dimanche 21 mai 2017

BAC BLANC THEATRE DU SAMEDI 20 MAI 2017

BAC BLANC THEATRE DU SAMEDI 20 MAI 2017


Document A
Merlin, valet de chambre et amant de Lisette, prépare en secret avec d’autres domestiques une courte pièce pour divertir ses maîtres. Dans l’intrigue qu’il a ébauchée, il fait semblant d’aimer Colette, l’amante de Blaise.

Scène II – LISETTE, COLETTE, BLAISE, MERLIN.
MERLIN. Allons, mes enfants, je vous attendais ; montrez-moi un petit échantillon de votre savoir faire, et tâchons de gagner notre argent le mieux que nous pourrons ; répétons.
LISETTE. Ce que j'aime de ta comédie, c'est que nous nous la donnerons à nous-mêmes ; car je pense que nous allons tenir de jolis propos.
MERLIN. De très jolis propos ; car, dans le plan de ma pièce, vous ne sortez point de caractère, vous autres ; toi, tu joues une maligne soubrette à qui l'on n'en fait point accroire, et te voilà ; Blaise a l'air d'un nigaud pris sans vert, et il en fait le rôle; une petite coquette de village et Colette, c'est la même chose ; un joli homme et moi, c'est tout un. Un joli homme est inconstant, une coquette n'est pas fidèle : Colette trahit Blaise, je néglige ta flamme. Blaise est un sot qui en pleure, tu es une diablesse qui t'en mets en fureur; et voilà ma pièce. […]
BLAISE. Oui ; mais si ce que j'allons jouer allait être vrai ! Prenez garde, au moins ; il ne faut pas du tout de bon ; car j'aime Colette, dame !
MERLIN. À merveille ! Blaise. Je te demande ce ton de nigaud-là dans la pièce.
LISETTE. Écoutez, Monsieur le joli homme, il a raison ; que ceci ne passe point la raillerie ; car je ne suis pas endurante, je vous en avertis.
MERLIN. Fort bien, Lisette ! Il y a un aigre-doux dans ce ton-là qu'il faut conserver.
COLETTE. Allez, allez, Mademoiselle Lisette ; il n'y a rien à appriander pour vous; car vous êtes plus jolie que moi; Monsieur Merlin le sait bien.
MERLIN. Courage, friponne; vous y êtes, c'est dans ce goût-là qu'il faut jouer votre rôle. Allons, commençons à répéter.
LISETTE. C'est à nous deux à commencer, je crois.
MERLIN. Oui nous sommes la première scène ; asseyez-vous là, vous autres; et nous, débutons. Tu es au fait, Lisette. (Colette et Blaise s'asseyent comme spectateurs d'une scène dont ils ne sont pas.) Tu arrives sur le théâtre, et tu me trouves rêveur et distrait. Recule-toi un peu, pour me laisse prendre ma contenance.
                                           Marivaux, Les Acteurs de bonne foi, scènes I à III, 1757.

Document B
Antonin Artaud, dramaturge et critique théâtral, explique dans cet essai ce que serait pour lui le théâtre idéal.

Le spectacle, ainsi composé, ainsi construit, s'étendra, par suppression de la scène, à la salle entière du théâtre et, parti du sol, il gagnera les murailles sur de légères passerelles, enveloppera matériellement le spectateur, le maintiendra dans un bain constant de lumière, d'images, de mouvements et de bruits. Le décor sera constitué par les personnages eux-mêmes, grandis à la taille de mannequins gigantesques, par des paysages de lumières mouvantes jouant sur des objets et des masques en perpétuel déplacement. Et, de même qu'il n'y aura pas de place inoccupée dans l'espace, il n'y aura pas de répit, ni de place vide dans l'esprit ou la sensibilité du spectateur. C'est-à-dire qu'entre la vie et le théâtre, on ne trouvera plus de coupure nette, plus de solution de continuité. 

                                                                Antonin Artaud, Le Théâtre et son double, 1938, Gallimard.


Document C
Voici les dernières lignes d'une comédie où l'un des personnages, Puck, s'adresse directement aux spectateurs.

