samedi 16 février 2019

4e séquence : Giono, Un roi sans divertissement. Texte 3 : La mort du loup


4e séquence : Œuvre intégrale : Jean Giono, Un Roi sans divertissement (1947).

                               3e texte : la mort du loup, pp.141-144

  Les foulées, naturellement toujours d'une fraîcheur exquise et si claires que tout le monde les voit, ne dénotent aucune inquiétude. Elles sont franches et sans retour. Peut-être que le Monsieur joue au plus fin ? Tout le monde y joue : Dieu lui-même. Mais le Monsieur y joue avec un sacré estomac. Qu'est-ce qu'il espère ? Qu'une porte de sortie s'ouvrira dans le mur ? A point nommé ? Et, dites donc, est-ce qu'il ne serait pas beaucoup plus instruit que nous ? Est-ce que nous ne serions pas les dindons de la farce, nous autres, dans cette histoire, avec nos cors et nos fanfreluches ? Et nos pas pelus et (pour nous on peut le dire) notre angoisse ?
  Est-ce que, par hasard, le Monsieur n'attendrait pas tout simplement la mort que nous lui apportons sur un plateau ? Ça, comme porte, vous avouerez que ça serait même un portail, un arc de triomphe ! Et ça expliquerait pourquoi, d'après les foulées que nous suivons, il est allé tout simplement se placer de lui-même au pied du mur, sans esquiver, ni de droite ni de gauche. Que ce soit ce que ça voudra, nous avançons. Et brusquement nous dépassons les derniers taillis. nous sommes devant cette aire nue qui va jusqu'au pied du mur.
   D'abord, nous ne voyons rien. Langlois, en trois pas rapides, s'est mis devant nous. De ses bras étendus en croix et qu'il agite lentement de haut en bas comme des ailes qu'il essaie, il nous fait signe : stop et, tranquille !
Nous entendons craquer les pantalons des porteurs de torches qui traversent les taillis derrière nous. La lumière monte. Nous entendons crisser derrière nous, dans les taillis, les grosses ouatines de la capitaine et de Saucisse.
Le voilà, là-bas ! Nous le voyons ! Il est bien à l'endroit où je craignais qu'il soit. A l'endroit vers lequel, depuis ce matin, à grand renfort de fanfares, de télégraphes et de cérémonies, nous nous sommes efforcés de le pousser.
Eh bien, il y est. Et, si c'était un endroit qu' il ait choisi lui-même, il n'y serait pas plus tranquille.
Il est couché dans cet abri que l'aplomb même du mur fait à sa base. Il nous regarde. Il cligne des yeux à cause des torches ; et, tout ce qu' il fait, c'est de coucher deux ou trois fois ses longues oreilles.
Sans Langlois, quel beau massacre ! Au risque de nous fusiller les uns les autres. Au risque même, au milieu de la confusion des cris, des coups, des fumées et (nous nous serions certainement rués sur lui de toutes nos forces) des couillonnades, au risque même de lui permettre le saut de carpe qui l'aurait fait retomber dans les vertes forêts.
Paix ! dit Langlois.
Et il resta devant nous, bras étendus, comme s'il planait.
Oh ! Paix ! Pendant que recommence à voltiger le va-et-vient des torches-colombes.
Langlois s'avance. Nous n'avons pas envie de le suivre. Langlois s'avance pas à pas.
Au milieu de cette paix qui nous a brusquement endormis, un fait nous éclaire sur l'importance de ce petit moment pendant lequel Langlois s'avance lentement pas à pas : c'est la légèreté aéronautique avec laquelle le fameux procureur royal fait traverser nos rangs à son ventre.
   Nous voyons aussi que, devant les pattes croisées du loup, il y a le chien de Curnier, couché, mort, et que la neige est pleine de sang.
Il s'en est passé des choses pendant le silence !
Langlois s'avance ; le loup se dresse sur ses pattes. Ils sont face à face à cinq pas. Paix !
Le loup regarde le sang du chien sur la neige. Il a l'air aussi endormi que nous.
Langlois lui tira deux coups de pistolet dans le ventre ; des deux mains ; en même temps.
Ainsi donc, tout ça, pour en arriver encore une fois à ces deux coups de pistolet tirés à la diable, après un petit conciliabule muet entre l'expéditeur et l'encaisseur de mort subite !


