mercredi 31 janvier 2018

Médée : les raisons de l'infanticide

EURIPIDE :

Autrement dit, l’infanticide, chez Euripide, s’explique moins par la nature de Médée que par sa situation : « … si l’on bafoue ses droits, les droits de son lit, une femme est capable de se changer en bête féroce » (v. 265-266). Certes elle est passionnée à l’extrême et orgueilleuse, mais elle n’a pas le goût de la destruction de son homologue sénéquéenne. Jason, le premier, a nié les liens qui l’unissaient à Médée et qui seuls donnaient à Médée une existence sociale et affective ; Médée réplique en niant à son tour, par le sang versé, ce qui aurait dû l’unir à Jason. Ainsi les meurtres d’Absyrtos et de Pélias, dont elle se repent, semblent avoir été commis dans une autre vie et cette donnée mythique, ainsi que le final de la pièce (où Médée s’envole, avec les cadavres
de ses fils, dans un char éblouissant prêté par le Soleil) se raccordent tant bien que mal à cette
figure si humaine et si peu monstrueuse. […]

SENEQUE :


Ivre de sang et de vengeance, elle est décrite comme une Ménade sanglante. Le lien entre le
fratricide et l’infanticide est nettement plus marqué.
- Le meurtre des enfants a lieu sur scène, suprême audace de Sénèque qui ne tient pas compte des préceptes de bienséance formulés par Horace dans son Art poétique !

Pierre CORNEILLE


Il a forcé les effets, recherché le spectaculaire : il montre Médée dans une grotte en train d’accomplir ses sortilèges. L’agonie de Créon et de Créuse a lieu sur la scène,et Jason se tue de désespoir, après le meurtre de ses enfants.

THOMAS  CORNEILLE ET CHARPENTIER


Lorsque Jason veut se venger de Médée, il apprend le meurtre de ses fils et la voit s’envoler sur son dragon. Des Démons surgissent de tous côtés, mettent le feu au palais, qui s’effondre.

JEAN ANOUILH


Jason, lui, semble effrayé par la violence et la sensualité débordante de Médée : pour qu’elle l’émeuve, il faut qu’il l’imagine comme une « petite-fille », endormie un soir à table sur son épaule, ou comme son seul compagnon de route, une fois que les Argonautes l’ont, l’un après l’autre, quitté, sachant qu’il ne les mènerait plus vers aucun exploit. La contradiction de Jason est donc que, sans Médée, il ne serait jamais devenu le ravisseur de la Toison d’or, mais qu’avec elle il ne peut être un chef et un héros. C’est pourquoi, lorsque Médée s’est suicidée, à la fin de la pièce, après le meurtre de ses enfants, le rideau tombe sur les appels à l’ordre de Jason, qui peut enfin

prétendre régner.

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