jeudi 26 octobre 2017

Séquence 3 L : Vers un espace culturel européen : Renaissance et humanisme : 1re L. Devoir argumentation : Montaigne, Voltaire et Montesquieu



TEXTE A: Extrait des Essais, Montaigne (1533-1592)
Montaigne raconte la venue en France de trois “sauvages” venus d’Amérique.
Trois d'entre eux […] après avoir quitté la douceur de leur ciel pour venir voir le nôtre, furent à Rouen,du temps que leur feu roi Charles neuvième y était. Le Roi parla à eux fort longtemps; on leur fit voir notre façon, notre pompe, la forme d'une belle ville. Après cela, quelqu'un en demanda leur avis, et voulut savoir d'eux ce qu'ils y avaient trouvé de plus admirable; ils répondirent trois choses, d'où j'ai perdu la troisième, et en suis bien marri; mais j'en ai encore deux en mémoire. Ils dirent qu'ils trouvaient en premier lieu fort étrange que tant de grands hommes, portant barbe, forts et armés, qui étaient autour du Roi (il est vraisemblable qu'ils parlaient des Suisses de sa garde), se soumissent à obéir à un enfant, et qu'on ne choisisse plutôt quelqu'un d'entre eux pour commander; secondement (ils ont une façon de leur langage telle, qu'ils nomment les hommes moitié les uns des autres) qu'ils avaient aperçu qu'il y avait parmi nous des hommes pleins et gorgés de toutes sortes de commodités, et que leurs moitiés étaient mendiants à leurs portes, décharnés de faim et de pauvreté; et trouvaient étrange comme ces moitiés ici nécessiteuses pouvaient souffrir une telle injustice, qu'ils ne prissent les autres à la gorge, ou missent le feu à leurs maisons. MontaigneEssais, Livre I chapitre 31, “Des cannibales” (1588)
TEXTE B: Extrait des Lettres persanes, Montesquieu (1689-1755)
Lettre XXX : Rica à Ibben, à Smyrne

Les habitants de Paris sont d'une curiosité qui va jusqu'à l'extravagance. Lorsque j'arrivai, je fus regardé comme si j'avais été envoyé du ciel: vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres; si j'étais aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi; les femmes mêmes faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m'entourait. Si j'étais aux spectacles, je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure: enfin jamais homme n'a tant été vu que moi. Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux: "Il faut avouer qu'il a l'air bien persan." Chose admirable ! Je trouvais de mes portraits partout; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées, tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu.
    Tant d'honneurs ne laissent pas d'être à la charge: je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare; et quoique j'aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé que je dusse troubler le repos d'une grande ville où je n'étais point connu. Cela me fit résoudre à quitter l'habit persan, et à en endosser un à l'européenne, pour voir s'il resterait encore dans ma physionomie quelque chose d'admirable. Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement. Libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste. J'eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et l'estime publique; car j'entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais quelquefois une heure dans une compagnie sans qu'on m'eût regardé, et qu'on m'eût mis en occasion d'ouvrir la bouche. Mais, si quelqu'un par hasard apprenait à la compagnie que j'étais Persan, j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement: " Ah ! Ah ! Monsieur est Persan ? C'est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Persan ? "
De Paris, le 6 de la lune de Chalval, 1712. 
Montesquieu, Lettres persanes, Lettre XXX (1721)
TEXTE C: Candide en Eldorado, extrait de Candide ou l'Optimisme, Voltaire (1694-1778)
Ce conte philosophique raconte l'itinéraire d'un jeune homme nommé Candide, découvrant le monde et mûrissant son regard sur la vie. Alors qu'il est obligé de quitter sa bien-aimée Cunégonde, Candide, en compagnie de son valet Cacambo, poursuit son chemin en Amérique du sud. Ils arrivent tous deux au pays fabuleux d'Eldorado. Un vieux savant les renseigne sur ce pays idyllique.
Candide ne se lassait pas de faire interroger ce bon vieillard; il voulut savoir comment on priait Dieu dans l’Eldorado. « Nous ne le prions point, dit le bon et respectable sage; nous n’avons rien à lui demander; il nous a donné tout ce qu’il nous faut; nous le remercions sans cesse. » Candide eut la curiosité de voir des prêtres; il fit demander où ils étaient. Le bon vieillard sourit. «Mes amis, dit-il, nous sommes tous prêtres; le roi et tous les chefs de famille chantent des cantiques d’actions de grâces solennellement tous les matins; et cinq ou six mille musiciens les accompagnent.
– Quoi ! vous n’avez point de moines qui enseignent, qui disputent, qui gouvernent, qui cabalent, et qui font brûler les gens qui ne sont pas de leur avis ? – Il faudrait que nous fussions fous, dit le vieillard ; nous sommes tous ici du même avis, et nous n’entendons pas ce que vous voulez dire avec vos moines.» Candide à tous ces discours demeurait en extase, et disait en lui-même: «Ceci est bien différent de la Westphalie et du château de monsieur le baron: si notre ami Pangloss avait vu Eldorado, il n’aurait plus dit que le château de Thunder-ten-tronckh était ce qu’il y avait de mieux sur la terre; il est certain qu’il faut voyager.»
    Après cette longue conversation, le bon vieillard fit atteler un carrosse à six moutons, et donna douze de ses domestiques aux deux voyageurs pour les conduire à la cour : «Excusez-moi, leur dit-il, si mon âge me prive de l’honneur de vous accompagner. Le roi vous recevra d’une manière dont vous ne serez pas mécontents, et vous pardonnerez sans doute aux usages du pays s’il y en a quelques-uns qui vous déplaisent.»
VoltaireCandide ou l'Optimisme, chapitre 18 (1759)

Sujet:
I - Question de corpus (4 points): Pourquoi peut-on dire que ces textes ont une portée critique ?

II - Sujet au choix (16 points):

Commentaire: Vous ferez le commentaire du texte de Montesquieu

Dissertation :En quoi l'évocation d'un monde très éloigné du sien permet-elle de faire réfléchir le lecteur ou le spectateur sur la réalité qui l'entoure ? Vous développerez votre argumentation en vous appuyant sur les textes du corpus, les œuvres étudiées en classe et celles que vous avez lues à titre personnel.

Écrit d'invention: Dans un article pour le journal du lycée, vous ferez, à votre choix, l'éloge du voyage ou vous en présenterez une critique. Vous vous appuierez sur certains thèmes évoqués dans les textes du corpus.

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