ne laissait pas » de causer beaucoup de « désordres ».)

«  Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l’amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres, et d’en causer beaucoup dans son Empire. » Dès le départ, madame de Lafayette annonce son intention de mêler amour et guerre. La nouvelle de madame de Lafayette, Histoire de la Princesse de Montpensier, et l’adaptation filmique de Bertrand Tavernier, La Princesse de Montpensier, se déroulent sous le règne de Charles IX pendant la période de guerres de religion que madame de Lafayette appelle guerre civile. Peut-on considérer la guerre sous toutes ses formes comme susceptibles d’influencer le cours du récit ? Les guerres civiles permettent de situer les événements narratifs mais elles ne sont pas qu’un cadre, elles influent sur la vie des personnages qui eux-mêmes dans les conflits amoureux peuvent devenir sujets de l’Histoire.

I La dimension historique des guerres civiles

a) Plus qu’un arrière-plan historique, les guerres civiles règlent la vie des personnages.

La guerre, ni les combats ne sont décrits dans la nouvelle, ils sont simplement mentionnés permettant le déplacement, réunion ou désunion des personnages. Dans l’adaptation cinématographique la guerre apparaît à trois reprises : à l’ouverture, puis pour décrire le duc de Guise et le prince de Montpensier au combat et enfin à la fin du film pour une scène décrivant le massacre de la Saint-Barthélémy. La première guerre de religion commence après le massacre de Wassy le 1er mars 1562 et dont est responsable François de Guise, le père du duc de Guise et se termine en 1563 par l’édit d’Amboise. Pendant cette guerre le père du duc de Guise est tué lors du siège d’Orléans par le protestant Poltrot de Méré, peut-être à l’instigation de Coligny. La nouvelle de Mme de Lafayette commence en 1563 lorsqu’à l’âge de treize ans Mlle de Mézières s’éprend du duc de Guise. Profitant de cette paix, le mariage entre Mlle de Mézières et le prince de Montpensier est conclu en 1566 dans la nouvelle. Tavernier le place beaucoup plus tard en 1568. Effectivement la deuxième guerre civile commence en septembre 1567 « automne de l’année 1567 » et se termine le 23 mars 1568 par la paix de Longjumeau. Donc pour résumer, le mariage de Mlle de Mézières a lieu en 1566 pour Madame de Lafayette et 1568 pour Bertrand Tavernier après la deuxième guerre civile. Dans les deux cas, le Prince de Montpensier ne peut rester longtemps avec son nouvelle épouse. Il doit, dans la nouvelle, devant les menaces sur Paris, exiler la princesse à Champigny. « Après deux années d’absence, la paix étant faite, le prince de Montpensier » retrouve la princesse sa femme. C’est la période choisie par Tavernier pour que Chabannes instruise la princesse. Ce sont les consignes qu’il donne à Chabannes avant de partir : « profitez-en pour l’instruire ». Chabannes étant un proscrit, et son changement de camp trop récent, il ne peut accompagner le prince de Montpensier. Vers la fin de cette période, dans le film, Chabannes quitte la princesse et part rejoindre Montpensier qui va le présenter au duc d’Anjou. Alors que dans la nouvelle, c’est après le retour de Montpensier qui profite de la paix à partir du 23 mars 1568 pour renter à Champigny. Malheureusement cette « paix ne fit que paraître » (p.47). Donc le prince de Montpensier repart à la cour, mais cette fois accompagné de Chabannes, toujours chez Lafayette. C’est la troisième guerre de religion qui commence dès septembre 1568 et se termine le 11 août 1570 par la paix de Saint-Germain. Au cours d’une trève, Montpensier et Chabannes rentrent à Champigny et y retrouvent la princesse. C’est là que se place la scène de la barque dans la nouvelle. La deuxième scène de combat au cours de laquelle Montpensier et le duc de Guise s’illustrent se place dans le film au cours de cette 3e guerre civile. Dans la nouvelle, la guerre reprend après la scène de la rivière. Alors qu’au contraire, dans le film la scène de la rivière se situe à la fin de la 3e guerre civile, après la paix de Saint-Germain le 11 août 1570. Et vers la fin du film, se situe la nuit de la Saint-Barthélémy, le24 août 1572, au cours de laquelle Chabannes est tué. Il en va de même de la nouvelle suivi de la mort de la princesse quelques jours plus tard.

b) Une dénonciation de la guerre plus subtile chez Mme de Lafayette.

la guerre demeure très abstraite dans la nouvelle. Bienséance oblige, les combats ne sont pas décrits. Ils permettent cependant aux personnages de se couvrir de gloire. Ainsi le prince de Montpensier revient « tout couvert de la gloire qu’il avait acquise au siège de Paris et à la bataille de Saint-Denis ». De même, le duc de Guise acquiert « des emplois considérables » (p.48) au cours de la troisième guerre civile. Madame de Lafayette n’emploie jamais les expressions « guerre de religion » mais préfère celle de « guerre civile ». La condamnation de cette violence s’est faite dés la première phrase : « la guerre civile déchirait la France ». Sans prendre parti, peut-être pour ne pas heurter ses contemporains, souligne cependant que la guerre permet au duc de Guise de réparer la mort de son père et d’être « joyeux de l’avoir vengée ». Mais c’est surtout le massacre de la Saint-Barthélémy qui permet à Mme de Lafayette de sortir de sa neutralité en le qualifiant d’ « horrible massacre » (p.78) et de plaindre le « pauvre comte de Chabannes » qui est massacré lors de « cette même nuit qui fut si funeste à tant de gens ». Les scènes de bataille permettent à Tavernier de dénoncer encore plus vivement cette violence par l’intermédiaire essentiellement de Chabannes. C’est en effet Chabannes après ce crime abominable qu’est le meurtre d’une femme enceinte qui décide de ne plus se battre, de devenir pacifiste. Il s’en explique à la princesse de Montpensier sur le chemin du château de Champigny : « Comment des êtres du même sang, issus de la même foi, pouvaient-ils s’entretuer au nom d’un même Dieu ? J’ai jeté les armes. » . Plus tard lors du repas à Champigny, interrogé sur son revirement, il s’explique encore, renvoyant huguenots et catholiques dos à dos : « J’avoue être sans complaisance pour le spectacle de ces batailles. Je n’y vois que le sang et l’horreur. Je n’y entends que les cris de la souffrance. » Enfin, le comte de Chabannes trouve le moyen se racheter en sauvant d’une mort certaine une femme enceinte. A cela Tavernier ajoute des scènes de bataille très confuses où l’on remarque le plaisir des protagonistes, notamment le duc de Guise, à tuer.

Cette guerre est aussi symbolique. C’est celle des cœurs, de l’apprentissage de l’amour et des rivalités mortelles.

II Une guerre symbolique 

a) L’amour est décrit comme une bataille.
Dés la première phrase de la nouvelle, la guerre et l’amour sont liés et l’un comme l’autre créent des ravages, « des désordres ». Le Duc d’Anjou parle dans son renoncement à la « conquête d’un coeur qu’un autre possède ». Le comte de Chabannes, décrit comme « doux » et « sage », s’abandonne sous l ‘effet de l’amour « à un désespoir et à une rage qui le pouss[e] mille fois à donner de son épée au travers du corps de son rival. » L ‘amour oblige à des rivalités, à des stratégies de conquête. Et également à des renoncement, à des sacrifices. Chabannes sert son rival honni auprès de la princesse dans l’espoir qu’elle se rende compte de son amour véritable. Ainsi, c’est lui qui permet au duc de Guise sa visite nocturne à la princesse de Montpensier. Le passage par le pont-levis pour entrer dans la chambre de la princesse renforce la métaphore de l’amour comme un champ de bataille.

b) L’amour crée des rivalités mortelles qui parfois vont faire l’Histoire.
Le renoncement du duc de Guise au mariage avec Marguerite, la sœur du roi, par amour pour la princesse de Montpensier, permet le mariage de Marguerite avec le futur Henri IV et la réconciliation des deux partis, huguenots et catholiques.
Le duc d’Anjou tombe amoureux de la princesse de Montpensier. Le duc de Guise essaye mais sans y parvenir de cacher la passion qu’il entretient auprès de la princesse. D’où une haine mortelle qui s’achèvera des années plus tard par l’assassinat de duc de Guise par le duc d’Anjou devenu Henri III. Lorsque le duc de Guise est humilié par le duc d’Anjou et le roi Charles IX, il décide de créer la ligue en 1576 dont il prend la tête pour s’opposer à la politique d’Henri III. C’est en cela que l’amour crée des « désordres » aussi nombreux que la guerre.

c) L’amour tue autant que la guerre.
Le comte de Chabannes meurt massacré lors de la nuit de la Saint Barthélémy. Cette mort est causée indirectement par la passion qu’il avait pour la princesse et qui l’a poussée à trahir son ami, le prince de Montpensier. De même dans la nouvelle, la princesse de Montpensier est emportée « dans la fleur de son âge » parce qu’elle a suivi sa passion. Certes, elle ne meurt pas dans le film. Mais les dernières images laissent entendre que sa fin est proche : « Comme François de Chabannes s’était retiré de la guerre, je m’étais retiré de l’amour. La vie ne serait plus pour moi que la succession des jours. Et je souhaitais qu’elle fût brève puisque les secrètes folies de la passion m’étaient devenues étrangères »

Non seulement la guerre sous toutes ses formes, c’est à dire de la bataille sanglante à la passion, crée de multiples désordres mais également sous sa forme symbolique explique une partie de l’Histoire. « la guerre civile est l’image de l’amour, comme la passion est le ressort de la guerre ».



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