PUCK, aux spectateurs. - Ombres que nous sommes, si nous avons déplu, figurez-vous seulement (et tout sera réparé) que vous n'avez fait qu’un somme, pendant que ces visions vous apparaissaient. Ce thème faible et vain, qui ne contient pas plus qu'un songe, gentils spectateurs, ne le condamnez pas ; nous ferons mieux, si vous pardonnez. Oui,foi d'honnête Puck, si nous avons la chance imméritée d'échapper aujourd'hui au sifflet du serpent, nous ferons mieux avant longtemps, ou tenez Puck pour un menteur. Sur ce, bonsoir, vous tous. Battez des mains, si nous sommes amis,
et Robin réparera ses torts. (Sort Puck.) 

                                                                                        Shakespeare, Le Songe d'une nuit d'été, 1595.
1 Pris sans vert = pris au dépourvu
2 Appriander : forme populaire pour « appréhender »
3 Robin : un des personnages de la pièce

Document D
Les personnages présents sont Marthe, une épouse qui est l’image de la soumission aux lois de la famille et de la religion, Lechy Elbernon, une actrice émancipée qui représente la femme séduisante et son mari, Thomas Pollock Nageoire, un homme d’affaires entreprenant et avisé, actif et sérieux.

LECHY ELBERNON
Moi je connais le monde. J'ai été partout. Je suis actrice, vous savez.
Je joue sur le théâtre.
Le théâtre. Vous ne savez pas ce que c'est ?

MARTHE
Non.

LECHY ELBERNON
Il y a la scène et la salle.
Tout étant clos, les gens viennent là le soir et ils sont assis par rangées les uns derrière les autres, regardant.

MARTHE
Quoi ? Qu'est-ce qu'ils regardent puisque tout est fermé ?

LECHY ELBERNON
Ils regardent le rideau de la scène.
Et ce qu'il y a derrière quand il est levé.
Et il arrive quelque chose sur la scène comme si c'était vrai.

MARTHE
Mais puisque ce n'est pas vrai ! C'est comme les rêves que l'on fait quand on dort.

LECHY ELBERNON
C'est ainsi qu'ils viennent au théâtre la nuit.

THOMAS POLLOCK NAGEOIRE
Elle a raison. Et quand ce serait vrai encore ? Qu'est-ce que cela me fait ?

LECHY ELBERNON
Je les regarde, et la salle n'est rien que de la chair vivante et habillée.
Et ils garnissent les murs comme des mouches jusqu'au plafond.
Et je vois ces centaines de visages blancs.
L'homme s'ennuie et l'ignorance lui est attachée depuis sa naissance.
Et ne sachant de rien comment cela commence ou finit, c'est pour cela qu'il va au théâtre.
Et il se regarde lui-même, les mains posées sur les genoux.
Et il pleure et il rit, et il n'a point envie de s'en aller.
Et je les regarde aussi et je sais qu'il y a là le caissier qui sait que demain
On vérifiera les livres, et la mère adultère dont l'enfant vient de tomber malade,
Et celui qui vient de voler pour la première fois et celui qui n’a rien fait de tout le jour.
Et ils regardent et écoutent comme s'ils dormaient.

MARTHE
L'oeil est fait pour voir et l'oreille
Pour entendre la vérité.

LECHY ELBERNON
Qu'est-ce que la vérité ? Est-ce qu'elle n'a pas dix-sept enveloppes, comme les oignons ?
Qui voit les choses comme elles sont ? L'oeil certes, voit, l'oreille entend.
Mais l'esprit tout seul connaît. Et c'est pourquoi l'homme veut voir des yeux et connaître des oreilles
Ce qu'il porte dans son esprit, - l'en ayant fait sortir.
Et c'est ainsi que je me montre sur la scène.

MARTHE
Est-ce que vous n'êtes point honteuse ?

LECHY ELBERNON
Je n'ai point honte ! mais je me montre, et je suis toute à tous.
                                                                                    Paul Claudel, L'Échange, 1901, Gallimard.

