4e
séquence : Œuvre intégrale : Jean Giono, Un
Roi sans divertissement (1947).
3e texte : la mort du loup, pp.141-144
Les
foulées, naturellement toujours d'une fraîcheur exquise et si
claires que tout le monde les voit, ne dénotent aucune inquiétude.
Elles sont franches et sans retour. Peut-être que le Monsieur
joue au plus fin
? Tout le monde y joue : Dieu lui-même. Mais le Monsieur
y joue avec un
sacré estomac. Qu'est-ce qu'il espère ? Qu'une porte de sortie
s'ouvrira dans le mur ? A point nommé ? Et, dites donc, est-ce qu'il
ne serait pas beaucoup plus instruit que nous ? Est-ce que nous ne
serions pas les dindons de la farce, nous autres, dans cette
histoire, avec nos cors et nos fanfreluches ? Et nos pas pelus et
(pour nous on peut le dire) notre angoisse ?
Est-ce
que, par hasard, le Monsieur n'attendrait pas tout simplement
la mort que nous lui apportons sur un plateau ? Ça, comme porte,
vous avouerez que ça serait même un portail, un arc de triomphe !
Et ça expliquerait pourquoi, d'après les foulées que nous suivons,
il est allé tout simplement se placer de lui-même au pied du mur,
sans esquiver, ni de droite ni de gauche. Que ce soit ce que ça
voudra, nous avançons. Et brusquement nous dépassons les derniers
taillis. nous sommes devant cette aire nue qui va jusqu'au pied du
mur.
D'abord,
nous ne voyons rien. Langlois, en trois pas rapides, s'est mis devant
nous. De ses bras étendus en croix et qu'il agite lentement de haut
en bas comme des ailes qu'il essaie, il nous fait signe : stop et,
tranquille !
Nous
entendons craquer les pantalons des porteurs de torches qui
traversent les taillis derrière nous. La lumière monte. Nous
entendons crisser derrière nous, dans les taillis, les grosses
ouatines de la capitaine et de Saucisse.
Le
voilà, là-bas ! Nous le voyons ! Il est bien à l'endroit où je
craignais qu'il soit. A l'endroit vers lequel, depuis ce matin, à
grand renfort de fanfares, de télégraphes et de cérémonies, nous
nous sommes efforcés de le pousser.
Eh
bien, il y est. Et, si c'était un endroit qu' il ait choisi
lui-même, il n'y serait pas plus tranquille.
Il
est couché dans cet abri que l'aplomb même du mur fait à sa base.
Il nous regarde. Il cligne des yeux à cause des torches ; et, tout
ce qu' il fait, c'est de coucher deux ou trois fois ses longues
oreilles.
Sans
Langlois, quel beau massacre ! Au risque de nous fusiller les uns les
autres. Au risque même, au milieu de la confusion des cris, des
coups, des fumées et (nous nous serions certainement rués sur lui
de toutes nos forces) des couillonnades, au risque même de lui
permettre le saut de carpe qui l'aurait fait retomber dans les vertes
forêts.
— Paix
! dit Langlois.
Et
il resta devant nous, bras étendus, comme s'il planait.
Oh
! Paix ! Pendant que recommence à voltiger le va-et-vient des
torches-colombes.
Langlois
s'avance. Nous n'avons pas envie de le suivre. Langlois s'avance pas
à pas.
Au
milieu de cette paix qui nous a brusquement endormis, un fait nous
éclaire sur l'importance de ce petit moment pendant lequel Langlois
s'avance lentement pas à pas : c'est la légèreté aéronautique
avec laquelle le fameux procureur royal fait traverser nos rangs à
son ventre.
Nous
voyons aussi que, devant les pattes croisées du loup, il y a le
chien de Curnier, couché, mort, et que la neige est pleine de sang.
Il
s'en est passé des choses pendant le silence !
Langlois
s'avance ; le loup se dresse sur ses pattes. Ils sont face à face à
cinq pas. Paix !