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Introduction Texte 3 : La mort du loup

Giono, au sortir de la guerre, écrit Un roi sans divertissement du 1er septembre au 10 octobre 1946. Ce roman qui se situe à Saint-Baudille, dans une région montagneuse, est une espèce d’enquête d’un narrateur sur un fait divers intervenu dans les années1843 à 1846. Une série de meurtres résolue quant à l’identité de l’assassin par Frédéric II et qui se termine par l’exécution de M.V. de deux balles dans le ventre tirées par le capitaine de gendarmerie, Langlois. L’extrait que nous étudions se situe à la fin de la deuxième partie. Un énorme loup sème la terreur chez les habitants de Saint-Baudille. C’est l’occasion pour Langlois de revenir au village comme commandant de Louveterie et d’organiser une battue avec quatre-vingt-trois villageois. Le loup finit par se retrouver acculé au fond de Chalamont, c’est l’hiver 1846. Un des villageois, raconte la derniers moments de la battue et l’exécution du loup. En quoi cette fin de battue s’inscrit-elle parfaitement dans l’économie du roman ? Nous verrons un récit d’une battue face à un loup qui remet en question la définition de l’humanité et qui se clôt par une exécution ritualisée.

I Un récit d’une battue
a) un langage oral :
Le narrateur est un villageois qui nous propose un récit marqué par l'oralité, ce qui nous le rend à la fois accessible, familier et vivant. On notera par exemple l'emploi d'une série de questions/réponses Ou encore des reprises anaphoriques propres à la langue orale « Est ce que nous ne serions pas les dindons de la farce, nous autres », des expressions familières comme « Ça, comme porte, vous avouerez ..., Il s'en est passé des choses pendant le silence; des couillonnades. » Ou encore des interjections ou des exclamatives qui ponctuent certains moments forts du récit : « Le voilà, là-bas ! Nous le voyons ! l.49-50; Sans Langlois, quel beau massacre ! l.60; Oh ! Paix, » ; « Ainsi donc, […] encaisseur de mort subite ! ».
Ici, cette oralité porte la marque du parler relâché ou plus imagé de la campagne, comme en témoignent certaines expressions savoureuses : « un sacré estomac, » ; « les dindons de la farce, » ; « des couillonnades, »; le saut de carpe »; « l'encaisseur de mort subite, »
Le narrateur manie l'humour et à l'occasion le jeu de mots : « Ça, comme porte, vous avouerez que ce serait même un portail, un arc de triomphe ! » et sait camper avec art le grotesque d'une certaine humanité, qui détonne avec la noblesse du loup et la solennité du moment. Il saisit le détail pittoresque : « Nous autres, dans cette histoire, avec nos corps et nos fanfreluches, » ; « nous entendons crisser derrière nous, dans les taillis, les grosses ouatines de la capitaine et de Saucisse, » ; « A l'endroit vers lequel, depuis ce matin, à grand renfort de fanfares, de télégraphes et de cérémonies, nous nous sommes efforcés de le pousser » poussant la stylisation jusqu'à la caricature : « c'est la légèreté aéronautique à laquelle le fameux procureur royal fait traverser nos rangs à son ventre » (son ventre >
métonymie).
b) un récit limité par une vision interne :
Le récit de la battue est mené à la première personne, par un narrateur unique, participant à la battue, ce qui permet déjà une facile plongée dans le cœur de l'action mais aussi dans la psychologie des personnages puisque le narrateur commente fréquemment ce qu'il voit. La focalisation interne nous montre l'avancée progressive des hommes vers le loup puis quasiment l'arrêt sur image lors de la mort du loup.
-- Ensuite, l'action est constamment retardée, notamment la découverte ultime du loup, soit par des descriptions soit par des commentaires du narrateur. Et même quand elle avance, elle le fait en différant les informations, maintenant constamment le lecteur dans une espèce de frustration: d'abord les hommes sont dans le noir : nous ne voyons rien; ensuite on nous parle de ce qu'ils entendent (grand chose, ou de la lumière qui se fait (mais pour ne rien dévoiler au lecteur ! ); enfin le narrateur voit le loup mais le lecteur non; ce n'est qu'à la fin qu'une description du loup est ébauchée, avec une certaine parcimonie de détails quand même (trois lignes seulement).
Au moment du face à face ultime, là encore le temps s'étire : sur les 15 dernières lignes, le narrateur se contente de répéter trois fois la même chose (Langlois s'avance, ; Langlois s'avance pas à pas,; Langlois s'avance lentement pas à pas, ); s'il y a bien une gradation (on passe d'un GN de 4 syllabes > 7 syllabes> 10 syllabes), elle l'est d'un point de vue formel mais pas au niveau du contenu !
-- Enfin, comme dans une nouvelle à chute, la mise à mort expéditive du loup arrive sans que rien ne nous y ait préparé.
De plus, l'action est rendue plus concrète par l'utilisation du présent de l'indicatif (à la fois présent d'énonciation et présent de narration).
II Un loup qui interroge sur la définition d’humanité
a) un loup humanisé voire royalisé :
Le loup comme figure de l’âme humaine, métaphore souvent reprise (La Fontaine, Vigny,… + cf. homo homini lupus ? …)
La grandeur du loup a été aussi soulignée par le substantif Monsieur, (Monsieur : une figure du roi (cf. le duc d’Orléans, frère de Louis XIV, appelé « Monsieur »),employé plusieurs fois et souligné par l'emploi des italiques et son caractère est magnifié avec son courage (« sacré estomac »), sa ruse (« joue au plus fin »)…:, lui est élégant, jusque dans le pas : « les foulées [...] aucune inquiétude »
  • (Même portrait chez Vigny : la battue dans les bois (« nous »), lucidité, chien égorgé, sang qui se répand, silence, le dernier regard qui apporte une connivence avec le chasseur (« je »), la « stoïque fierté » comme leçon de vie (et non le goût du sang et son esthétisme !)
  • Les villageois par contre sont animalisés, ils sont gauches et veules
b) des villageois animalisés voire grotesques ( camenbert)
Parallèlement, de façon à ménager la tension du récit et l'attention du lecteur jusqu'au bout, Giono se sert habilement de la personnalité du narrateur pour injecter ds le récit des touches de légèreté, de comique ou de grotesque.

