Anthologie : la mort en poésie : quand les vivants s'adressent aux morts
Quand
les vivants interpellent les morts :
La
poétesse appelle sa sœur prématurément morte.
Marceline
Desbordes-Valmore, « Le Mal du pays » in Poésies
Le tombeau d'Albertine est près de mon berceau ;
Je veux aller trouver son ombre abandonnée ;
Je veux un même lit près du même ruisseau.
Je
veux dormir. J'ai soif de sommeil, d'innocence,
D'amour ! d'un long silence écouté sans effroi.
De l'air pur qui soufflait au jour de ma naissance,
Doux pour l'enfant du pauvre et pour l'enfant du roi.
D'amour ! d'un long silence écouté sans effroi.
De l'air pur qui soufflait au jour de ma naissance,
Doux pour l'enfant du pauvre et pour l'enfant du roi.
J'ai
soif d'un frais oubli, d'une voix qui pardonne.
Qu'on me rende Albertine ! elle avait cette voix
Qu'un souvenir du ciel à quelques femmes donne ;
Elle a béni mon nom... autre part... autrefois !
Qu'on me rende Albertine ! elle avait cette voix
Qu'un souvenir du ciel à quelques femmes donne ;
Elle a béni mon nom... autre part... autrefois !
Autrefois
!... qu'il est loin le jour de son baptême !
Nous entrâmes au monde un jour qu'il était beau :
Le sel qui l'ondoya fut dissous sur moi-même,
Et le prêtre pour nous n'alluma qu'un flambeau.
Nous entrâmes au monde un jour qu'il était beau :
Le sel qui l'ondoya fut dissous sur moi-même,
Et le prêtre pour nous n'alluma qu'un flambeau.
D'où
vient-on quand on frappe aux portes de la terre ?
Sans clarté dans la vie, où s'adressent nos pas ?
Inconnus aux mortels qui nous tendent les bras,
Pleurants, comme effrayés d'un sort involontaire.
Sans clarté dans la vie, où s'adressent nos pas ?
Inconnus aux mortels qui nous tendent les bras,
Pleurants, comme effrayés d'un sort involontaire.
Où
va-t-on quand,-lassé d'un chemin sans bonheur,
On tourne vers le ciel un regard chargé d'ombre ?
Quand on ferme sur nous l'autre porte, si sombre !
Et qu'un ami n'a plus que nos traits dans son cœur ?
On tourne vers le ciel un regard chargé d'ombre ?
Quand on ferme sur nous l'autre porte, si sombre !
Et qu'un ami n'a plus que nos traits dans son cœur ?
Ah
! quand je descendrai rapide, palpitante,
L'invisible sentier qu'on ne remonte pas,
Reconnaîtrai-je enfin la seule âme constante
Qui m'aimait imparfaite, et me grondait si bas ?
L'invisible sentier qu'on ne remonte pas,
Reconnaîtrai-je enfin la seule âme constante
Qui m'aimait imparfaite, et me grondait si bas ?
Te
verrai-je,Albertine ! ombre jeune et craintive ;
Jeune, tu t'envolas peureuse des autans :
Dénouant pour mourir ta robe de printemps,
Tu dis : "Semez ces fleurs sur ma cendre captive."
Jeune, tu t'envolas peureuse des autans :
Dénouant pour mourir ta robe de printemps,
Tu dis : "Semez ces fleurs sur ma cendre captive."
Oui
! je reconnaîtrai tes traits pâles, charmants.
Miroir de la pitié qui marchait sur tes traces,
Qui pleurait dans ta voix, angélisait tes grâces,
Et qui s'enveloppait dans tes doux vêtements !
Miroir de la pitié qui marchait sur tes traces,
Qui pleurait dans ta voix, angélisait tes grâces,
Et qui s'enveloppait dans tes doux vêtements !
Oui,
tu ne m'es qu'absente, et la mort n'est qu'un voile,
Albertine ! et tu sais l'autre vie avant moi,
Un jour, j'ai vu ton âme aux feux blancs d'une étoile ;
File a baisé mon front, et j'ai dit : C'est donc toi !
Albertine ! et tu sais l'autre vie avant moi,
Un jour, j'ai vu ton âme aux feux blancs d'une étoile ;
File a baisé mon front, et j'ai dit : C'est donc toi !
Viens
encor, viens ! j'ai tant de choses à te dire !
Ce qu'on t'a fait souffrir, je le sais ! j'ai souffert.
Ce qu'on t'a fait souffrir, je le sais ! j'ai souffert.
Ô
ma plus que sœur ! viens : ce que je n'ose écrire.
Viens le voir palpiter dans mon cœur entr'ouvert !
Viens le voir palpiter dans mon cœur entr'ouvert !
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