samedi 14 octobre 2017

Séquence 4, Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours. Albert Camus, L'Etranger (1942) LA3, l'achèvement


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Albert Camus, L'Etranger, L'achèvement, de « Lui parti » à « avec des cris de haine »



      Lui parti, j’ai retrouvé le calme. J’étais épuisé et je me suis jeté sur ma couchette. Je crois que j’ai dormi parce que je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage. Des bruits de campagne montaient jusqu’à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée. À ce moment, et à la limite de la nuit, des sirènes ont hurlé. Elles annonçaient des départs pour un monde qui maintenant m’était à jamais indifférent. Pour la première fois depuis bien longtemps, j’ai pensé à maman. Il m’a semblé que je comprenais pourquoi à la fin d’une vie elle avait pris un « fiancé », pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, là-bas aussi, autour de cet asile où des vies s’éteignaient, le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la mort, maman devait s’y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n’avait le droit de pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m’avait purgé du mal, vidé d’espoir, devant cette nuit chargée de signes et d’étoiles, je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l’éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j’ai senti que j’avais été heureux, et que je l’étais encore. Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine. 

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Que s'est-il passé avant ?

Un jour, pendant que Meursault rêvait précisément au recours en grâce, un prêtre est introduit dans sa cellule. Le prêtre veut lui aussi, comme le juge, une déclaration de repentir que Meursault refuse à nouveau. Car Meursault ne peut pas se repentir, ni se pardonner; il ne peut que s'accuser, se condamner, sanctionner l'exécution ou se gracier. Devant ce refus, le prêtre ne se réfugie pas dans la foi, comme l'avait fait le juge, mais entre plus profondément en rapport avec Meursault en l'appelant mon fils, et cela produit une réaction émotive bouleversante chez Meursault qui se déchaîne contre lui en le couvrant d'injures, en une véritable explosion de rage. C'est alors que Meursault peut dénoncer l'injustice, se révolter contre les accusations. Le prêtre réagit en calmant les gardiens qui menacent Meursault, et en le regardant en silence (encore une fois !), mais les yeux pleins de larmes.

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