Les villageois ne sont jamais individualisés mais désignés par le pluriel (nous); ce qui les caractérise c'est le plus souvent la maladresse, la gaucherie, la stupidité. Sans Langlois, quel beau massacre ! [...] vertes forêts, l. 60-65. C'est une pauvre humanité ridicule et pitoyable, surtout comparée à la personnalité courageuse et altière du loup. On a l'impression d'assister à une parodie de chasse à cour ou d'épopée
La description des villageois par l’un des leur : « dindons de la farce », « pas pelus »,
c) La dignité de Langlois s’oppose à l’animalité des villageois :
La battue est l'occasion pour tous les participants de laisser s'exprimer leurs instincts sadiques.
D'abord ceux générés par le groupe. On voit bien dans tout le passage l'excitation provoquée par la chasse (le grand nombre de phrases exclamatives en témoigne). A plusieurs reprises, Langlois tente de canaliser l'impatience des hommes : « stop et, tranquille ! » ; « -Paix ! dit Langlois ». Le groupe se comporte de manière animale et c'est comme on s'adresse à des animaux (impératifs, phrases nominales) que Langlois leur parle.
Le narrateur est d'ailleurs capable de reconnaître rétrospectivement que « Sans Langlois, quel beau massacre ! ».
Les instincts sadiques du groupe veulent s'exprimer dans la confusion des cris, des coups, des fumées (énumération qui marque l'agitation). Pour eux, la mise à mort de la bête parachève et justifie la battue. Elle en est le point culminant et la jouissance extrême.
En revanche, Langlois ne réagit pas de la même façon : il est tout en contrôle de la situation et en maîtrise de lui-même (cf extrême lenteur de ses déplacements + position de chef incontesté au sein de la troupe villageoise). Et paradoxalement, son plaisir sadique ne semble pas s'exprimer dans la mise à mort du loup. En effet, il expédie cette mort, au grand désespoir des villageois. On dirait justement qu'il essaie d'éviter au loup à la fois les souffrances d'une mort barbare et une mort indigne d'un être d'exception comme lui. Il a reconnu dans le loup du courage, de la dignité, de la noblesse (c'est un roi, comme lui) et il ne veut pas le laisser en pâture aux villageois. C'est peut-être pour cela qu'il tire deux fois, pour être certain que le loup est mort et qu'il ne peut plus souffrir.
Chez Langlois (comme chez M.V certainement), le plaisir sadique est en amont, dans la chasse et dans la quête ; vraisemblablement pas dans l'accomplissement du meurtre proprement dit. Et s'il y a plaisir de tuer, il vient de la contemplation esthétique du sang sur la neige. Le loup et Langlois partagent d'ailleurs ce même plaisir puisque Le loup regarde le sang du chien sur la neige.
III Une exécution ritualisée
a) le sacré à l’œuvre :
Une consécration solennelle. La « muraille à pic » est comme un mur de scène, les couleurs (rouge, blanc, les lumières qui montent…), le cortège et le silence rappellent une cérémonie religieuse : un divertissement, comme la messe de minuit. Atmosphère de rêve éveillé rompue par les coups de feu > retour au récit. Le mot « paix » est repris plusieurs fois, d'abord dans la bouche de Langlois, de manière ambiguë d'ailleurs (-Paix ! Dit Langlois, > cela peut vouloir aussi dire “Taisez-vous !”), ensuite dans la bouche du narrateur, avec une acception plus religieuse cette fois (Oh ! Paix ! Pendant que recommence à voltiger le va-et-vient des torches colombes » puis encore une fois dans la narration qq lignes plus loin (Au milieu de cette paix, l.74). Le mot revient encore sous la forme discursive ss qu'on sache véritablement qui le prononce.
Cette répétition du mot « paix », essentiellement sous forme discursive, fait penser à une litanie incantatoire lors d'un rituel ou sacrifice expiatoire.
Ensuite, le temps est extrêmement dilaté dans les derniers moments, comme nous l'avons vu en I.b). Et les mouvements des participants sont d'une extrême lenteur, légèreté ou poésie : qu'il agite lentement de haut en bas » ; « voltiger » ; « s'avance pas à pas » ; « la légèreté aéronautique » et paradoxale du gros procureur, Les bruits évoqués sont ténus ou étouffés : un bruit d'ailes l.6 ; craquer, l.44 ; crisser, l46. Ensuite, l'accent est mis sur la pureté et la lumière qui tranchent avec l'obscurité environnante : la neige, l.3 ; des colombes, l.7 ; les foulées d'une fraîcheur exquise et si claires, l.13-14 ; l'évocation de torches à de nombreuses reprises.
Cette dualité ombre-lumière peut renvoyer à l'opposition classique Bien-Mal (Langlois ne tire-t-il pas d'ailleurs à la diable »?) les colombes + la position christique de Langlois et même du loup : de ses bras étendus en croix » ( < Langlois) ; « devant les pattes croisées du loup, ».
A noter que s'y interfèrent aussi des évocations moins « catholiques », liées à la religion aztèque (Langlois représenté dans la figure habituelle du grand-prêtre ordonnateur, sous la forme d'un homme-oiseau ; le sacrifice du loup > sacrifices humains).
b) Une tragédie antique :