Le
loup regarde le sang du chien sur la neige. Il a l'air aussi endormi
que nous.
Langlois
lui tira deux coups de pistolet dans le ventre ; des deux mains ; en
même temps.
Ainsi
donc, tout ça, pour en arriver encore une fois à ces deux coups de
pistolet tirés à la diable, après un petit conciliabule muet entre
l'expéditeur et l'encaisseur de mort subite !
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Introduction Texte 3 :
La mort du loup
Giono, au sortir de la
guerre, écrit Un roi sans divertissement
du 1er
septembre au 10 octobre 1946. Ce roman qui se situe à
Saint-Baudille, dans une région montagneuse, est une espèce
d’enquête d’un narrateur sur un fait divers intervenu dans les
années1843 à 1846. Une série de meurtres résolue quant à
l’identité de l’assassin par Frédéric II et qui se termine par
l’exécution de M.V. de deux balles dans le ventre tirées par le
capitaine de gendarmerie, Langlois. L’extrait
que nous étudions se situe à la fin de la deuxième partie. Un
énorme loup sème la terreur chez les habitants de Saint-Baudille.
C’est l’occasion pour Langlois de revenir au village comme
commandant de Louveterie et d’organiser une battue avec
quatre-vingt-trois villageois. Le loup finit par se retrouver acculé
au fond de Chalamont, c’est l’hiver 1846. Un des villageois,
raconte la derniers moments de la battue et l’exécution du loup.
En
quoi cette fin de battue s’inscrit-elle parfaitement dans
l’économie du roman ? Nous
verrons un récit d’une battue face à un loup qui remet en
question la définition de l’humanité et qui se clôt par une
exécution ritualisée.
I Un récit d’une battue
a)
un langage oral :
Le
narrateur est un villageois qui nous propose un récit marqué par
l'oralité, ce qui nous le rend à la fois accessible,
familier et vivant. On notera par exemple l'emploi d'une série de
questions/réponses Ou encore des reprises anaphoriques propres à
la langue orale « Est
ce que nous ne serions pas les dindons de la farce, nous autres »,
des expressions familières comme « Ça,
comme porte, vous avouerez ..., Il s'en est passé des choses pendant
le silence; des couillonnades. »
Ou encore des interjections ou des exclamatives qui ponctuent
certains moments forts du récit : « Le
voilà, là-bas ! Nous le voyons ! l.49-50;
Sans Langlois, quel beau
massacre ! l.60; Oh
! Paix, » ; « Ainsi
donc, […] encaisseur de mort subite ! ».
Ici,
cette oralité porte la marque du parler relâché ou plus imagé de
la campagne, comme en témoignent certaines expressions savoureuses :
« un sacré estomac, »
; « les dindons de la
farce, » ; « des
couillonnades, »; le
saut de carpe »;
« l'encaisseur de mort
subite, »
Le
narrateur manie l'humour et à l'occasion le jeu de mots : « Ça,
comme porte, vous avouerez que ce serait même un portail, un arc de
triomphe ! » et sait camper avec art le grotesque d'une
certaine humanité, qui détonne avec la noblesse du loup et la
solennité du moment. Il saisit le détail pittoresque : « Nous
autres, dans cette histoire, avec nos corps et nos fanfreluches, »
; « nous entendons crisser derrière nous, dans les taillis,
les grosses ouatines de la capitaine et de Saucisse, » ;
« A l'endroit vers lequel, depuis ce matin, à grand renfort
de fanfares, de télégraphes et de cérémonies, nous nous sommes
efforcés de le pousser » poussant la stylisation jusqu'à
la caricature : « c'est la légèreté aéronautique à
laquelle le fameux procureur royal fait traverser nos rangs à son
ventre » (son ventre >
métonymie).
b)
un
récit limité par une vision
interne :
Le
récit de la battue est mené à la première personne, par un
narrateur unique, participant à la battue, ce qui permet déjà une
facile plongée dans le cœur de l'action mais
aussi dans
la psychologie des personnages puisque le narrateur commente
fréquemment ce qu'il
voit. La
focalisation interne nous montre l'avancée progressive des hommes
vers le loup puis quasiment l'arrêt sur image lors de
la mort du loup.
