Médée
a tué ses enfants. Ne supportant pas l'idée que ses fils reposent
en terre grecque, elle revient sur leur tombeau ; elle évoque
ici le moment où elle a commis le double meurtre.
Scène
III
[…]
Je vous regarde comme une mère regarde ses enfants.
Je
vous souris.
Je
cherche de la main le couteau que j'ai aiguisé le matin.
Je
vous prends alors dans mes bras,
Fort,
Comme
nous le faisons parfois pour jouer.
Je
serre
Et
vous riez de cette étreinte, vous riez d'asphyxie.
Je
serre encore.
Je
glisse doucement le couteau sur la gorge du premier,
Et
le sang coule, noir et épais, le long de ma main.
Le
sang coule.
L'un
de vous rit encore, je crois, à moins que ce ne soit moi.
Je
vous tiens serrés.
Vous
ne comprenez pas encore mais la peur vous saisit.
Vous
voulez partir,
Vous
voulez courir,
Je
vous tiens contre moi.
Le
deuxième d'entre vous, je lui sectionne le jarret,
Vos
sangs se mêlent sur moi.
Il
faut de la force pour vous empêcher de bouger.
Il
faut de la force
Et
j'en ai.
Vous
êtes pâles maintenant,
Vous
vous débattez moins vigoureusement.
Je
sens les corps qui s'abandonnent,
Qui
deviennent plus lourds au fond des bras.
J'ai
les mains rouges
Et
je vous embrasse doucement.
Je
fais glisser mes lèvres sur vos plaies,
Le
sang est tiède et me coule entre les dents.
Je
ne veux pas que vous ayez mal.
Vous
sentez la langue de votre mère qui vous lèche la vie.
Je
suis une chienne.
Vous
ne bougez plus.
Mon
visage est couvert de sang.
Je
vous bois, je vous enlace, je vous lèche doucement.
Je
ne tremble pas,
Je
vous aime,
Mes
enfants,
Je
vous aime et vous tiens fermement.
Vous
êtes lourds maintenant et inertes.
Le
sang continue à couler.
Il
y a tant de sang en vous.
Mes
enfants,
Vous
n'êtes plus,
Mes
enfants.
Ils
vous ont enterrés comme des Grecs,
Avec
la vanité du marbre.
C'est
pour cela que je reviens.
Je
veux vous extraire de la terre froide de votre père
Et
vous confier aux flammes du bûcher.
Votre
mère est là,
La
chienne,
L'étrangère.
Je
vous aime.
Tout
doit disparaître.
Les
ossements, les stèles,
Tout
doit disparaître.
Je
veux que Jason pleure sur un tombeau vide.
Mes
enfants,
Je
suis enragée.
Le
châtiment n'est pas encore complet.
Je
ne vous laisserai pas dans cette terre.
Je
ne vous laisserai pas si près de votre père.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire