dimanche 15 octobre 2017

Séquence 3 L : Vers un espace culturel européen : Renaissance et humanisme : 1re L : Montaigne, "Des Coches", "En naviguant le long de côtes..."



https://drive.google.com/file/d/1SUAWqFzxTB9T2wkvYD55p2i-BTzNSHfy/view?usp=sharing



          En naviguant le long des côtes à la recherche de leurs mines [d’or], quelques Espagnols prirent terre en une contrée fertile et agréable, fort habitée et ils firent à ce peuple leurs déclarations habituelles : « Qu’ils étaient des gens paisibles, arrivant après de longs voyages, envoyés de la part du roi de Castille, le plus grand prince de la terre habitable, auquel le Pape, représentant de Dieu sur la terre, avait donné la principauté de toutes les Indes ; que, s’ils voulaient être tributaires de ce roi, ils seraient traités avec beaucoup de bienveillance ; ils leur demandaient des vivres pour leur nourriture et de l’or dont ils avaient besoin pour quelque médicament ; ils leur faisaient connaître au demeurant la croyance en un seul Dieu et la vérité de notre religion qu’ils leur conseillaient d’accepter, ajoutant quelques menaces à ce conseil. » La réponse fut telle [que voici] : « Que, pour ce qui est d’être des gens paisibles, ils n’en portaient pas la mine, s’ils l’étaient ; quant à leur roi, puisqu’il demandait, il devait être indigent et nécessiteux, et celui qui avait fait cette distribution [de territoires] devait être un homme aimant la dissension puisqu’il donnait ainsi à un tiers une chose qui n’était pas sienne pour le mettre en conflit avec les anciens possesseurs ; quant aux vivres, [ils dirent] qu’ils leur en fourniraient ; de l’or, qu’ils en avaient peu et [ils ajoutèrent] que c’était une chose qu’ils ne tenaient en nulle estime parce qu’elle était inutile au service de leur vie tandis que tout leur souci visait seulement à la passer heureusement et agréablement ; pour cette raison, ce qu’ils en pourrait trouver, sauf ce qui était employé pour le service de leurs dieux, qu’ils le prissent sans hésiter ; quant au dieu unique, [ils dirent que]l’idée leur en avait plu mais qu’ils ne voulaient pas changer leur religion après s’en être servi si utilement pendant si longtemps et qu’ils avaient l’habitude de ne prendre conseil que de leurs amis et connaissances ; quant aux menaces, c’était [,dirent-ils,] un signe de manque de jugement que d’aller menacer des gens dont la nature et les forces [guerrières] leur étaient inconnues ; dans ces conditions, qu’ils se dépêchassent-et promptement- de quitter leur pays car ils n’avaient pas l’habitude de prendre du bon côté les civilités et les déclarations de gens armés et étrangers ; autrement, on ferait d’eux comme des autres, et ils leur montraient les têtes de certains hommes exécutés, autour de leur ville. » Voilà un exemple des balbutiements de ces prétendus enfants. Mais toujours est-il que ni en ce lieu ni en plusieurs autres, où les espagnols ne trouvèrent pas les marchandises qu’ils cherchaient, ils ne firent d’arrêt ni d’entreprise guerrière, quelque autre avantage qu’il y eût : témoin mes cannibales.


Michel de Montaigne, « Des Coches », Essais, III,6 (1595)

Questions possibles à l'oral :
Comment Montaigne invite-t-il les lecteurs à remettre en cause la prétendue naïveté des Indiens ?
Comment cet extrait s'inscrit-il dans le courant humaniste ?

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