Corpus :
■Document A : Marivaux, Les Acteurs de bonne foi, 1757.
■Document B : Antonin Artaud, Le Théâtre et son double, 1938.
■Document C : Shakespeare, Le Songe d’une nuit d’été, 1595.
■Document D : Paul Claudel, L’Échange, 1901.
Question de corpus (6 points)
1. Relevez dans le corpus les différents mots et expressions qui qualifient le spectateur; commentez-les. (3 points)
2. Analyser comment le travail de l’acteur dans chaque texte aboutit à la création d’une illusion? (3 points)

CORRECTION 

Les questions sur le corpus sont très importantes car elles servent à préparer le commentaire.
Vous devez avoir dans votre réponse quatre parties : l'introduction avec une présentation sommaire des textes, la première partie qui correspond à la première question avec plusieurs paragraphes, c'est la même chose pour la deuxième partie qui est composée de plusieurs paragraphe et pour finir le quatrième bloc pour une conclusion très brève. Attention dans chaque partie tous les documents doivent apparaître et ils sont nommés par le nom de l'auteur ou le titre.

Méthode :
textes
A
B
C
D
AUTEURS Marivaux Antonin Artaud Shakespeare Paul Claudel
TITRES Les Acteurs de bonne foi Le Théâtre et son double Le songe d'une nuit d'été L'Echange
GENRE Théâtre Essais Théâtre Théâtre
DATE 1757 1938 1595 1901
spectateurs Le théâtre dans le théâtre
« j'allons jouer »
« asseyez-vous là, vous autre »
(Colette et Blaise s'asseyent comme spectateurs d'une scène dont ils ne sont pas.)
« entre la vie et le théâtre plus de coupure nette, plus de solution de continuité » « un somme » « visions » « mouches »
« comme s'ils dormaient »
« de la chair vivante et habillée »
« le caissier »
« la mère adultère »
« celui qui vient de voler »
Commentaires
mélioratif
mélioratif
mélioratif
péjoratif


Des quatre textes seul L'Echange présente une image négative du spectateur
illusion Les comédiens jouent des personnages qui leur ressemblent, qui sont calqués sur eux-mêmes. Donc il est très facile de confondre personnage et comédien L'illusion est créée par « un bain constant de lumière, d'images, de mouvements et de bruits » Le spectateur doit être actif pour que l'illusion fonctionne. Il doit se « figure(r) » . Les comédiens sont des « menteur(s) ». L'illusion ne marche que pour l'oreille et les yeux. Mais l'esprit seul connaît la vérité.


Toujours  commencer par une introduction générale présentant le corpus (nombre de textes, auteurs, titres d’oeuvres soulignés et sans guillemets sauf pour les titres de poèmes, siècles, courants littéraires, justification du regroupement des textes, personnages, questions à traiter)
           Le corpus soumis à notre étude se compose de trois extraits de pièces de théâtre et d'un essais sur le théâtre. Ces trois extraits de pièces sont d'époque différentes mais ils traitent tous de la vérité et de l'illusion. Le document A est extrait de Les Acteurs de bonne foi de Marivaux, publié en 1757; le document C est un extrait d'une pièce de Shakespeare, le Songe d'une nuit d'été datant de 1595; le document D est un extrait de L'Echange de Paul Claudel, publié en 1901. Le quatrième document, le document B est extrait d'un essai consacré au théâtre, Le Théâtre et son double, publié par Antonin Artaud en 1938.

rédiger une phrase d’idée directrice en introduction de chaque question en en reprenant les mots-clés

            Les quatre documents du corpus présentent différentes visions du spectateur. cette vision est plutôt positive pour Marivaux qui fait jouer à des comédiens leur propre rôle. Ils sont à la fois public et spectateur comme le montre certaines répliques : "j'allons jouer allait être vrai"  ou "asseyez-vous là, vous autres". Tout aussi positive est la vision donnée par Shakespeare : le spectateur doit être actif, il doit se "figure[r]" n'avoir " fait qu'un somme". Même interprétation pour Artaud pour lequel tout l'espace du spectateur doit être occupé : "pas de place vide". 
            Claudel traite différemment le spectateur de théâtre. Le spectateur est une "mouche", "de la chair vivante et habillée".  Le dramaturge dresse le catalogue du public : "caissier", "mère adultère" et "celui qui vient de voler pour la première fois". Bref, une vision négative du spectateur. Nous voyons donc que les documents proposés nous donnent deux portraits du spectateur : un portrait positif pour Marivaux, Shakespeare et Artaud et tout à fait négatif pour Claudel.(rédiger une conclusion de bilan justifiant l’intérêt de la question)

