Texte
2 : Charles Baudelaire, « À
une passante » (15 octobre1860)
in Les
Fleurs du Mal
(1861)
La
rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue,
mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une
femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant,
balançant le feston et l'ourlet ;
Agile
et noble, avec sa jambe de statue.
Moi,
je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans
son œil,
ciel livide où germe l'ouragan,
La
douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un
éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont
le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne
te verrai-je plus que dans l'éternité ?
Ailleurs,
bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car
j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô
toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !
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