--
Ensuite, l'action est constamment retardée, notamment la découverte
ultime du loup, soit par des descriptions soit par des commentaires
du narrateur. Et même quand elle avance, elle le fait en différant
les informations, maintenant constamment le lecteur dans une espèce
de frustration: d'abord les hommes sont dans le noir : nous
ne voyons rien; ensuite on nous parle de ce qu'ils entendent
(grand chose, ou de la lumière qui se fait (mais pour ne rien
dévoiler au lecteur ! ); enfin le narrateur voit le loup mais le
lecteur non; ce n'est qu'à la fin qu'une description du loup est
ébauchée, avec une certaine parcimonie de détails quand même
(trois lignes seulement).
Au
moment du face à face ultime, là encore le temps s'étire : sur les
15 dernières lignes, le narrateur se contente de répéter trois
fois la même chose (Langlois s'avance, ; Langlois s'avance
pas à pas,; Langlois s'avance lentement pas à pas, );
s'il y a bien une gradation (on passe d'un GN de 4 syllabes > 7
syllabes> 10 syllabes), elle l'est d'un point de vue formel mais
pas au niveau du contenu !
--
Enfin, comme dans une nouvelle à chute, la mise à mort expéditive
du loup arrive sans que rien ne nous y ait préparé.
De
plus, l'action est rendue plus concrète par l'utilisation du présent
de l'indicatif (à la fois présent d'énonciation et présent de
narration).
II Un loup qui interroge sur
la définition d’humanité
a) un loup humanisé voire
royalisé :
Le
loup comme figure de l’âme humaine, métaphore souvent reprise (La
Fontaine, Vigny,… + cf. homo homini lupus ? …)
La
grandeur du loup a
été aussi soulignée par le substantif
Monsieur,
(Monsieur :
une figure du roi (cf. le duc d’Orléans, frère de Louis XIV,
appelé « Monsieur »),employé
plusieurs fois et souligné par l'emploi des italiques et
son caractère est magnifié
avec son courage (« sacré estomac »), sa ruse (« joue
au plus fin »)…:,
lui est élégant, jusque dans le pas : « les
foulées [...]
aucune
inquiétude »
-
(Même portrait chez Vigny : la battue dans les bois (« nous »), lucidité, chien égorgé, sang qui se répand, silence, le dernier regard qui apporte une connivence avec le chasseur (« je »), la « stoïque fierté » comme leçon de vie (et non le goût du sang et son esthétisme !)
-
Les villageois par contre sont animalisés, ils sont gauches et veules
b)
des villageois animalisés voire
grotesques ( camenbert)
Parallèlement,
de façon à ménager la tension du récit et l'attention du lecteur
jusqu'au bout, Giono se sert habilement de la personnalité du
narrateur pour injecter ds le récit des touches de légèreté, de
comique ou de grotesque.
Les
villageois ne sont jamais individualisés mais désignés par le
pluriel (nous); ce qui les caractérise c'est le plus souvent
la maladresse, la gaucherie, la stupidité. Sans Langlois, quel
beau massacre ! [...] vertes forêts, l. 60-65. C'est une pauvre
humanité ridicule et pitoyable, surtout comparée à la personnalité
courageuse et altière du loup. On a l'impression
d'assister à une parodie de chasse à cour ou d'épopée
La description des
villageois par l’un des leur : « dindons de la farce »,
« pas pelus »,
c) La dignité de Langlois
s’oppose à l’animalité des villageois :
La
battue est l'occasion pour tous les participants de laisser
s'exprimer leurs instincts sadiques.
