mercredi 1 novembre 2017

Séquence 5 bis L : Les réécritures / LES FINS DE DON JUAN / 1re L / Henry de Montherlant, La Mort qui fait le trottoir (1956)


Henry de Montherlant, La Mort qui fait le trottoir, (1956)

 Acte III, scène 7 […]


 Don Juan, à Alcacer : Bâtonne-les et détruisons ce carton-pâte. Que ne pouvons-nous détruire aussi facilement le carton-pâte de Dieu et des toutes les impostures, les divines et les humaines ! Et maintenant, au galop ! Allons chasser la femme à Séville !

 Alcacer : À Séville ? Vous êtes fou ! Et notre départ ? Ce soir vous serez arrêté. 

Don Juan : Le faux spectre m’a redonné courage : tous mes spectres s’évanouissent avec lui. La fille de ton rendez-vous nous attend. Elle et bien d’autres. Il y a encore deux jours avant la Fête des Mères. Deux jours ! Qu’ils soient à moi ! 

Alcacer, avec une sorte d’horreur : Sac au dos ! ou plutôt sac aux reins ! Et tirant la langue comme les diables, tirant la langue comme les chiens… 

Don Juan : Comprends-moi ! mon fils, comprends-moi ! Si je n’accroche pas une femme nouvelle aujourd’hui, une demain, une chaque jour, c’est ma vie de séducteur tout entière qui s’évanouira comme un mirage. J’ai besoin d’avoir été, et j’ai besoin d’être. En chasse ! en chasse ! Je ne peux pas faire autrement.

 Alcacer, le retenant : Mon père ! Vous êtes fou ! Vous faites des actes de fou !

 Don Juan : Ne me retiens pas ! Laisse-moi mon abîme ! Je ne peux pas attendre une minute de plus. Ma bouche s’en sèche. 

Alcacer : Mais nous allons rejoindre Ana de Ulloa sur la route ! Elle vous verra rentrer à Séville, quand vous venez de lui dire que vous partez au Portugal ?

 Don Juan : Ne t’inquiète pas. Je connais un chemin détourné…

 Alcacer : Vous allez être reconnu tout de suite ! Don Juan : Je mets mon masque.

                     Il abaisse son masque, mais celui-ci n’est plus le masque du premier acte. Il représente maintenant une tête de mort

Alcacer, jetant un cri : Qu’est-ce cela ? Qu’est-ce que ce masque ? 

Don Juan : Eh bien quoi ? c’est mon masque de tous les jours.

 Alcacer : Retirez cela vite ! 
Don Juan, essayant de retirer le masque : Mais je ne peux pas le retirer, que passe-t-il ? Il s’est incrusté dans mon visage, il s’est mélangé à ma chair…Essaie de me le retirer. 

Alcacer, tremblant : Je ne toucherai pas à ce masque. 

Don Juan : Pourquoi ?

 Alcacer : Il y a dessus une tête de mort.

 Don Juan : une tête de mort ? À la bonne heure ! En avant ! Au galop pour Séville !

                             Il sort vivement, entraînant par la taille Alcacer qui titube.


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