Question
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Quelle
place occupe la guerre dans les deux œuvres ?
(Comme
vous l’avez très bien vu, la guerre est à la fois celle des
guerres de religion, et une guerre plus symbolique celle de l’amour
qui comme le dit si bien Mme de Lafayette au début de la nouvelle,
« ne laissait pas » de causer beaucoup de
« désordres ».)
«
Pendant que
la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX,
l’amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de
désordres, et d’en causer beaucoup dans son Empire. »
Dès
le départ, madame de Lafayette annonce son intention de mêler amour
et guerre. La nouvelle de madame de Lafayette, Histoire
de la Princesse de Montpensier,
et l’adaptation filmique de Bertrand Tavernier, La
Princesse de Montpensier,
se déroulent sous le règne de Charles IX pendant la
période de guerres de religion que madame de Lafayette appelle
guerre civile. Peut-on considérer la guerre sous toutes ses formes
comme susceptibles d’influencer le cours du récit ? Les
guerres civiles permettent de situer les événements narratifs mais
elles ne sont pas qu’un cadre, elles influent sur la vie des
personnages qui eux-mêmes dans les conflits amoureux peuvent devenir
sujets de l’Histoire.
I
La
dimension historique des guerres civiles
a)
Plus qu’un arrière-plan historique, les guerres civiles règlent
la vie des personnages.
La
guerre, ni les combats ne sont décrits dans la nouvelle, ils sont
simplement mentionnés permettant le déplacement, réunion ou
désunion des personnages.
Dans
l’adaptation cinématographique la guerre apparaît à trois
reprises :
à l’ouverture, puis pour décrire le duc de Guise et le prince de
Montpensier au combat et enfin à la fin du film pour une scène
décrivant le massacre de la Saint-Barthélémy. La
première guerre de religion commence après le massacre de Wassy le
1er
mars 1562
et
dont est responsable François de Guise, le père du duc de Guise et
se termine en 1563 par l’édit
d’Amboise. Pendant cette guerre le père du duc de Guise est tué
lors du siège d’Orléans par
le protestant Poltrot de Méré, peut-être à l’instigation
de Coligny.
La
nouvelle de Mme de Lafayette commence
en 1563 lorsqu’à l’âge de treize ans Mlle de Mézières
s’éprend du duc de Guise. Profitant
de cette paix, le mariage entre Mlle de Mézières et le prince de
Montpensier est conclu en 1566 dans la nouvelle. Tavernier le place
beaucoup plus tard en 1568. Effectivement la deuxième guerre civile
commence en septembre 1567 « automne de l’année 1567 »
et se termine le 23 mars 1568 par la paix de Longjumeau. Donc pour
résumer, le mariage de Mlle de Mézières a lieu en 1566 pour Madame
de Lafayette et 1568 pour Bertrand Tavernier après
la deuxième guerre civile.
Dans
les deux cas, le Prince de Montpensier ne peut rester longtemps avec
son nouvelle
épouse.
Il doit, dans la nouvelle, devant les menaces sur Paris, exiler la
princesse à Champigny. « Après deux années d’absence, la
paix étant faite, le prince de Montpensier » retrouve la
princesse sa femme. C’est
la période choisie par Tavernier pour que Chabannes instruise la
princesse. Ce sont les consignes qu’il donne à Chabannes avant de
partir : « profitez-en pour l’instruire ».
Chabannes étant un proscrit, et son changement de camp trop récent,
il ne peut accompagner le prince de Montpensier. Vers
la fin de cette
période, dans le film, Chabannes quitte la princesse et part
rejoindre Montpensier qui va le présenter au duc d’Anjou. Alors
que dans la nouvelle, c’est après le retour de Montpensier qui
profite de la paix à partir du 23 mars 1568 pour renter à
Champigny.
Malheureusement cette « paix ne fit que paraître »
(p.47). Donc le prince de Montpensier repart à la cour, mais cette
fois accompagné de Chabannes, toujours
chez Lafayette.
C’est la troisième guerre de religion qui commence dès septembre
1568 et
se termine le 11 août 1570 par la paix de Saint-Germain. Au
cours d’une trève, Montpensier et Chabannes rentrent à Champigny
et y retrouvent la princesse. C’est
là que se place la scène de la barque dans la nouvelle. La
deuxième scène de combat au cours de laquelle Montpensier et le duc
de Guise s’illustrent se place dans le film au cours de cette 3e
guerre civile. Dans la nouvelle, la guerre reprend après la scène
de la rivière. Alors
qu’au contraire, dans le film la scène de la rivière se situe à
la fin de la 3e
guerre civile, après la paix de Saint-Germain le 11 août 1570. Et
vers la fin du film, se situe la nuit de la Saint-Barthélémy, le24
août 1572, au cours de laquelle Chabannes est tué. Il en va de même
de la nouvelle suivi de la mort de la princesse quelques jours plus
tard.
b)
Une dénonciation de la guerre plus subtile chez Mme de Lafayette.
la
guerre demeure très abstraite dans la nouvelle. Bienséance oblige,
les combats ne sont pas décrits. Ils permettent cependant aux
personnages de se couvrir de gloire. Ainsi le prince de Montpensier
revient « tout couvert de la gloire qu’il avait acquise au
siège de Paris et à la bataille de Saint-Denis ». De même,
le duc de Guise acquiert « des emplois considérables »
(p.48) au cours de la troisième guerre civile. Madame de Lafayette
n’emploie jamais les expressions « guerre de religion »
mais préfère celle de « guerre civile ». La
condamnation de cette violence s’est faite dés la première
phrase : « la guerre civile déchirait la France ».