D'abord
ceux générés par le groupe. On voit bien dans
tout le passage l'excitation provoquée par la chasse (le grand
nombre de phrases exclamatives en témoigne). A plusieurs reprises,
Langlois tente de canaliser l'impatience des hommes : « stop
et, tranquille ! » ;
« -Paix
! dit Langlois ».
Le groupe se comporte de manière animale et c'est comme on s'adresse
à des animaux (impératifs, phrases nominales) que Langlois leur
parle.
Le
narrateur est d'ailleurs capable de reconnaître rétrospectivement
que « Sans
Langlois, quel beau massacre ! ».
Les
instincts sadiques du groupe veulent s'exprimer dans la
confusion des cris, des coups, des fumées (énumération
qui marque l'agitation). Pour eux, la mise à mort de la bête
parachève et justifie la battue. Elle en est le point culminant et
la jouissance extrême.
En
revanche, Langlois ne réagit pas de la même façon : il est tout en
contrôle de la situation et en maîtrise de lui-même (cf extrême
lenteur de ses déplacements + position de chef incontesté au sein
de la troupe villageoise). Et paradoxalement, son plaisir sadique ne
semble pas s'exprimer dans la mise à mort du loup. En effet, il
expédie cette mort, au grand désespoir des villageois. On dirait
justement qu'il essaie d'éviter au loup à la fois les souffrances
d'une mort barbare et une mort indigne d'un être d'exception comme
lui. Il a reconnu dans le loup du courage, de la dignité, de la
noblesse (c'est un roi, comme lui) et il ne veut pas le laisser en
pâture aux villageois. C'est peut-être pour cela qu'il tire deux
fois, pour être certain que le loup est mort et qu'il ne peut plus
souffrir.
Chez
Langlois (comme chez M.V certainement), le plaisir sadique est en
amont, dans la chasse et dans la quête ; vraisemblablement pas dans
l'accomplissement du meurtre proprement dit. Et s'il y a plaisir de
tuer, il vient de la contemplation esthétique du sang sur la neige.
Le loup et Langlois partagent d'ailleurs ce même plaisir puisque Le
loup regarde le sang du chien sur la neige.
III Une exécution ritualisée
a)
le sacré à l’œuvre :
Une
consécration solennelle. La « muraille à pic » est
comme un mur de scène, les couleurs (rouge, blanc, les lumières qui
montent…), le cortège et le silence rappellent une cérémonie
religieuse : un divertissement, comme la messe de minuit. Atmosphère
de rêve éveillé rompue par les coups de feu > retour au récit.
Le mot « paix »
est repris plusieurs fois, d'abord dans la bouche de Langlois, de
manière ambiguë d'ailleurs (-Paix
! Dit Langlois, >
cela peut vouloir aussi dire “Taisez-vous !”), ensuite dans la
bouche du narrateur, avec une acception plus religieuse cette fois
(Oh ! Paix !
Pendant que recommence à voltiger le va-et-vient des torches
colombes » puis
encore une fois dans la narration qq lignes plus loin (Au
milieu de cette paix,
l.74). Le mot revient encore sous la forme discursive ss qu'on sache
véritablement qui le prononce.
Cette
répétition du mot « paix », essentiellement sous forme
discursive, fait penser à une litanie incantatoire lors d'un rituel
ou sacrifice expiatoire.
Ensuite,
le temps est extrêmement dilaté dans les derniers moments, comme
nous l'avons vu en I.b). Et les mouvements des participants sont
d'une extrême lenteur, légèreté ou poésie : qu'il
agite lentement de haut en bas »
; « voltiger »
; « s'avance
pas à pas » ;
« la
légèreté aéronautique » et
paradoxale du gros procureur, Les bruits évoqués sont ténus ou
étouffés : un
bruit d'ailes l.6 ;
craquer,
l.44 ; crisser,
l46. Ensuite,
l'accent est mis sur la pureté et la lumière qui tranchent avec
l'obscurité environnante : la
neige, l.3 ; des
colombes, l.7 ; les
foulées d'une fraîcheur exquise et si claires,
l.13-14 ; l'évocation de torches
à de nombreuses
reprises.
