Texte
n°1 : Lucrèce, De
rerum natura
(1er
siècle avant J.-C.)
1 Douceur, lorsque les vents soulèvent la mer immense,
D’observer
du rivage le dur effort d’autrui,
Non
que le tourment soit jamais un doux plaisir
Mais
il nous plaît de voir à quoi nous échappons.
5 Lors des grands combats de la guerre, il plaît aussi
De
regarder sans risque les armées dans les plaines.
Mais
rien n’est plus doux que d’habiter les hauts lieux
Fortifiés
solidement par le savoir de sages,
Temples
de sérénité d’où l’on peut voir les autres
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Errer sans trêve en bas, cherchant le chemin de la vie,
Rivalisant
de talent, de gloire nobiliaire,
S’efforçant
nuit et jour par un labeur intense
D’atteindre
à l’opulence, au faîte du pouvoir.
Pitoyables
esprits, cœurs aveugles des hommes !
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Dans quelles ténèbres mortelles, quels dangers
Passe
leur peu de vie ! Ne voient-ils l’évidence ?
La
nature en criant ne réclame rien d’autre
Sinon
que la douleur soit éloignée du corps,
Que
l’esprit jouisse de sensations heureuses,
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Délivré des soucis et de crainte affranchi.
Ainsi
nous le voyons, bien peu de choses sont nécessaires
A
la nature corporelle et tout ce qui ôte la douleur
Peut
aussi nous donner maintes délices en échange.
Il
est parfois plus agréable, et la nature est satisfaite,
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Si l’on ne possède statues dorées d’éphèbes
Tenant
en main droite des flambeaux allumés
Pour
fournir leur lumière aux nocturnes festins,
Ni
maison brillant d’or et reluisant d’argent,
Ni
cithares résonnant sous des lambris dorés,
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De pouvoir entre amis, couchés dans l’herbe tendre,
Auprès
d’une rivière, sous les branches d’un grand arbre,
Choyer
allègrement son corps à peu de frais,
Surtout
quand le temps sourit et que la saison
Parsème
de mille fleurs les prairies verdissantes.
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Et les fièvres ne quittent pas plus vite le corps
Si
l’on s’agite sur de riches brocarts de pourpre
Que
si l’on doit coucher sur un drap plébéien.
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