            Deux documents évoquent le travail de l'acteur pour créer une illusion, l'illusion théâtrale. Dans la pièce de Marivaux, les comédiens endossent leur propre rôle. C'est leur personnalité, ce qu'ils sont dans la vie qui est représenté sur scène. Ainsi Blaise a déjà "l'air d'un nigaud pris sans vert", pour Colette être "une petite coquette de village et Colette, c'est la même chose" et pour Merlin "un joli homme" et lui "c'est tout un". L'illusion et la réalité se confondent. Pour Artaud, l'illusion se fera par un "bain constant de lumière, d'images, de mouvements et de bruits". C'est à dire que le spectateur ne pourra plus se raccrocher à la réalité. 
           Les deux autres documents insistent sur la perte de l'illusion. Dans L'Echange, Marthe affirme que le théâtre "ce n'est pas vrai". Et dans la même pièce, Lechy Elbernon ajoute que si "L'oeil voit" et que "l'oreille entend", "l'esprit tout seul connait". C'est à dire que l'esprit sait que le théâtre n'est qu'une illusion. Dans Le Songe d'une nuit d'été , Puck prétend être un "menteur". A nouveau les documents se partagent en deux groupes, Marivaux et Artaud qui veulent maintenir l'illusion et Claudel et Shakespeare qui insistent sur le mensonge.

Ainsi ce corpus met au jour deux conceptions opposées du théâtre.

Travaux d’écriture (14 points)
■Sujet de commentaire.
Vous ferez le commentaire du texte de Paul Claudel (document D) à partir du parcours de lecture suivant :
- une actrice parle du théâtre
- le théâtre comme révélateur de la vérité humaine
NB : Ce texte est écrit en versets; il s’agit d’une phrase, ou d’une suite de phrases, rythmées d’une seule respiration, découpées dans un texte poétique à la façon des versets des textes sacrés (La Bible, Le Coran). Vous pouvez donc analyser ces versets à la fois comme des vers et comme de la prose : c’est une richesse supplémentaire pour l’analyse !


Méthodes : partir des deux questions qui seront les deux idées directrices des axes. Reprenez des idées déjà vues dans les questions de corpus. Quelles sont les idées développées par LECHY ELBERNON sur le théâtre. Cet extrait est un dialogue entre une actrice LECHY ELBERNON  et Marthe, présentée comme une épouse soumise aux lois de la famille et de la religion. Le personnage qui domine cet échange est LECHY ELBERNON et apporte toutes les idées. Marthe étant plutôt une sorte de faire-valoir.
Quelle définition du Théâtre pouvons-nous trouver dans les propos de l'actrice ?
Un commentaire comporte 4 parties :   - introduction
                                                                - 1er axe (= une actrice parle du théâtre)
                                                                - 2e axe ( = le théâtre comme révélateur de la vérité humaine)
                                                                  Conclusion 

Jamais de titre, ni de n°, ni les mots "introduction", "axe" ou "conclusion"
L'introduction comporte trois parties : 1) présentation de l'auteur, de l'oeuvre et de l'extrait
                                                              2) Problématique
                                                              3) annonce du plan (les deux axes)
     

Proposition de corrigé ( en se plaçant dans la peau d'un élève qui découvre Paul Claudel, c'est à dire sans en connaître plus que ce qui est dit sur les feuilles)

      Paul Claudel, dramaturge français, a publié la pièce de théâtre, L'Echange, en 1901. L'extrait que nous allons commenter met en scène trois personnages qui sont par ordre d'importance dans le dialogue : THOMAS POLLOCK NAGEOIRE, MARTHE et LECHY ELBERNON. C'est cette dernière, elle-même actrice,  qui domine l'échange et permet par ses réponses aux deux autres personnages qui sont des faire-valoir de susciter des réflexions sur le théâtre. Quelle définition du théâtre nous est-elle donnée par les réflexions de l'actrice ? Nous verrons dans une première partie  comment l'aspect trivial  du théâtre est mis en avant dans toutes ses composantes  pour dans une deuxième partie le sublimer.







                  


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