Cette
dualité ombre-lumière peut renvoyer à l'opposition classique
Bien-Mal (Langlois ne tire-t-il pas d'ailleurs à
la diable »?)
les colombes + la position christique de Langlois et même du loup :
de ses bras
étendus en croix »
( < Langlois) ; « devant
les pattes croisées du loup, ».
A
noter que s'y interfèrent aussi des évocations moins « catholiques
», liées à la religion aztèque (Langlois représenté dans la
figure habituelle du grand-prêtre ordonnateur, sous la forme d'un
homme-oiseau ; le sacrifice du loup > sacrifices
humains).
b) Une tragédie antique :
Bien
sûr, comme dans une tragédie, la mort est présente. Contrairement
à la tragédie classique, elle est « représentée » puisque
le récit nous rapporte qu' il y a le chien de Cunier, mort, et
que la neige est pleine de sang, l.81-82 ; et plus loin que
Langlois tire … deux coups de pistolet dans le ventre du
loup (l. 88). Pour autant, elle est pour ainsi dire escamotée
car
rien ne nous est vraiment décrit, le loup encore moins que le reste.
(Langlois lui tira deux coups de pistolet dans le ventre, l.
88-89 > le loup est en position d'objet et « disparaît »
grammaticalement de la phrase ). Comme dans la plus classique des
tragédies où la mort ne doit pas être représentée sur scène ?
Ensuite,
le lieu fait penser à une scène de théâtre de par son aspect clos
(au fond de Chalamont, l.1; cette aire nue qui va jusqu'au
pied du mur, l.37-38).
Les
villageois sont à la fois dans la position du choeur antique (ils
sont toujours désignés par le pluriel nous) et dans celle
des spectateurs : à partir du moment où ils voient enfin le loup,
ils ne bougent plus (Langlois s'avance. Nous n'avons pas envie de
le suivre, l.72-73). L'accent est mis sur leur position
contemplative : D'abord nous ne voyons rien,
l.39;
Nous le voyons ! l.59; Nous voyons aussi que, l.80
(répétition du même verbe, voir)
Le
face à face entre le loup et Langlois fait penser à un duel
tragique : silence, comme déjà évoqué, + attitude du loup.
Il
est digne, se tient couché (l.56) mais sans avilissement; il accepte
au contraire son sort avec fatalité, dignité (les pattes
croisées, l.80)
et courage (Il
nous regarde,
l.57).
c) La répétition des
motifs :
la poursuite du loup // celle
de M.V. par Frédéric II : les traces dans la neige, « aucune
inquiétude »,
Les deux coups de pistolet
tirés à la diable :
La
mort du loup est construite comme la répétition de la mort de M.V :
dans les deux cas,
-la
narration consacre une grande part à la traque (M.V > Frédéric
le suit sur dix pages; puis c'est au tour de Langlois et de ses
hommes sur dix pages encore. Ici l'épisode proprement dit de la
battue au loup dure quarante pages);
-Langlois
s'empare des derniers instants et effectue la mise à mort pendant
que le reste du groupe assiste en spectateur;
-la
mort est précédée d'un face à face silencieux (M.V > ils
eurent l'air de se mettre d'accord [...] sans paroles, l.p.85 //
loup
> Il s'en est passé des choses pendant le silence !, l.83)
-
l'exécution est rigoureusement identique; Giono emploie exactement
les mêmes mots et le même temps (passé simple, alors que le récit
de la mort du loup est, à cette exception près, uniquement au
présent ) : M.V> Langlois lui avait tiré deux coups de
pistolet dans le ventre; des deux deux mains, en même temps,
p.86; loup > Langlois lui tira deux coups de pistolet dans le
ventre; des deux mains, en même temps, l.88-89. Le narrateur le
souligne d'ailleurs avec dépit, l.90- 93.
