jeudi 4 mai 2017

quatrième séquence : l'aveu au théâtre . Lecture complémentaire n°1 Jean Racine, l'aveu de Phèdre à Oenone.

Lecture complémentaire n° 1
Jean Racine, Phèdre ( 1677), l'aveu de Phèdre à Œnone, Phèdre, Acte 1, scène 2, Vers 218-265.

ŒNONE
218 Quoi ? de quelques remords êtes−vous déchirée ?
Quel crime a pu produire un trouble si pressant ?
220 Vos mains n'ont point trempé dans le sang innocent.

PHÈDRE
Grâces au ciel, mes mains ne sont point criminelles.
Plût aux dieux que mon cœur fût innocent comme elles !

  ŒNONE
Et quel affreux projet avez−vous enfanté
Dont votre cœur encor doive être épouvanté ?

PHÈDRE
Je t'en ai dit assez. Épargne−moi le reste.
Je meurs, pour ne point faire un aveu si funeste.

ŒNONE
Mourez donc, et gardez un silence inhumain ;
Mais pour fermer vos yeux cherchez une autre main.
Quoiqu'il vous reste à peine une faible lumière,
230 Mon âme chez les morts descendra la première ;
Mille chemins ouverts y conduisent toujours,
Et ma juste douleur choisira les plus courts.
Cruelle, quand ma foi vous a-t-elle déçue ?
Songez-vous qu'en naissant mes bras vous ont reçue ?
Mon pays, mes enfants, pour vous j'ai tout quitté.
Réserviez−vous ce prix à ma fidélité ?

PHÈDRE
Quel fruit espères-tu de tant de violence ?
Tu frémiras d'horreur si je romps le silence.

ŒNONE
Et que me direz-vous qui ne cède, grands dieux !
240 A l'horreur de vous voir expirer à mes yeux ?

PHÈDRE
Quand tu sauras mon crime, et le sort qui m'accable,
Je n'en mourrai pas moins, j'en mourrai plus coupable.

ŒNONE
Madame, au nom des pleurs que pour vous j'ai versés,
Par vos faibles genoux que je tiens embrassés,
Délivrez mon esprit de ce funeste doute.

PHÈDRE
Tu le veux. Lève−toi.

ŒNONE
Parlez : je vous écoute.

PHÈDRE
Ciel ! que lui vais-je dire ? et par où commencer ?

ŒNONE
Par de vaines frayeurs cessez de m'offenser.

PHÈDRE
Ô haine de Vénus ! Ô fatale colère !
250 Dans quels égarements l'amour jeta ma mère !

ŒNONE
Oublions-les Madame, et qu'à tout l'avenir
Un silence éternel cache ce souvenir.

PHÈDRE
Ariane, ma sœur, de quel amour blessée
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !

ŒNONE
Que faites-vous, Madame ? et quel mortel ennui
Contre tout votre sang vous anime aujourd'hui ?

PHÈDRE
Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable
Je péris la dernière et la plus misérable.

ŒNONE
Aimez-vous ?

PHÈDRE
De l'amour j'ai toutes les fureurs.

ŒNONE
260 Pour qui ?

PHÈDRE
Tu vas ouïr le comble des horreurs.
J'aime... A ce nom fatal, je tremble, je frissonne.
J'aime...

ŒNONE
Qui ?

PHÈDRE
Tu connais ce fils de l'Amazone,
Ce prince si longtemps par moi−même opprimé ?

ŒNONE
Hippolyte ? Grands dieux !

PHÈDRE
C'est toi qui l'as nommé !

ŒNONE
Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace !

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