Frayer
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Frayer
: frotter par va-et-vient
Le
mot «frayer» vient du latin fricare, «frotter». On dit «frayer
un chemin», c’est-à-dire tracer un chemin à force de passer
toujours au même endroit. D’allers en venues, les pieds
frottent la terre au même endroit, jusqu’à ce que l’herbe ne
repousse plus. Frayer, c’est aussi emprunter si souvent le même
trajet qu’on se creuse un chemin : la terre, durcie à force
d’avoir été piétinée, déroule un ruban nu à travers
champs. Dans l’Encyclopédie de
Diderot, il est marqué : «Celui
qui fait les premiers pas ouvre la route, ceux qui la suivent la
fraient. Une route frayée ou qui a déjà été fréquentée,
c’est la même chose. Frayer à quelqu’un la route du vice,
c’est lever ses scrupules et aplanir toutes les difficultés.»
De même, le cerf «fraye» lorsqu’il frotte ses bois contre les
arbres, raclant leur tronc par va-et-vient, jusqu’à mettre l’os
de sa ramure à nu.
Le
frai du cerf
En
hiver, le cerf ne se distingue guère de sa femelle. Au printemps,
ses bois poussent. Les deux organes qui se dressent brusquement
sur son front, peuvent atteindre 40 centimètres en trois mois et
sont recouverts d’une peau aussi agréable à caresser que celle
du pénis humain. On l’appelle «velours» tant cette peau est
douce. A la fin de l’été, cependant, le taux de testostérone
augmente chez l’animal et la vascularisation s’interrompt. Les
velours se dessèchent et tombent en lambeaux. Le cerf s’en
débarrasse en frottant ses bois contre les arbres : on dit qu’il
fraye.
Frayer
avec le beau monde
Frayer
se dit aussi «des
poissons quand ils s’approchent pour la génération»
(Dictionnaire de l’Académie française, 1762), c’est-à-dire
lorsque les femelles frottent leur ventre contre des pierres ou
des algues pour y pondre leurs œufs et que les mâles s’y
frottent à leur tour pour les féconder. La période de frai
désigne donc – par analogie avec ces mouvements sinueux de
bas-ventre – la période de reproduction. Le mot «frai»
désigne jusqu’à l’usure des pièces de monnaie à force de
circuler. Tout ce qui aplani les obstacles, érode les angles
aigus, rend les relations plus douces entre humains. Raison pour
laquelle «frayer» est synonyme d’«entretenir des relations
familières et suivies». On «fraye avec le beau monde».
Erosion
désirée
Diderot
parle aussi de se «frayer à soi-même le chemin», soit par des
efforts du génie atteindre un but par des moyens inconnus aux
autres. Il y a dans l’énergie immense que l’on perd à
avancer, en se frottant contre la matière, une forme
d’exténuement. Mais «dans
un monde qui ne connaîtrait ni frottement ni adhérence, nos
gestes les plus simples deviendraient pour la plupart inopérants
: tenir un crayon, lacer ses chaussures, serrer une vis, appuyer
une échelle au mur ou tout simplement marcher. Nous n’aurions
ni bicyclettes, ni automobiles, ni trains (excepté les trains à
sustentation), du moins sous la forme qui nous est familière…»
(Wikipedia). Sans frottements, il n’y aurait pas non plus de
caresses, ni ces baisers qui sont toutes les formes de l’usure à
laquelle nous aspirons : devenir plus légers et plus fins, enfin.
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samedi 20 janvier 2018
F - Dictionnaire personnel à l'usage de tous
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