Sans prendre parti, peut-être pour ne pas heurter ses contemporains,
souligne cependant que la guerre permet au duc de Guise de réparer
la mort de son père et d’être « joyeux de l’avoir
vengée ». Mais c’est surtout le massacre de la
Saint-Barthélémy qui permet à Mme de Lafayette de sortir de sa
neutralité en le qualifiant d’ « horrible massacre »
(p.78) et de plaindre le « pauvre comte de Chabannes »
qui est massacré lors de « cette même nuit qui fut si funeste
à tant de gens ». Les scènes de bataille permettent à
Tavernier de dénoncer encore plus vivement cette violence par
l’intermédiaire essentiellement de Chabannes. C’est en effet
Chabannes après ce crime abominable qu’est le meurtre d’une
femme enceinte qui décide de ne plus se battre, de devenir
pacifiste. Il s’en explique à la princesse de Montpensier sur le
chemin du château de Champigny : « Comment des êtres du
même sang, issus de la même foi, pouvaient-ils s’entretuer au nom
d’un même Dieu ? J’ai jeté les armes. » . Plus tard
lors du repas à Champigny, interrogé sur son revirement, il
s’explique encore, renvoyant huguenots et catholiques dos à dos :
« J’avoue être sans complaisance pour le spectacle de ces
batailles. Je n’y vois que le sang et l’horreur. Je n’y entends
que les cris de la souffrance. » Enfin, le comte de Chabannes
trouve le moyen se racheter en sauvant d’une mort certaine une
femme enceinte. A cela Tavernier ajoute des scènes de bataille très
confuses où l’on remarque le plaisir des protagonistes, notamment
le duc de Guise, à tuer.
Cette
guerre est aussi symbolique. C’est celle des cœurs, de
l’apprentissage de l’amour et des rivalités mortelles.
II
Une guerre symbolique
a)
L’amour est décrit comme une bataille.
Dés
la première phrase de la nouvelle, la guerre et l’amour sont liés
et l’un comme l’autre créent des ravages, « des
désordres ». Le Duc d’Anjou parle dans son renoncement à la
« conquête d’un coeur qu’un autre possède ». Le
comte de Chabannes, décrit comme « doux » et « sage »,
s’abandonne sous l ‘effet de l’amour « à un
désespoir et à une rage qui le pouss[e]
mille fois à donner de son épée au travers du corps de son
rival. » L ‘amour oblige à des rivalités, à des
stratégies de conquête. Et également à des renoncement, à des
sacrifices. Chabannes sert son rival honni auprès de la princesse
dans l’espoir qu’elle se rende compte de son amour véritable.
Ainsi, c’est lui qui permet au duc de Guise sa visite nocturne à
la princesse de Montpensier. Le passage par le pont-levis pour entrer
dans la chambre de la princesse renforce la métaphore de l’amour
comme un champ de bataille.
b)
L’amour crée des rivalités mortelles qui parfois vont faire
l’Histoire.
Le
renoncement du duc de Guise au mariage avec Marguerite, la sœur du
roi, par amour pour la princesse de Montpensier, permet le mariage de
Marguerite avec le futur Henri IV et la réconciliation des deux
partis, huguenots et catholiques.
Le
duc d’Anjou tombe amoureux de la princesse de Montpensier. Le duc
de Guise essaye mais sans y parvenir de cacher la passion qu’il
entretient auprès de la princesse. D’où une haine mortelle qui
s’achèvera des années plus tard par l’assassinat de duc de
Guise par le duc d’Anjou devenu Henri III. Lorsque le duc de Guise
est humilié par le duc d’Anjou et le roi Charles IX, il décide de
créer la ligue en 1576 dont il prend la tête pour s’opposer à la
politique d’Henri III. C’est en cela que l’amour crée des
« désordres » aussi nombreux que la guerre.
c)
L’amour tue autant que la guerre.
Le
comte de Chabannes meurt massacré lors de la nuit de la Saint
Barthélémy. Cette mort est causée indirectement par la passion
qu’il avait pour la princesse et qui l’a poussée à trahir son
ami, le prince de Montpensier. De même dans la nouvelle, la
princesse de Montpensier est emportée « dans la fleur de
son âge » parce qu’elle a suivi sa passion. Certes, elle ne
meurt pas dans le film. Mais les dernières images laissent entendre
que sa fin est proche : « Comme François de Chabannes
s’était retiré de la guerre, je m’étais retiré de l’amour.
La vie ne serait plus pour moi que la succession des jours. Et je
souhaitais qu’elle fût brève puisque les secrètes folies de la
passion m’étaient devenues étrangères »
Non
seulement la guerre sous toutes ses formes, c’est à dire de la
bataille sanglante à la passion, crée de multiples désordres mais
également sous sa forme symbolique explique une partie de
l’Histoire. « la guerre civile est l’image de l’amour,
comme la passion est le ressort de la guerre ».
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