Permanence
des instincts meurtriers qui s'expriment de la même façon. On peut
en conclure que le destin bégaie et enchaîne
l'homme dans un processus de répétition névrotique (ou
pathologique).
Le « petit conciliabule
muet » comme celui de M.V. et Langlois : la confrontation
à la mort, et stt la connivence des deux êtres autour du sang sur
la neige.
d) un divertissement :
violence de tous prise en
charge par Langlois (pour combler son ennui, n’a-t-il pas organisé
dans ce but toute cette battue ?). Le sang du chien est le
divertissement du loup, celui du loup est le divertissement de
Langlois… la logique nous permet d’attendre la mort de Langlois.
-
l’attente de la mort, la mort comme porte de sortie et même « arc de triomphe »…
-
la mort du chien de Curnier : le motif du sang sur la neige, le plaisir du loup.
Tous
les participants partagent pourtant le même plaisir : celui
d'assister à un divertissement.
Notion
à prendre dans toute sa globalité puisque cette battue est d'abord
un amusement (on ne reviendra pas sur le caractère comique de
certains passages). C'est ensuite un spectacle et une cérémonie
(les femmes ont revêtu des tenues très particulières, qui n'ont
rien à voir avec une tenue de chasse. Elle se sont faites belles
comme pour une sortie exceptionnelle). Là encore, on ne développe
pas ; ça a déjà été vu en II..
De
plus, tous les participants (loup compris) tombent dans une espèce
de sommeil hypnotique provenant de la fascination déjà évoquée de
la beauté du sang sur la neige : au
milieu de cette paix qui nous a brusquement endormis »
; Le loup
regarde le sang du chien sur la neige. Il a l'air aussi endormi que
nous, l.86-87.
Ils
sont véritablement « happés » par le spectacle qui les fait «
sortir » de l'état de conscience et d'eux-mêmes, en quelque sorte.
C'est un divertissement au sens gionien et pascalien du terme.
La
mise à mort du loup est un acte de substitution qui « détourne »
les instincts meurtriers des hommes : ils tuent ici le loup pour ne
pas tuer d'autres hommes (comme M.V et Langlois l'ont fait) ou pour
ne pas se tuer eux-mêmes (comme Langlois le fera). On peut dire
aussi que qu'elle a un effet cathartique.
En
profiter pour rappeler la différence de la notion de divertissement
chez Pascal et Giono : Pascal est un philosophe chrétien pour lequel
se divertir est une erreur (il ne faut pas se « voiler la face »
mais se tourner vers Dieu).
Conclusion :
Cette
battue au loup qui se termine par son exécution est remarquable par
l’utilisation d’un narrateur-témoin, qui raconte ce qu’il
voit. Sa vision limitée si elle crée un suspens et un dynamisme ne
permet pas au lecteur de comprendre parfaitement la situation. Nous
pensons à Fabrice del Dongo à la bataille de Waterloo dans
La
Chartreuse de Parme
qui bien qu’au coeur de la bataille, ne voit rien et ne comprend
rien. Giono se
refuse à l'emploi de narrateurs trop savants, trop intelligents ou
simplement omniscients pour
laisser au lecteur sa liberté d'interprétation. C'est
la lecture qui crée le sens et non le récit. Deuxième
idée, la battue au loup permet à Langlois de canaliser la violence
des villageois en leur offrant un divertissement. Un divertissement
utile cependant puisqu’il débarrasse le village d’une menace.
I
Un récit d’une battue
a)
un langage oral
b)
un récit limité par une
vision interne
II Un loup qui interroge sur
la définition d’humanité
a)
un loup humanisé :
b)
des villageois animalisés voire
grotesques ( camenbert)
c)
La dignité de Langlois s’oppose à l’animalité des villageois :
III Une exécution ritualisée
a)
le sacré à l’œuvre
b)
Une tragédie antique
c)
La répétition des motifs
d)
un divertissement
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