INTRODUCTION
Lucrèce, De rerum
natura, « chant II », vers 1 à 37
Lucrèce
:
Dans
son De rerum natura, Lucrèce, poète latin du premier
siècle avant J.-C., illustre la philosophie d'Epicure, philosophe
grec qui vécut de -341 à -270. L'épicurisme s'oppose
au stoïcisme qui prône la vertu, et au contraire réalise
le bonheur dans la satisfaction des sens, mais sans excès.
Lucrèce, dans les premiers vers du chant II, illustre la philosophie
épicurienne du bonheur. Ce bonheur est un lieu d'où l'on peut
observer sans crainte la folie des hommes mus par l'ambition et la
cupidité. L'époque dans laquelle vécut Lucrèce était celle de la
guerre civile, et le retrait de la vie publique est pour le sage la
possibilité de vivre sans crainte. Ce lieu du bonheur qui ressemble
à un jardin est un lieu simple, éloigné du luxe, entouré d'amis.
C'est également le lieu du savoir ; l'activité intellectuelle
étant la plus à même de combler l'homme.Comme toujours chez
Lucrèce, traductions visuelles d'idées abstraites : tempête sur la
mer, scène de bataille, errance des humains.
Notre
extrait ouvre le chant II. Lucrèce y fait l'éloge de la vie
philosophique et en définit le cadre par rapport à la société
contemporaine.
(problématiques
possibles ) En quoi les règles de vie, c'est à dire la morale de
Lucrèce, sont-elles une philosophie du bonheur ?
(plan)
Nous verrons en quoi consiste la vie des hommes ordinaires et nous
l'opposerons à celle du philosophe épicurien décrit par Lucrèce.
I
La vie des hommes ordinaires :
A.
La difficulté de vivre :
La
métaphore de la traversée en bateau : pleine de naufrages et
de tempêtes, représente la vie difficile des hommes qui ne sont pas
des philosophes. Ces hommes « erre[ent] » sans trouver le
« chemin de la vie », ils vivent dans le « tourment »
(V.3). Pire, ils sont « aveugles », c'est à dire qu'ils
ne savent pas quel chemin prendre, au sens figuré, dans leur vie.
B.
L'ambition et la violence :
L'aveuglement
de l'homme le pousse à se battre (V.5 – V6). Lucrèce parle des
« grands combats de la guerre ». Ces luttes ne sont pas
seulement guerrière. Elles existent également dans les luttes de
tous les jours pour « rivalis[er] de talent » (V11) mais
aussi pour conquérire la « gloire nobiliaire ». Cette
gloire, celle de la noblesse, est due au hasard de la naissance mais
peut se perdre. Donc les nobles doivent se battre tous les jours pour
garder cette gloire héritée de leurs ancêtres. Les hommes ne se
contentent pas de ce qu'ils ont mais cherchent par « un labeur
intense » à obtenir plus. Il leur faut « l'opulence »,
c'est à dire la richesse. Celle qui permet d'avoir une maison avec
des « lambris dorés », des « statues dorées
d'éphèbes », « une maison brillant d'or et reluisant
d'argent » (V.28)
L'homme
est responsable de ses malheurs. Il n'est pas obligé d'être un
« Pitoyable[...] esprit[...] » (V.14). Lucrèce oppose
aux hommes malheureux la philosophie d'Epicure. Cela signifie que
rien n'est inéluctable et que chacun peut être heureux s'il
suit les recommandations du philosophe Epicure.
II
Le philosophe épicurien
A.
Les leçons de la philosophie :
Le
philosophe, c'est à dire celui qui suit les préceptes d'Epicure,
doit se situer hors des hommes. Il doit prendre de la hauteur :
« rien n'est plus doux que d'habiter les hauts lieux ».
Le philosophe n'est pas aveugle, il voit le malheur des hommes, il ne
tire aucun plaisir à voir les autres souffrir : « il nous
plaît de voir à quoi nous échappons »(V.4). Il comprend donc
les difficultés des hommes.
B.
La nature comme remèdes :
Le
philosophe doit écouter la nature pour savoir quels sont ses besoins
indispensables. (Epicure se contentait d'un verre d'eau et d'un
morceu de pain).
Au
début du texte, la mer est une nature en folie, destructrice :
« les vents soulèvent la mer immense » (V.1). A la fin
du texte, « la rivière » accompagne les philosophes
étendus sur l'herbe. La nature aquatique est d'abord furie puis
apaisement.
Quels
sont les besoins à satisfaire pour éprouver du plaisir et donc
accéder au bonheur ?
-Eviter les douleurs physiques : « «que la douleur soit éloignée du corps » (V18).
-Eviter les douleurs physiques : « «que la douleur soit éloignée du corps » (V18).
-Rechercher
le plaisir pour l 'esprit, c'est à dire se cultiver, réfléchir,
obtenir par l'étude « le savoir des sages » (V.8)
-Eviter
les inquiétudes, craintes pour l'esprit : « que
l'esprit jouisse de sensations heureuses » (V.19)
-Cultiver
l'amitié : « entre amis » (V30)
-donner
du plaisirs aux sens : « bien peu de choses sont
nécessaires à la nature corporelle » (V.22) Attention, si
l'épicurisme est une philosophie matérialiste, elle réfute tous
les excés : manger quand on a faim, mais pas plus.
En
résumé , le plaisir est obtenu par l 'absence de douleur
physique et morale.
C.
Régler sa vie :Quelles sont les conséquences pour la vie du
philosophe ?
Le
philosophe doit éviter la douleur et donc ne pas se battre, éviter
les guerres, les troubles politiques, les disputes , etc. Il va
donc s'isoler à la campagne d'où il pourra « voir » les
malheurs des hommes. Le refuge idéal ressemble à un jardin pourvu
d'un « grand arbre » et au bord d'une « rivière ».
Attention, ce n'est pas le malheur des autres qui le réjouit (comme
le dit le proverbe), pas du tout, mais c'est voir à quoi il a
échappé. Et qui justifie sa décision de se retirer des affaires
humaines (Lucrèce vivait au moment des troubles politiques à Rome).
Cette
vie n'est pas solitaire, puisque le philosophe va vivre au milieu de
ses amis, loin du luxe. Le philosophe transmettra ces réflexions aux
autres hommes. Ainsi Lucrèce écrit ce poème didactique pour
enseigner la sagesse d'Epicure.
En
conclusion, Lucrèce oppose dans ce poème la vie des hommes
ordinaires faites de troubles et de violences à celle heureuse des
philosophes épicuriens qui trouvent le bonheur dans le retrait de la
vie publique, dans l'écoute de la nature, celle du corps. Et dans
les conversations philosophiques.
Le sage prend du plaisir à échapper à la condition
humaine commune.
-
L'idéal décrit est celui de l'ataraxie, c'est-à-dire l'absence de
troubles. Cet idéal est poursuivi de façons diverses par les
stoïciens, les sceptiques, et bien sûr les épicuriens. Voici ce
qu'en dit Epicure :
« Disons que le plaisir est le but de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs de l'homme déréglé, ni de ceux qui consistent dans les jouissances matérielles, ainsi que l'écrivent des gens qui ignorent notre doctrine, ou qui la combattent et la prennent dans un mauvais sens. "Le plaisir dont nous parlons est celui qui consiste, pour le corps, à ne pas souffrir et, pour l'âme, à être libérée de tout souci.[1] »
Epicure, Lettre
à Ménecée
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