Bien sûr, comme dans une tragédie, la mort est présente. Contrairement à la tragédie classique, elle est « représentée » puisque le récit nous rapporte qu' il y a le chien de Cunier, mort, et que la neige est pleine de sang, l.81-82 ; et plus loin que Langlois tire … deux coups de pistolet dans le ventre du loup (l. 88). Pour autant, elle est pour ainsi dire escamotée
car rien ne nous est vraiment décrit, le loup encore moins que le reste. (Langlois lui tira deux coups de pistolet dans le ventre, l. 88-89 > le loup est en position d'objet et « disparaît » grammaticalement de la phrase ). Comme dans la plus classique des tragédies où la mort ne doit pas être représentée sur scène ?
Ensuite, le lieu fait penser à une scène de théâtre de par son aspect clos (au fond de Chalamont, l.1; cette aire nue qui va jusqu'au pied du mur, l.37-38).
Les villageois sont à la fois dans la position du choeur antique (ils sont toujours désignés par le pluriel nous) et dans celle des spectateurs : à partir du moment où ils voient enfin le loup, ils ne bougent plus (Langlois s'avance. Nous n'avons pas envie de le suivre, l.72-73). L'accent est mis sur leur position contemplative : D'abord nous ne voyons rien,
l.39; Nous le voyons ! l.59; Nous voyons aussi que, l.80 (répétition du même verbe, voir)
Le face à face entre le loup et Langlois fait penser à un duel tragique : silence, comme déjà évoqué, + attitude du loup.
Il est digne, se tient couché (l.56) mais sans avilissement; il accepte au contraire son sort avec fatalité, dignité (les pattes croisées, l.80) et courage (Il nous regarde, l.57).
c) La répétition des motifs :
la poursuite du loup // celle de M.V. par Frédéric II : les traces dans la neige, « aucune inquiétude »,
Les deux coups de pistolet tirés à la diable :
La mort du loup est construite comme la répétition de la mort de M.V : dans les deux cas,
-la narration consacre une grande part à la traque (M.V > Frédéric le suit sur dix pages; puis c'est au tour de Langlois et de ses hommes sur dix pages encore. Ici l'épisode proprement dit de la battue au loup dure quarante pages);
-Langlois s'empare des derniers instants et effectue la mise à mort pendant que le reste du groupe assiste en spectateur;
-la mort est précédée d'un face à face silencieux (M.V > ils eurent l'air de se mettre d'accord [...] sans paroles, l.p.85 //
loup > Il s'en est passé des choses pendant le silence !, l.83)
- l'exécution est rigoureusement identique; Giono emploie exactement les mêmes mots et le même temps (passé simple, alors que le récit de la mort du loup est, à cette exception près, uniquement au présent ) : M.V> Langlois lui avait tiré deux coups de pistolet dans le ventre; des deux deux mains, en même temps, p.86; loup > Langlois lui tira deux coups de pistolet dans le ventre; des deux mains, en même temps, l.88-89. Le narrateur le souligne d'ailleurs avec dépit, l.90- 93.
Permanence des instincts meurtriers qui s'expriment de la même façon. On peut en conclure que le destin bégaie et enchaîne l'homme dans un processus de répétition névrotique (ou pathologique).
Le « petit conciliabule muet » comme celui de M.V. et Langlois : la confrontation à la mort, et stt la connivence des deux êtres autour du sang sur la neige.
d) un divertissement :
violence de tous prise en charge par Langlois (pour combler son ennui, n’a-t-il pas organisé dans ce but toute cette battue ?). Le sang du chien est le divertissement du loup, celui du loup est le divertissement de Langlois… la logique nous permet d’attendre la mort de Langlois.
  • l’attente de la mort, la mort comme porte de sortie et même « arc de triomphe »…
  • la mort du chien de Curnier : le motif du sang sur la neige, le plaisir du loup.
Tous les participants partagent pourtant le même plaisir : celui d'assister à un divertissement.
Notion à prendre dans toute sa globalité puisque cette battue est d'abord un amusement (on ne reviendra pas sur le caractère comique de certains passages). C'est ensuite un spectacle et une cérémonie (les femmes ont revêtu des tenues très particulières, qui n'ont rien à voir avec une tenue de chasse. Elle se sont faites belles comme pour une sortie exceptionnelle). Là encore, on ne développe pas ; ça a déjà été vu en II..
De plus, tous les participants (loup compris) tombent dans une espèce de sommeil hypnotique provenant de la fascination déjà évoquée de la beauté du sang sur la neige : au milieu de cette paix qui nous a brusquement endormis » ; Le loup regarde le sang du chien sur la neige. Il a l'air aussi endormi que nous, l.86-87.
Ils sont véritablement « happés » par le spectacle qui les fait « sortir » de l'état de conscience et d'eux-mêmes, en quelque sorte. C'est un divertissement au sens gionien et pascalien du terme.
La mise à mort du loup est un acte de substitution qui « détourne » les instincts meurtriers des hommes : ils tuent ici le loup pour ne pas tuer d'autres hommes (comme M.V et Langlois l'ont fait) ou pour ne pas se tuer eux-mêmes (comme Langlois le fera). On peut dire aussi que qu'elle a un effet cathartique.
En profiter pour rappeler la différence de la notion de divertissement chez Pascal et Giono : Pascal est un philosophe chrétien pour lequel se divertir est une erreur (il ne faut pas se « voiler la face » mais se tourner vers Dieu).

