jeudi 9 novembre 2017

Séquence 5 Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours. Oeuvre Intégrale : Maylis de Kérangal, Réparer les vivants, Le dénouement



https://drive.google.com/file/d/1nvNfqdwSd2mnoEOvzHoh78kCi-D5Z7Y8/view?usp=sharing

       Claire a-t-elle entendu le chant de Thomas Rémiges dans ses songes anesthésiques, ce chant de la belle mort ? A-t-elle entendu sa voix dans la nuit de quatre heures du matin alors qu'elle recevait le cœur de Simon Limbres ? Elle est placée sous assistance extracorporelle pendant encore une demi-heure, puis recousue elle aussi, écarteurs à crémaillère relâchant les tissus pour une délicate suture de demoiselle, et demeure au bloc sous surveillance, entourée des écrans noirs où tracent les vagues lumineuses de son cœur, le temps que son corps récupère, le temps que l'on range la pièce en démence, le temps que l'on dénombre les ustensiles et les compresses, et que l'on efface le sang, le temps que l'équipe se disloque, et que chacun ôte ses vêtements de bloc et se rhabille, se passe de l'eau sur la figure et se nettoie les mains, puis quitte l'enceinte de l'hôpital pour aller attraper le premier métro, le temps qu'Alice reprenne des couleurs et risque un sourire tandis qu'Harfang lui glisse à l'oreille, alors, petite Harfanguette, qu'est-ce que tu dis de tout ça ?, le temps que Virgilio relève sa charlotte et abaisse son masque, se décide à lui proposer d'aller prendre une bière du côté de Montparnasse, une assiette de frites, une entrecôte saignante histoire de rester dans l'ambiance, le temps qu'elle revête son manteau blanc et qu'il en caresse le col animal, le temps enfin que le sous-bois s'éclaire, que les mousses bleuissent, que le chardonneret chante et s'achève le grand surf dans la nuit digitale. Il est cinq heures qurante-neuf.




Maylis de Kerangal,
Réparer les vivants (2014),
Le dénouement


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