Conclusion :
Cette battue au loup qui se termine par son exécution est remarquable par l’utilisation d’un narrateur-témoin, qui raconte ce qu’il voit. Sa vision limitée si elle crée un suspens et un dynamisme ne permet pas au lecteur de comprendre parfaitement la situation. Nous pensons à Fabrice del Dongo à la bataille de Waterloo dans La Chartreuse de Parme qui bien qu’au coeur de la bataille, ne voit rien et ne comprend rien. Giono se refuse à l'emploi de narrateurs trop savants, trop intelligents ou simplement omniscients pour laisser au lecteur sa liberté d'interprétation. C'est la lecture qui crée le sens et non le récit. Deuxième idée, la battue au loup permet à Langlois de canaliser la violence des villageois en leur offrant un divertissement. Un divertissement utile cependant puisqu’il débarrasse le village d’une menace.

I Un récit d’une battue
a) un langage oral 
b) un récit limité par une vision interne 

II Un loup qui interroge sur la définition d’humanité
a) un loup humanisé :
b) des villageois animalisés voire grotesques ( camenbert)
c) La dignité de Langlois s’oppose à l’animalité des villageois :

III Une exécution ritualisée
a) le sacré à l’œuvr
b) Une tragédie antique 
c) La répétition des motifs 

d) un divertissement 

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